La coopération structurée pour relancer la défense européenne
par Michel Grimard, Président du ROUE.
Une fois n’est pas coutume, aussi, réjouissons-nous d’une bonne nouvelle émanant du Président Emmanuel Macron, dont la hotte en contient si peu. L’idée d’activer la coopération structurée permanente est constructive, car déjà prévue dans les traités.
Cette initiative du Président français, à laquelle adhère la Chancelière Angela Merkel, est une façon de relancer concrètement la réalisation de la défense européenne. En réunissant dans ce cadre intégrationniste deux des principales puissances européennes, on jette les bases d’une défense autonome de l’Europe.
L’exemple de cet engagement volontaire ne devrait pas manquer d’inciter d’autres pays de l’Union à les rejoindre. Même si des solutions de rapprochement existent, comme la coopération bilatérale de défense ou le concept de nation cadre, développé par l’Allemagne, elles ne sont que des pis-aller.
La priorité absolue, revient à la coopération structurée permanente. Il convient désormais de la matérialiser rapidement, en associant les pays prêts à cette union. Il faut rejeter toute recherche de solutions globales, sources de piétinement et d’enlisement. Clarifier certaines dispositions de cette structure, s’avère certainement nécessaire. Toutefois, sa définition suffisamment explicite, permet son application sans délai.
Le meilleur système pour donner corps aux différents projets franco-allemands intéressant la défense, est sans conteste la coopération structurée permanente. Elle permettrait également, d’atténuer les contraintes pesant sur la participation de l’armée allemande à des actions militaires et de tempérer, sinon de résoudre, la concurrence entre les entreprises de l’industrie militaire des deux pays.
Si le Fonds européen de la défense ne s’oppose pas directement à la coopération structurée permanente, il ne la favorise guère. Souhaitons que cette forme de mutualisation, non intégrationniste, ne soit pas un refuge pour les pays réfractaires à l’organisation d’une véritable défense européenne. Quand cesserons-nous d’empiler des organismes redondants ? Quelle coordination et complémentarité entre ce fonds et l’Agence Européenne de Défense ? La volonté exprimée par l’accord franco-allemand est un exemple susceptible d’entraîner l’adhésion d’autres pays européens, mais les deux partenaires doivent se garder d’apparaître omnipotents. La confiance mutuelle nécessaire à la réussite de la coopération structurée permanente, s’impose à tous les engagements.
Parallèlement à cette louable ambition, Emmanuel Macron, qui déteste les coups de mentons évocateurs de mauvais souvenirs, mais qui ne dédaigne pas de donner de la voix, devrait user de cette capacité auprès de l’Union européenne, pour secouer la torpeur de la Politique de Sécurité et de Défense Commune (PSDC) qui laisse croupir les dispositifs d’assistance de défense, prévus dans les Traités.
Leur mise en œuvre aurait permis de soulager l’armée française, dans les combats qu’elle mène à l’extérieur, contre le terrorisme. Une intervention commune, pour éradiquer un même danger, tisse des liens de solidarité, utiles pour l’avenir. S’il est déjà invraisemblable que ces dispositions d’actions communes soient demeurées lettre morte, leur non-respect, quand elles ont été sollicitées, est scandaleux. En effet, la clause de défense mutuelle prévue dans le traité de Lisbonne précise que, si un membre de l’Union européenne est « l’objet d’une agression armée sur son territoire » les autres États membres lui doivent aide et assistance. Les missions de Petersberg prévoient « qu’elles peuvent contribuer à la lutte contre le terrorisme, y compris par le soutien apporté à des pays tiers, pour combattre le terrorisme sur leur territoire. »
L’inefficacité dénoncée est apparue très clairement, lorsque le Président François Hollande a demandé, lors de l’engagement de l’armée française au Mali, une aide basée sur l’article 42.7 du Traité de Lisbonne. Elle est restée sans écho. De toutes ces incapacités, il ressort que l’important, pour avancer concrètement vers la défense européenne, réside dans la mise en œuvre de la coopération structurée permanente. Tant que l’indigence militaire de l’Europe régnera, sa politique étrangère stagnera et demeurera inaudible sur la scène internationale. Sans nier l’interaction entre les deux ossatures régaliennes de l’Union, la défense apparaît toutefois majeure. La souveraineté européenne est tributaire d’une armée suzeraine. Son affirmation en dépend.
La crédibilité de l’ambition du Président Macron, pour la défense européenne, est indissociable du sort qu’il réserve à l’armée française. Or, le flou entoure la question. Si l’avenir est prometteur, le présent décourage. La générosité du candidat Macron à l’égard de la défense, débordait de promesses conséquentes pour améliorer le budget, mais l’amnésie du Président Macron les a escamotées. Pour l’immédiat, peu d’efforts budgétaires, mais une amputation particulièrement douloureuse, 812 millions d’euros, une peccadille, selon le langage qu’aime utiliser le Président. Alors que le matériel est déliquescent, parfois obsolète et que des primes peinent à être honorées, le message envoyé à une armée qui assume des efforts qui dépassent la normalité de ses capacités, indigne, mais plus grave démotive. Reléguer à demain les engagements d’aujourd’hui n’est guère rassurant. Soyons malgré tout positifs et augurons que la promesse de consacrer 2 % du PIB à la défense d’ici 2025, soit tenue.
Quelle est l’intensité de la volonté du Président Emanuel Macron et de la Chancelière Angela Merkel, de sortir rapidement de l’embryonnaire défense européenne, pour aller sincèrement vers une défense affirmée et souveraine ?
Les déclarations sont martiales, celles du Président français particulièrement. La défense européenne doit sourdre, car trop longtemps enterrée et la coopération structurée permanente en être la première expression. Les critères évoqués par les deux partenaires pour sa mise en pratique, sont certes concrets, mais réducteurs. Axés sur une coopération et une rationalisation de l’industrie militaire, surtout aéronautique et terrestre, ils sont insuffisants. La plupart des projets, longs à réaliser, nécessitent de définir des priorités et seul un cadre structuré, aux compétences bien définies, permettra d’aller de l’avant. Le désir d’intégration de tous les moyens militaires des deux pays, montrera le degré de leur sincérité. Aux paroles de forger les actes.
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Philippe Randa,
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