Julius Evola et Dechavanne sur la desquamation du langage
Un des grands passages de l’œuvre de Julius Evola est celui sur l’affaiblissement des mots. Le mot italien sfaldamento est d’une grande richesse, et le maître l’utilise dans d’autres ouvrages. La desquamation me parait un bon équivalent (décollage, écaillage même). La nullité de nos langues postmodernes ou de l’universel basic English, la déformation sémantique (vertu, honnêteté, humilité) des mots est l’objet de ce chapitre magnifique de L’Arc et la massue.
Citons le maître : « Une des preuves que le cours de l’histoire n’a pas suivi, en dehors du plan purement matériel, une direction de progrès, c’est la pauvreté des langues modernes par rapport à de nombreuses langues anciennes. Pas une seule des « langues vivantes » occidentales ne peut soutenir la comparaison, en matière d’organicité, de précision et de souplesse, avec, par exemple, le latin ou le sanskrit. Parmi toutes les langues européennes, il n’y a peut-être que l’allemand qui ait conservé quelque chose de la structure archaïque, alors que la langue anglaise et celles des peuples scandinaves ont également subi un processus d’érosion et d’affaiblissement. »
Puis Evola précise sa conception du relâchement de la langue : « D’une manière générale, on peut dire que les langues anciennes étaient tridimensionnelles, tandis que les langues modernes sont bidimensionnelles. Le temps a agi, ici aussi, dans un sens corrosif ; il a rendu les langues « fluides » et « pratiques » au détriment, justement, du caractère organique. Ceci n’est qu’un reflet de ce qui s’est vérifié dans bien d’autres domaines de la culture et de l’existence. »
Langue liquide donc. Maistre évoqua dans les Soirées cette dégénérescence des langues européennes ; Nietzsche aussi décrivit le déclin journalistique de nos langues.
Evola encore : «… il serait intéressant de comparer le sens qu’eurent certains mots dans la vieille langue latine et le sens propre à des termes, restés pratiquement les mêmes, de la langue italienne et d’autres langues romanes également. On observe généralement une chute de niveau. Le sens le plus ancien a été perdu, ou ne survit sous une forme résiduelle que dans certaines acceptions ou locutions particulières, mais ne correspond plus au sens désormais courant ou, encore, semble tout à fait déformé et fréquemment banalisé. »
Je donne un seul mot auquel Evola rend ses lettres de noblesse (consultez le reste) : le mot otium, qui a donné oisiveté.
« Otium. Ce terme a subi le sort exactement contraire du précédent. Il a de nos jours, pratiquement sans exception, un sens négatif. Est oisif, selon l’acception moderne, celui qui est inutile à lui-même et aux autres. Être oisif et être indolent, distrait, inattentif, paresseux, enclin au « dolce farniente » de l’Italie des mandolines pour touristes, reviennent plus ou moins au même aujourd’hui. Le latin otium avait par contre le sens de temps libre, correspondant essentiellement à un état de recueillement, de calme, de contemplation transparente. »
Evola de citer la phrase de Salluste : l’État se portera mieux du fait mon oisiveté (ex otio meo) que de l’affairisme des autres (ex aliorum negotiis). C’est la phrase que j’avais citée à une émission de Dechavanne, et je ne vous dis pas comment elle fut reçue.
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