La phrase est de Vincent Peillon, ex-ministre de l’éducation nationale : « Résultats scolaires de la France : inacceptables ! »
À l’abri derrière une telle autorité, il ne nous sera pas difficile d’enchérir avec une nuance de taille : celle des causes de la chute.
Le classement PISA fait ressortir une médiocre 26e place en science, sans progression depuis 2013 puisque l’étude a lieu tous les trois ans, toutes disciplines confondues. Cette année, néanmoins, l’accent était particulièrement mis sur la science (72 pays participants).
On entend déjà les pédagomanes nous dire qu’il y a un problème d’échantillon, que le niveau progresse néanmoins, on connaît le refrain !
En moyenne, un jeune Français sur cinq aspire à un métier scientifique contre 1 sur quatre pour les jeunes des pays de l’OCDE. La 6e puissance économique a des résultats contradictoires avec son rang et vit manifestement sur son passé. On ne s’étonnera pas du classement PISA flatteur pour l’Asie.
Depuis le dernier classement, l’éducation nationale a voulu recruter 60 000 professeurs de plus, le résultat devrait se lire dans un tel classement. La seule chose qu’on y puisse lire est, qu’en dépit d’une débauche de moyens, les résultats ne sont pas là. S’interroger sur les causes est, dans ces conditions, essentiel, mais celles-ci ne relèvent pas de la lancinante rhétorique des moyens budgétaires.
Disons plutôt un choc culturel, lorsque la France a cru pouvoir « intégrer » en nombre important des populations maghrébines et subsahariennes. L’assimilation est évidemment toujours possible, mais c’est une aventure individuelle, non un phénomène de masse. Sur le plan socioculturel, ces populations déracinées arrachées à leur milieu familial et tribal sont en situation de handicap pour la compréhension de l’écrit, des sciences et des mathématiques. Il ne s’agit pas de capacités intellectuelles, mais de contexte socioculturel. Et le rapport Pisa fait apparaître que la France se démarque par sa capacité « à reproduire les inégalités sociales. »
Hypocrisie de l’égalité
Elle ne les reproduit pas, elle les importe. Le milieu socio-économique expliquerait, selon le même rapport, 20 % de la performance obtenue par les élèves de 15 ans alors que, pour les pays de l’OCDE, l’incidence du milieu socio-économique n’est que de 13 %. Ainsi le pays qui, sans vergogne, affiche l’égalité sur ses monuments, se trouve être plus inégalitaire dans la pratique ; une nouvelle hypocrisie qui ressort au totem du modèle social Français.
La pédagogie n’est pas une science, mais une idéologie
Bien entendu, nous ne pensons pas ici à la nécessaire pédagogie ; comme la guerre, elle est un art simple et tout d’exécution, propre aux vrais pédagogues. Nous pensons à l’idéologie pédagomaniaque qui sévit depuis 40 ans dans l’Éducation. On pourrait m’opposer que la République avait su former les petits Bretons par exemple (voir les lignes sans tendresse de P.-J. Hélias dans Le Cheval d’orgueil, 1975), mais précisément les méthodes ne sont plus là et l’idéologie qui visait la réduction des inégalités est arrivée exactement au résultat contraire. La promotion sociale par l’école a régressé en France.
Bourdivine surprise !
On connaît Pierre Bourdieu, le gourou de la pédagogie avec son complice Passeron, puis Meirieu ; ils cherchaient tous à casser la « reproduction », entendez la reproduction sociale d’un modèle des humanités classiques et du logico-déductif, réputés bourgeois. L’école avait donc comme mission première de lutter contre ces inégalités, d’où une scolarité identique pour tous, collège unique et bac pour presque tous.
L’école n’est donc plus une institution d’enseignement et de transmission du savoir, mais un lieu de « socialisation », ou l’on doit apprendre à vivre ensemble (Louis Legrand, directeur du funeste INRP).
Le résultat est que l’école est beaucoup plus inégalitaire aujourd’hui que dans les années cinquante et que seul l’appui parental peut permettre d’éviter le déclassement social.
Dernières nouvelles du mammouth
L’auteur de ces lignes avait dit et écrit tout cela il y a vingt ans déjà (1). Le pédagogisme a délégitimé le professeur et le savoir, Meirieu parle de « l’arrogance de l’intelligence rationaliste ». Sur les premiers apprentissages, les méthodes de lecture « progressistes » globale et semi-globale imposées par ce même pédagogisme en contradiction avec l’apport de la neurobiologie sont responsables de l’illettrisme. Quant aux enseignants, mal payés et mal considérés, ils en sont réduits à un véritable apostolat tiers-mondiste dans certaines classes, tandis que l’utilisation incantatoire du mot « racisme », brandi à tort et à travers par ceux qui ont intérêt à couvrir leurs agissements, paralyse l’autorité du professeur et de la société.
Bref si rien ne change, si le futur chef de l’État ne met pas à bas l’ordre du temple scolaire, le même constat pourra être immanquablement fait. Rendez-vous en 2019 pour le prochain Pisa !
Note
(1) Dernières nouvelles du Mammouth, Le Trident, 2001.
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Olivier Pichon , professeur agrégé de l'université, ancien professeur en prépa Hec ( économie et histoire), conseiller regional d'Île de France 1992-2004, ancien directeur de « Monde et Vie » ; il collabore actuellement à « Nouvelles de France » et dirige l'émission « Politique et éco » sur TV Libertés.