24 avril 2023

Auguste Comte et les animaux

Par Jill-Manon Bordellay

À l’heure où certains chiens sont vegans et que les croquettes végétales tentent de surfer sur la vague végane, Auguste Comte souhaite que les vaches deviennent carnivores afin que leur intelligence se développe. Ce philosophe du XIXe siècle montre que chez les bovins, il existe déjà un changement de régime alimentaire notamment pour les vaches norvégiennes. Ces vaches mangent du poisson : « Malgré leur prétendue aversion pour la chair, les vaches norvégiennes digèrent très bien le poisson sec que le manque de pâturages oblige à leur donner en hiver, et qui modifie seulement leur lait… Le système d’alimentation n’est point aussi fixe et spontané qu’on le suppose communément. »

L’idée des « vaches carnivores » manifeste clairement la volonté comtienne de dépasser l’ordre naturel pour mettre l’animal au service de l’humanité en le perfectionnant. Cette thématique biopolitique a des résonances actuelles, à l’âge de la « vache folle » et des expérimentations animales comme pour les vaches hublots.

Auguste Comte (1798-1857), fondateur du positivisme, a écrit que chaque branche de la connaissance devait passer par trois états successifs, la phase théologique ou fictive, la phase métaphysique ou abstraite et la phase scientifique ou positive.

Si ces phases s’adressent à l’évolution de l’homme vers une nouvelle religion, celle de l’Humanité proposant de rassembler l’ensemble des hommes sous le signe de l’amour du prochain, ce modèle pourrait également s’appliquer aux animaux, du moins certains dans le programme bio-animal que l’on peut penser comme une utopie alors que dans Le système de politique positive, Auguste Comte pense transformer les herbivores en carnassiers.

Il écrit à ce propos : « Élever graduellement nos auxiliaires herbivores, en particulier les vaches, à la dignité de carnivores revient à les élever sur l’échelle des êtres vivants, à les perfectionner et à les rapprocher au plus près de l’Humanité. Cette utopie prométhéenne permettrait de s’affranchir ainsi radicalement de l’ordre naturel et de le modifier complètement. Devenir carnivore induirait pour les animaux une intelligence plus développée et un développement de la sociabilité accru. L’obligation de se nourrir d’une proie qu’il faut atteindre et vaincre, perfectionne tous les attributs animaux, tant intérieurs qu’extérieurs. »

Auguste Comte souligne que la nécessité de chasser doit faire sortir l’être vivant de la solitude et développer ses instincts sociaux et collectifs, c’est-à-dire que les carnivores seraient en cela proches de l’humanité et le philosophe se félicite de faire du positivisme une doctrine qui se propose ainsi de relever la « dignité animale ».

Toutefois le père de la sociologie donne au chien un statut de quasi-humain, en le prenant pour modèle d’une sociabilité et d’une affectivité désintéressées ; en quelque sorte, les canidés sont les nouveaux rois des animaux, modèles de l’altruisme, qualité fondamentale de cette nouvelle religion positiviste qui réconcilie la religion et la science pour le plus grand bonheur de l’humanité. Le chien en tant qu’animal reconnu comme le plus altruiste doit être incorporé au « Grand Être », c’est-à-dire l’Humanité.

C’est un débat sans fin que de pouvoir trancher sur le choix d’être carnivore ou végétarien. Auguste Comte pense que la viande était indispensable au développement de l’intelligence, s’appuyant sans doute sur le fait que les protéines représentent un apport énergétique important et que la consommation de viande favorise le développement du cerveau d’Homo erectus à savoir que la viande crue serait mieux digérée que les végétaux crus.

Pourtant l’évolution des sociétés ne semble pas aller dans ce sens !

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