En 1958, Michel DebrĂ© fut le premier Premier ministre de la Ve RĂ©publique. Câest lui, dit-on, qui rĂ©digea lâintĂ©gralitĂ© du texte fondateur. Le Conseil constitutionnel veille Ă ce que nos textes votĂ©s par le Parlement soient conformes Ă cette Constitution. Depuis quelques mois, nous venons de lâĂ©voquer, Laurent Fabius, ancien Ă©lu de Normandie, en a la charge. Avant lui, et depuis fĂ©vrier 2007, il sâagissait de Jean-Louis DebrĂ©. La durĂ©e de ce mandat est fixĂ©e Ă 9 ans.
La Normandie est donc une terre qui « créé » des prĂ©sidents de cette Ă©minente juridiction française : DebrĂ©, puis FabiusâŠ
Jean-Louis Debré, fils de Michel Debré (jumeau du député LR de Pais et chirurgien renommé, Bernard Debré), né à Toulouse, intÚgre trÚs rapidement le monde politique.
En 1973, il est conseiller technique au cabinet du ministre de lâAgriculture et du DĂ©veloppement rural en 1973, puis du ministre de lâIntĂ©rieur, en la personne de Jacques Chirac.
En cette annĂ©e Ă©lectorale, Ă peine ĂągĂ© de 30 ans (il est nĂ© en 1944), il cherche dĂ©jĂ un point de chute Ă©lectoral. Il nâest pas encore question de NormandieâŠ
Or, le beau-frĂšre du gĂ©nĂ©ral de Gaulle, Jacques Vendroux (lâĂ©pouse de feu Mon GĂ©nĂ©ral sâappelait, de son patronyme, Yvonne Vendroux) est alors le dĂ©putĂ© de la 7e circonscription du Pas-de-Calais dont la plus grande commune est⊠Calais.
Jacques Vendroux est le dĂ©putĂ© gaulliste (UDR Ă lâĂ©poque, lâancĂȘtre du RPR) de Calais depuis 1945 (avec une brĂšve interruption entre 1956 et 1958) ; il fut mĂȘme, pendant 10 ans, maire de Calais, repris alors par les communistes.
Jean-Louis DebrĂ© est lâhĂ©ritier. Le fils de Michel DebrĂ© se voit offrir la circonscription gaulliste du Pas-de-Calais. Toutefois, largement distancĂ© par le candidat du PCF au premier tour (37 % contre 28 % au jeune gaulliste), la circonscription est perdue par lâUDR au second tour, Jean-Louis DebrĂ©, le prĂ©tendant, atteint seulement 48%.
MalgrĂ© son choix en 1974 en faveur de Jacques Chaban-Delmas, candidat gaulliste Ă©liminĂ© dĂšs le premier tour par le candidat soutenu par Jacques Chirac, ValĂ©ry Giscard dâEstaing, Jean-Louis DebrĂ© se rapproche des instances nationales du RPR, mouvement fondĂ© et prĂ©sidĂ© par Jacques Chirac depuis dĂ©cembre 1976 et qui se veut lâhĂ©ritier de lâUDR.
En 1978, Jean-Louis DebrĂ©, qui deviendra chef de cabinet de Maurice Papon, ministre du Budget (avant sa mise en cause et sa condamnation pour complicitĂ© de crimes contre lâhumanitĂ©), est en quĂȘte dâune nouvelle circonscription. Celle de Calais est dĂ©sormais ancrĂ©e Ă gauche (le dĂ©putĂ© sortant communiste sera réélu avec plus de 56 % au second tour), les instances du RPR cherchent une nouvelle terre dâaccueil Ă©lectorale.
Dans lâEure, le RPR est sous la main de RenĂ© Tomasini, proche de Jacques Chirac, ancien SecrĂ©taire dâĂtat de 1974 Ă 1976, dĂ©putĂ©-maire des Andelys. Dans ce dĂ©partement, au RPR, rien ne se dĂ©cide sans lâaccord de lâancien secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de lâUDR. Nous lâavons rĂ©vĂ©lĂ© prĂ©cĂ©demment, la premiĂšre circonscription de lâEure est en jachĂšre : son dĂ©putĂ© vient dâĂȘtre abattu, sous les balles dâun tueur, la veille du jour de NoĂ«l 1976. Jean de Broglie venait, probablement sous lâinfluence de RenĂ© Tomasini, dâadhĂ©rer au nĂ©o-mouvement gaulliste, le RPR, fondĂ© quelques semaines plus tĂŽt, le 5 dĂ©cembre, porte de Versailles.
Nous nâĂ©voquerons pas le fond de ce dossier mĂȘme sâil est exceptionnel quâun dĂ©putĂ© soit assassinĂ© en France ; il nâen demeure pas moins quâun choc se produit, au niveau national comme au niveau local.
