14 août 2017

Une circonscription réservée à un hobereau

Par Franck Buleux

La première circonscription de l’Eure, nous y reviendrons avec l’ancien président du Conseil constitutionnel et ministre de l’Intérieur Jean-Louis Debré, a toujours été, pour la droite, une circonscription « réservée » car favorable (sauf lors de la « vague rose » de 1981). Avant le découpage de Charles Pasqua mis en place pour la première fois lors des élections de 1988, elle fut celle du prince Jean de Broglie entre 1958 et 1976, assassiné à Paris le 24 décembre 1976. Ce descendant du duc de Berry, fils de Charles X, fut successivement secrétaire d’État chargé de la Fonction publique (d’avril à novembre 1962), puis aux Affaires algériennes (entre 1962 et 1966) et aux Affaires étrangères (de 1966 à 1967). Avec Louis Joxe et Robert Buron, deux caciques gaullistes, il fut l’un des négociateurs des accords d’Évian, conclus entre la France et le FLN algérien le 18 mars 1962, qui ont mis un terme à la guerre d’Algérie. Ce giscardien, membre des Républicains indépendants (RI) jusqu’à son ralliement au RPR de Jacques Chirac peu de temps avant son décès brutal, né à Paris, « tenait » sa circonscription puisqu’il y fut élu à cinq reprises consécutives : 1958, 1962, 1967, 1968 et 1973. C’est son suppléant, un homme sans charisme, qui le remplaça, qui fut élu en 1978, puis balayé trois ans plus tard par la « vague rose » de 1981. Bref, cette circonscription « modérée » attend des hommes de droite d’envergure nationale.

Jean-Louis Debré à Evreux en 1978.

Jean-Louis Debré à Evreux en 1978.

Jean-Louis Debré à Evreux en 1973.

Jean-Louis Debré à Calais en 1973.

En 2007, c’est la fin du quinquennat – le second mandat – de Jacques Chirac commencé dans l’euphorie anti-Le Pen avec une victoire massive du candidat « Super menteur » comme le présentaient, à l’époque, « Les Guignols de l’info », de Canal +, véritables consciences anti-fascistes de notre vie politique à cette époque. La fin de l’aventure politique chiraquienne entraîne aussi le terme du gouvernement dirigé par le Premier ministre, Dominique Galouzeau de Villepin. Il est de notoriété publique que Dominique de Villepin n’a pas de bonnes relations avec le nouveau président de la République, Nicolas Sarkozy, et qu’il ne fera pas partie du gouvernement dirigé par François Fillon, nouveau Premier ministre.

Ainsi, le 15 mai 2007, Dominique de Villepin quitte son poste et des manœuvres ont lieu pour que l’UMP l’investisse dans la première circonscription de l’Eure pour succéder à Françoise Charpentier, élue locale UMP et éphémère députée (suppléante de Jean-Louis Debré qui vient d’être nommé, en février 2007, président du Conseil constitutionnel, par son ami Jacques Chirac, une de ses dernières décisions d’importance avant son départ de l’Élysée). Né à Rabat, au Maroc, de Villepin a de la famille très proche installée à Rouen.

Mais Dominique de Villepin n’a jamais affronté le suffrage universel et il ne souhaite pas le faire. D’ailleurs, 10 ans après, notre ancien Premier ministre est toujours vierge de toute candidature. Au pays de la démocratie, c’est tout de même étonnant… (même le jeune (et futur président) Emmanuel Macron cherchait alors une circonscription « ni à droite, ni à gauche »…).

Qui alors ? Son directeur de cabinet, né à Neuilly-sur-Seine (92), Bruno Le Maire entre en lice. Vierge également de tout engagement électoral, il conserve facilement la circonscription à la droite. Il battra, avec plus de 58 % au second tour, une des anciennes maîtresses de Dominique Strauss-Kahn, Anne Mansoureh-Riahi (patronyme devenu Mansouret), candidate socialiste.

Notre énarque, prétextant son refus de cumul des mandats, n’a jamais tenté de conquérir de mandat local (il en fut question en 2014 lorsque le suppléant de Bruno Le Maire, Guy Lefrand, ravit la mairie d’Évreux à la gauche), même s’il fut conseiller régional en 2010. Non, notre énarque a des ambitions plus nationales : l’époux de Viviane Fradin de Belâbre vise l’Élysée. Ce candidat aux primaires (« de la droite et du centre » [sic], même s’il n’y a que des candidats estampillés LR) a d’ailleurs lancé sa campagne nationale… de la ville de Vesoul !

Réélu en 2012 à Évreux, Bruno Le Maire n’a même pas daigné lancer sa campagne de la région qui lui a conféré une stature élective. C’est son choix. C’est aussi, à mon sens, le fait que l’ambition nationale nécessitait d’obtenir une circonscription. Ce fut la première de l’Eure, une « terre » pas trop éloignée de Paris et dont le résultat ne pouvait pas être négatif.

Vous avez aimé cet article ?

EuroLibertés n’est pas qu’un simple blog qui pourra se contenter ad vitam aeternam de bonnes volontés aussi dévouées soient elles… Sa promotion, son développement, sa gestion, les contacts avec les auteurs nécessitent une équipe de collaborateurs compétents et disponibles et donc des ressources financières, même si EuroLibertés n’a pas de vocation commerciale… C’est pourquoi, je lance un appel à nos lecteurs : NOUS AVONS BESOIN DE VOUS DÈS MAINTENANT car je doute que George Soros, David Rockefeller, la Carnegie Corporation, la Fondation Ford et autres Goldman-Sachs ne soient prêts à nous aider ; il faut dire qu’ils sont très sollicités par les medias institutionnels… et, comment dire, j’ai comme l’impression qu’EuroLibertés et eux, c’est assez incompatible !… En revanche, avec vous, chers lecteurs, je prends le pari contraire ! Trois solutions pour nous soutenir : cliquez ici.

Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.

Partager :