Mon premier livre d’images
Je ne remercierai jamais assez Pap Ndiaye de m’avoir permis, par la grâce de l’écriture inclusive et du wokisme qu’il prétend imposer, de retrouver des bijoux de la langue française. Aujourd’hui oubliés, ils éblouissaient alors l’élève de cours préparatoire que j’étais. Une expression banale en apparence, suscitait chez moi une image qui s’animait presque aussitôt. Walt Disney n’avait plus qu’à bien se tenir.
C’est ainsi que seul dans ma chambre donnant sur la cour de la ferme, je voyais dès potron-minet, le renard se glisser hors du poulailler, évitant prudemment le loup qui dans la bergerie achevait de se repaître de l’épaule délectable d’un agneau qui ne se désaltérerait plus dans le courant de l’onde pure de la fontaine voisine. Quand « le Prince de la ruse » rôdait à une mitraille de pétoire, que « Maître Corbeau » nichait dans le marronnier de l’allée et que ma grand-mère préparait sa prochaine livraison de « tomes », le fabuliste n’était jamais loin.
Le voir venu, regagnant mon lit, marchant craintivement sur des œufs, je redoutais l’intrusion avec ses gros sabots d’un ogre charcutier, grand dépendeur d’andouille, amateur de chair fraîche ou de quelque fée Carabosse porteuse d’un philtre (et non d’un filtre) qui m‘endormirait pour cent ans.
Ma grand-mère, très pieuse, m’entraînait souvent au presbytère pour livrer au curé Escoffier ses fromages de chèvre ou quelque lapin qui ignorait bêtement la signification du mot « civet » C’est à cette occasion que je découvris l’existence d’un curieux zoo. Qu’avaient d’original et de commun, la chattemite du confessionnal, la punaise de sacristie et la grenouille de bénitier ? Existait-il une filiation quelconque avec les têtards qui grouillaient dans notre abreuvoir ? Curieusement la bête à bon Dieu ne fréquentait pas ces lieux saints.
À propos de ce batracien bondissant, pourquoi affirmer que le père Machin, après avoir tiré le diable par la queue, ne pouvant plus faire bouillir la marmite, avait bouffé la grenouille ? Pour l’empêcher de devenir plus grosse que le bœuf ? Mon père dut m’expliquer que les tirelires avaient souvent la forme de cet animal qui m’était si familier. C’est à l’église, devant le présentoir des cierges à la flamme vacillante que je compris mieux le gâchis d’une chandelle brûlant par les deux bouts.
La vie à la ferme me familiarisait avec une langue née du quotidien : le matin il fallait « tirer » les vaches sans oublier de surveiller la « Marguerite » qui était pleine. Pour le gamin que j’étais, je devais « aller en champ les chèvres » où ces facétieuses biques s’entêtaient à préférer le feuillage d’un pêcher de vigne à l’herbe pourtant fraîche qui leur était dévolue. Ailleurs l’herbe serait-elle vraiment plus verte ? Ma grand-mère s‘activait dans le potager pour récolter et vendre des produits frais qui lui permettraient de mettre du beurre dans les épinards.
Ainsi, bon an, mal an, s’écoulait une vie rythmée par Dame Nature, avec ses joies et ses peines.
Lors de la livraison de la traite du matin, il m’arrivait de croiser le père Fournat, ancien matelot de la « Royale », devenu journalier de profession par nécessité. Son allure déjà incertaine permettait de souligner qu’« il y avait du vent dans les voiles ». Le soir venu, la risée matinale avait forci jusqu’à l’obliger à « tirer des bords » pour rentrer à bon port dans sa cambuse envahie de cadavres de ce blanc sec qu’il affectionnait. Ces délicieux euphémismes étaient plus évocateurs qu’affirmer crûment qu’il, était bourré. Magie des mots, 75 ans plus tard je le revois comme si c’était hier, interrompant sa navigation à vue pour « s’en rouler une de caporal ordinaire ».
Lors d’un repas de batteuse Léon Vallon qui ne se déplaçait pas sans son « Robust » de La « Manu », expliquait que devant un solitaire particulièrement farouche, il avait préféré prendre les jambes à son cou et la poudre d’escopette Sans doute n’avait-il pas voulu gâcher de cette farine explosive et je l’imaginais s’empêtrant dans sa gibecière et la bretelle de son arme sans perdre pour autant son éternelle casquette. Il fallut que mon père m’expliquât que si l’escopette était un tromblon, l’escampette était une levée de camp intempestive, plus vulgairement une fuite sans gloire. Dans un coin de table le Joseph dont on disait qu’il était gras comme un moine, s’enfilait des saucisses d’herbe et des caillettes à n’en plus finir. Ce ventripotent indolent « gras comme un moine » me téléportait dans la forêt de Sherwood partager un gigot avec frère Tuck « boit sans soif » invétéré qui, saxon, ne pouvait qu’ignorer l’expression « Long comme un jour sans pain » à défaut de déguster ce pain blanc regretté par un mangeur de grenouilles mastiquant un ersatz fadasse à Trafalgar Square.
Je croyais avoir rencontré un athlète de haut niveau en la personne du fils d’un notable qui courait la prétentaine aussi bien que le guilledou Soucieux de conseiller ses cadets il se murmurait qu’il avait mis la fille d’un industriel dans une situation intéressante. De fait je ne connaissais pas ces disciplines mais j’imaginais aisément ce coureur de fond avalant les tours de piste au stade des Méannes pour améliorer ses performances.
Et ces expressions de déclencher des tempêtes sous mon crâne encore fragile. Pourquoi une oie blanche aurait-elle dû se méfier des avances d’un vieux cheval de retour ? Comment un ours pouvait-il être mal léché ? Pourquoi le maréchal-ferrant aurait-il été un perdreau de l’année, lui qui peinait sous le harnais depuis des lustres ? D’ailleurs que venait faire dans cette conversation un peu obscure ce luminaire ? Pourquoi Carpion, un copain d’enfance de mon père devenu dentiste, aurait-il menti comme un vulgaire arracheur de dents ? Pourquoi maître Lambert, perché sur un barreau, tel un poulet de grain, déployait un réel talent pour tourner autour du pot. Mais quel pot ? Le dominical proposé par Henri IV ?
Et ces vains recours à un questionnement permanent me faisaient tourner en bourrique ou devenir chèvre.
C’est ce feu d’artifice métaphorique qui a contribué grandement à me faire connaître et apprécier cette langue si riche qu’on en avait fait la langue diplomatique au service d’une France encore mère des arts, des armes et des lois.
Cher Pap, avant de filer à l’anglaise, faites-nous un ultime plaisir : traduisez cette chronique dans votre langage déconstruit sans omettre bien sûr sa moindre subtilité. Merci !
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