Jean de Broglie avait lâambition de partir en mars 1977 au combat Ă©lectoral pour conquĂ©rir la mairie dâEvreux, traditionnellement socialiste ; bien Ă©videmment ce projet nâa plus de raison dâĂȘtre⊠et la municipalitĂ© deviendra communiste jusquâen 2001, date Ă laquelle⊠Jean-Louis DebrĂ© parviendra -enfin !- Ă battre la gauche communiste. Mais revenons-en aux lĂ©gislatives de 1978, câest le supplĂ©ant du prince de Broglie, lâobscur Pierre Monfrais, rĂ©publicain indĂ©pendant (RI) sans charisme qui siĂšge Ă lâAssemblĂ©e nationale depuis lâhomicide de fin 1976. La droite nĂ©o-gaulliste pense quâil est temps de conquĂ©rir la circonscription : aprĂšs Calais, Jean-Louis DebrĂ© est parachutĂ© Ă Evreux : une permanence Ă©lectorale au cĆur de la citĂ© lui sert de base et un appartement louĂ© dans un quartier populaire de la ville lui servent de « caution locale ». AprĂšs sa dĂ©faite, Jean-Louis DebrĂ© abandonnera Evreux⊠jusquâen 1986 !
Car, Jean-Louis DebrĂ©, comme Ă Calais cinq annĂ©es auparavant, Ă©choue mais ici, dĂšs le premier tour. Il nâa pas pu succĂ©der Ă Jacques Vendroux, il ne pourra pas â non plus- succĂ©der Ă Jean de Broglie. Ni le beau-frĂšre du GĂ©nĂ©ral, ni le PrinceâŠ
Jean-Louis DebrĂ©, malgrĂ© une campagne active des rĂ©seaux gaullistes, arrive seulement quatriĂšme du premier tour derriĂšre le sortant giscardien, le communiste et le socialiste (Luc Tinseau, qui deviendra dâailleurs dĂ©putĂ© lors de la vague rose de 1981). Son score plafonne Ă 19,5 %. Evreux nâest toujours pas gaulliste, le dĂ©putĂ© giscardien sera réélu, pour trois ans, avec plus de 55 % face au maire communiste, Roland Plaisance, ancien dĂ©putĂ© entre 1956 et 1958 (Ă la proportionnelle).
Câest justement grĂące Ă la proportionnelle, mode de scrutin mis en place par le ministre de lâIntĂ©rieur socialiste Gaston Defferre en 1985, que Jean-Louis DebrĂ© sera Ă©lu dĂ©putĂ© de lâEure en mars 1986. TĂȘte de liste RPR, il nâa eu aucune difficultĂ© Ă ĂȘtre Ă©lu malgrĂ© un score dĂ©cevant puisque, sur 5 dĂ©putĂ©s, 3 sont socialistes.
La liste RPR (et celle de lâUDF, puisquâil nây a pas eu dâunion entre les deux principaux mouvements dâopposition au gouvernement socialiste) a Ă©tĂ© handicapĂ©e par la prĂ©sence dâune liste estampillĂ©e « divers droite » emmenĂ©e par⊠le fils de Jean de Broglie, Victor-François de Broglie, appelĂ© Vicky par ses proches et intimes. Vicky a Ă©tĂ© Ă©lu conseiller gĂ©nĂ©ral du canton de Rugles en 1982 (avec lâappui occulte du RPR, il a battu le sortant de gauche⊠mais aussi lâancien dĂ©putĂ© giscardien, honni des gaullistes, Pierre Monfrais, officiellement soutenu par lâensemble des partis de droite Ă lâĂ©poque) et conseiller municipal RPR dâEvreux lâannĂ©e suivante (il est 3e de liste UDF-RPR et surtout premier reprĂ©sentant du mouvement dirigĂ© par Jacques Chirac). Le fils du prince a fait, en 1982, une OPA sur le RPR local et comptait bien mener la liste aux Ă©lections lĂ©gislatives en 1986 mais câĂ©tait compter sans le choix de⊠Jacques Chirac lui-mĂȘme qui lâĂ©limine au profit du fils de Michel DebrĂ© (dont la candidature a pourtant parasitĂ© la sienne en 1981 lors de lâĂ©lection prĂ©sidentielle).
AprĂšs 1986, et jusquâen 2002, Jean-Louis DebrĂ© sera constamment réélu dĂ©putĂ© et gagnera mĂȘme la municipalitĂ© dâEvreux, aprĂšs un cuisant Ă©chec en 1989, en 2001.
La suite, vous la connaissez : ministre de lâIntĂ©rieur, prĂ©sident du Conseil constitutionnel et maintenant⊠animateur radiophonique (sic) et adversaire acharnĂ© de Nicolas SarkozyâŠ
Vous comprenez mieux, je pense, sa fidĂ©litĂ© envers Jacques Chirac qui lâa toujours imposĂ©, y compris contre le fils du prince de Broglie.
Vous comprenez aussi ce quâa apportĂ© la Normandie Ă Jean-Louis DebrĂ©âŠ
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