Le Français tel qu’on le parle
Ne pouvant plus suivre les conversations de mes contemporains, ne supportant plus de me faire considérer par eux comme un vieux con, sinon comme un incurable gâteux, j’ai décidé de me mettre au français vernaculaire.
Après quelques semaines d’apprentissage je me permets de livrer à votre appréciation la rédaction dont le sujet imposé était « la journée d’un senior ».
Après un breakfast léger pris dans ma kitchenette, une douche écossaise vivifiante, un rasage précis apaisé par un after-chèvre bienfaisant, j’enfile un training sur un tee-shirt spotrswear et une paire de sneakers confortables (pour rester in, c’est le must selon « Paris Fashion Week »). Après avoir fixé et réglé mon cardio, je quitte mon loft pour mon footing quotidien (à mon âge il n’est plus question de running, encore moins d’interval training).
Depuis l’intrusion du Covid, je m’efforce d’éviter les clusters potentiels des rues marchandes, privilégiant les marinas désertées dans lesquelles les cabin-cruisers et autres outboards attendent des jours meilleurs. Je passe devant le swimming pool du « Lido » désespérément fermé. Son tea-room n’ouvrira pas avant longtemps.
Je repique vers le Mail où, entre « Le Steak House » et « Le Barber Shop », seule la boutique du buraliste reste ouverte. Je m’y approvisionne en différents titres mainstream. Ils sont là noyés au milieu de tabloïds nous livrant les derniers scoops concernant la Jet-Set et les People et les revues pectorales de body-building et les manuels assouplissants de fitness.
Je regagne mon domicile, consulte mon smartphone, allume mon poste de télévision pour découvrir the last news et voir les talk-shows et leurs vieilles pies qui font le buzz. Aujourd’hui le Trump-bashing coule à flots. En feuilletant « Le Figaro » j’apprends que Di Pascale parmi les must wanted d’Europol vient d’être interpellé en Espagne.
J’avale un cheese-burger et un smoothie avant de me vautrer sur mon cosy-corner pour visionner en streaming le dernier raid-movie made America classé au hit-parade de Boborama, le magazine underground.
Il est l’heure de me brancher sur le Net pour consulter mes mails et virer les tonnes de spams déversés.
Je me livre ensuite à mon hobby préféré : la chasse aux fake-news. À peine débarquée à Washington The First Lady aurait exigé d’aménager the Oval office en body-center et d’engager comme coach Woody Allen. Ce qui est faux puisque ce dernier a déjà été drafté par Arnold Schwarzenegger victime d’un break-down austro-hongrois (le plus vicieux).
Par ces temps difficiles je dois limiter mon shopping au Fastmarket le plus proche pour récupérer en pick and collect le « J.P. bag » qui m’attend (cranberry sauce, tomato ketchup, pancakes, ribs sauce barbecue, chicken wraps, vegetable juice, jésus de Lyon, tripoux du Cantal, andouille de Guéméné, rocamadour et une bouteille de Saint-Amour… faut pas exagérer, non) J’attendrai toutefois le prochain Black Friday pour changer de freezer, l’actuel étant has been.
De retour dans mon sweet home et avant de m’abandonner à un cocooning réparateur devant le programme en prime time de Breizh TV, il est grand temps d’imaginer le kit de mon prochain script pour Eurolibertés. Philippe Randa, le Boss, est un censeur impitoyable à l’affût de la moindre impropriété de langage, du solécisme le plus discret, de la faute d’accord la moins imparfaite du subjonctif, du barbarisme ultramarin le plus sournois. Il pourrait être le fils spirituel de Malherbe, de Rivarol et de Joey Starr quant à la défense de la langue Française, ce n’est pas peu dire…
Je me demande même si je vais oser lui envoyer cette chronique… Relaxe, Max, to morrow morning il fera jour.
I’m singing in the rain but with my trenchcoat waterproof je m’en tamponne le coquillard with american eagle feather.
US go home !
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