Un groin de folie
En ces temps de persécutions tous azimuts, qui s’étonnera du bannissement du cochon de noble origine, bouté comme un malpropre, hors de trop nombreuses cuisines de collectivités ? On regrettera toutefois l’absence d’un quelconque avocat, commis d’office ou non, pour le soutien de sa cause. Elle pourrait pourtant être incisive, la défense d’un cochon ! Qui osera réhabiliter cet animal combien altruiste ? En effet, plus que tout autre et depuis des millénaires, il fait don de sa personne à notre pays. Beaucoup moins ingrate que ses représentants, la France profonde ne fête-t-elle pas encore ce vénérable animal, à l’occasion des réjouissantes agapes de la « Saint Cochon » !
Ne dit-on pas que dans le cochon tout est bon. Et qui contesterait l’usage intégral qui en est fait dans l’alimentation bien sûr, de ses pieds jusqu’à ses oreilles, mais encore dans la pharmacologie, la cosmétique, la brosserie, la peausserie, la boyauderie ?…
Comment ne pas évoquer le rôle écologique de ce glouton capable d’avaler tous ces déchets alimentaires qui, sans lui, s’accumoncellerait (terme typiquement morvandiau) dans les poubelles des cantines de la France entière ? À preuve du contraire, on n’engraisse pas les cochons à l’eau claire. Lâché par exemple, dans les sous-bois politiciens, il les débarrasserait des glands qui s’y entassent.
Le cochon, un gastronome trop souvent ignoré ! Mais oui ! Existe-t-il un titre plus noble que celui de « cochon truffier » ?
Oublierait-on son rôle juridique dans les tractations commerciales de nos pères, topant un accord d’un tonitruant « Cochon qui s’en dédit », quasi irréfragable ?
Que penser de cette réjouissante convivialité qu’il incarne lorsqu’il est dit de deux individus qu’ils sont copains comme cochons ? D’ailleurs que chantions-nous à l’issue d’un repas de corps bien arrosé ? Les vertus pour le moins originales d’une certaine donzelle qui ne devait rien à Proust : « Madeleine a les mollets ronds et les pieds de cochon, Marie Dondaine, et les pieds de cochon, Marie Dondon. »
Vous noterez que dans notre pays de grande culture que caractérisent les nuances les plus subtiles, il a des pieds et non des pattes.
Avez-vous encore conscience qu’aux yeux des enfants, il est l’animal le plus familier comme le plus sympathique de la terre. Qui les accueille sur son dos rondouillard, à la faveur d’un tour de manège ? Un chien ? Un chat ? Non, un brave cochon tout rose de plaisir à l’idée d’en donner à un gamin et au sourire malicieux joyeusement complice. Imaginez un instant un manège sans cochon. Ce serait comme un problème de géométrie sans figure, une partition musicale sans clé, Wolfgang sans Amadeus, Strauss sans Kahn, Emmanuel sans Brigitte…
Les Espagnols viennent de procéder à l’autodafé de bon nombre de contes pour enfants, au motif qu’ils« discrimineraient » les petites filles. Faudra-t-il brûler les « Trois Petits Cochons » pour le prétendu sacrilège qu’ils incarneraient ? À ce propos Plaute comme Hobbes ne s’y sont pas trompés en affirmant que seul l’homme est un loup pour l’homme. Pas Naf-Naf, Nif-Nif ou Nouf-Nouf.
Il est dit que dans le cœur de tout homme sommeillerait un cochon. Mais savez-vous qu’il est, potentiellement, l’un des plus sûrs animaux donneurs d’organes pour l’homme. Alors, si dans tout cœur de cochon sommeillait la survie d’un être humain ? Reste, il est vrai, à traiter le délicat problème du rejet, à l’image du greffon de « Debout la France » à l’organisme égrotant d’une droite unie. Mais qui vivra verrat.
Certes, cette brave bête souffre de la méprisable sinon sulfureuse réputation de son jumeau, le porc. J’en parlais récemment avec un éleveur belge, fournisseur de collectivités parlementaires tant nationales qu’européennes, un certain Dédé la Saumure. Les turpitudes de ces porcins ne sont plus à souligner depuis que, chassés par Jésus, les démons se réfugièrent dans l’un de leur troupeau.
Mais le cochon, ce compagnon si généreux! Pas d’amalgame, je vous prie. Antispécistes de tout poil, de toute soie, qu’en pensez-vous ?
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