La rétention administrative
Au soir de l’égorgement du Père Hamel, à un homme politique qui préconisait le recours à la rétention administrative pour traiter du cas des personnes fichées comme terroristes potentiels et dont le passage à l’acte justifiait malheureusement ce classement, un jeune et sémillant journaliste qui visiblement se fichait du droit constitutionnel comme de sa première pige sur l’alimentation de l’anophèle femelle sur l’étang de Thau, s’offusqua qu’un élu pût bafouer les sacro-saintes valeurs de la République et du droit européen. Et d’en appeler au Conseil constitutionnel, à la Cour de justice de l’Union européenne, à la Cour européenne des droits de l’Homme et à celle du Bonobo, au Tribunal arbitral du Sport, et à que sais-je encore…
L’opiniâtre député eut beau lui rappeler les possibilités parfaitement légales offertes par l’état d’urgence, non appliquées il est vrai par le gouvernement, il n’en démordit pas. Son interlocuteur devenait à ses yeux un parfait factieux, taupe authentique d’une cinquième colonne s’efforçant de déclencher en France les troubles insurrectionnels intercommunautaires, préludes à une prise du pouvoir par des forces obscures… mais brunes de préférence.
Soyons cléments, ne serait-ce qu’au nom de son immaturité, ou des carences de ses maîtres. Comment cet apprenti journaliste déjà en retraite, aurait-il pu savoir que, sous le gouvernement du cryptofasciste Edgar Faure, la loi d’urgence votée le 3 avril 1955 prévoyait le recours possible à la rétention administrative en appui à la lutte contre la rébellion.
L’adoption de la constitution de la Ve République, tricotée avec amour n’y changea rien. Dans le cadre de ces dispositions maintenues, l’Algérie comptait en 1960 :
– 11 centres d’hébergement pour les internés placés sous la responsabilité de l’autorité civile (environ 7 000 personnes) ;
– 86 centres de triage dans lesquels l’armée gardait les suspects le temps de les interroger (environ 10 000 personnes) ;
– 7 centres militaires d’internement où l’armée détenait les combattants faits prisonniers non traduits en justice (environ 3 000 personnes).
En 1961 et 1962, alors que se soldait le conflit algérien, la rétention administrative était toujours appliquée. En témoignent l’ancien hôpital Beaujon de Paris, les camps de Thol et de Saint Maurice l’Ardoise et parmi ceux d’Algérie celui de Djorf, certainement le plus dur. Il s’agissait alors de « neutraliser » quelques centaines de citoyens douteux suspectés d’appartenir à l’OAS, mais qui ne pouvaient pas être traduits devant les tribunaux faute de motif d’inculpation.
Certes, l’Histoire ne repasse pas les plats, mais pour une fois, n’en déplaise à notre Rouletabille en culottes courtes, ne pourrait-on pas nous en resservir une louche ?
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Philippe Randa,
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