19 avril 2025

Rire, mais attention ne pas rire jaune !

Par Jill-Manon Bordellay

« Gaz hilarant », l’assemblée vote l’interdiction de la vente de protoxyde d’azote aux particuliers.

Revenons sur l’historique : le protoxyde d’azote ou oxyde nitreux, est identifié pour la première fois en 1772 par John Priestley, (1733-1804), chimiste anglais, qui le baptise « De Phlogistic Nitrous Air ». Mais  c’est un  autre chimiste anglais, Humphry Davy (1778-1829) qui, vers 1800, l’étudie de manière détaillée. Il découvre ses propriétés euphorisantes, mais également ses vertus anesthésiantes. Ce chimiste explore les effets du gaz sur la conscience de soi et les perceptions, dans une perspective scientifique, philosophique, mais aussi récréative.

Cette primauté de l’expérience humaine, cette projection de soi sur le monde, entre en résonance avec l’esthétique romantique de l’époque. En effet, une caricature de Robert Seymour ( 1798-1836) montre que le gaz hilarant (N20)  devient pour les artistes un « gaz poétique ». Le progrès scientifique semble avoir réussi à mécaniser et à systématiser le phénomène jusqu’alors mystérieux de l’inspiration, le caricaturiste jouant sur le double sens du mot : il suffit dorénavant d’inspirer pour être inspiré.

Cette mise en scène permet au caricaturiste de rire des ambitions démesurées de ces scientifiques qui pensent parvenir à mettre le talent en bonbonne, mais également de critiquer la production littéraire de son époque, jugée suffisamment répétitive pour être produit d’un processus d’automatisation – et donc de réplication – de l’acte créateur.

Nous pourrions dire également pour la poésie actuelle, qui relève de ChatGPT, créant  des poèmes dans le style de William Shakespeare (1564-1616) et autres auteurs anglais, que cette  inspiration dépasse celle de tout poète contemporain.

Encore davantage que l’esthétique,  la beauté, les émotions véhiculées par les mots ou encore l’originalité des poèmes de  l’IA, sont préférées par la plupart  des sondés.

Si la « gazomanie » touche l’Angleterre du XIXe siècle de plein fouet, elle ne semble atteindre la France que dans une moindre mesure.

Pourtant Villiers de l’Isle-Adam (1838-1889) fait de ce gaz hilarant l’une des composantes de sa fameuse « machine à gloire ». Il s’agit d’une invention capable de garantir le succès de n’importe quelle production théâtrale pour tout un arsenal de moyens techniques dissimulés dans la salle, dont des conduites du gaz hilarant vise à garantir l’hilarité.  Cette fois, la mécanisation n’est plus du côté de la production littéraire, mais de la réception. Privé de sa capacité de jugement, forcé à l’adhésion, le public ne peut qu’acclamer des œuvres dont la qualité importe peu. Le spectateur devient machine intégrante de la machine et se trouve, de ce fait, déshumanisé.

« Faire rire de force » : voilà donc, le dernier pouvoir que la fin-de-siècle française reconnaît à ce que fut le « gaz de paradis des poètes anglais. »

« L’homme mord avec le rire », cette formule de Baudelaire (1821-1867)définit parfaitement la conception du rire qui se dégage des Contes cruels et de la  Correspondance de Villiers de l’Isle-Adam. Tout en déployant les modalités les plus variées d’un comique agressif et critique à l’égard des valeurs bourgeoises, Villiers s’efforce de mettre le lecteur mal à l’aise : l’aspect macabre et tendancieux des jeux de mots, l’ambiguïté du discours ironique contribuent à la cruauté émanant des contes.

On  ne peut qu’adhérer alors à la citation d’Henri Bergson dans Le rire : « Le comique, c’est du mécanique plaqué sur du vivant”, soit une mécanisation généralisée de la vie.

Pourtant, désormais l’usage détourné du protoxyde d’azote est un phénomène identifié depuis plusieurs décennies dans le milieu festif.

La recrudescence de l’usage, chez des collégiens, des lycéens et étudiants avec des consommations répétées, quotidiennes, au long cours et en grandes quantités, contribue à expliquer la gravité des dommages. Ce gaz peut entraîner des séquelles irréversibles dès les premières prises. Ce gaz, peu onéreux, vendu sous forme de cartouche , livré à domicile par les plateformes de e-commerce ou par des dealers contactés par les réseaux sociaux, est détourné pour des effets psychoactifs. Les jeunes consommateurs « crackent » la cartouche, mettent le gaz dans un ballon de baudruche et l’inhalent. Les effets sont quasi instantanés. Les jeunes sont euphoriques, partent dans un fou rire incontrôlable, sont désinhibés.

À l’arrêt de la consommation, les usagers réguliers peuvent ressentir de l’anxiété, de l’agitation, des douleurs abdominales et des tremblements.

Le protoxyde d’azote est une drogue engendrant une véritable  addiction. Mais avant même que l’addiction ne s’installe ;  les consommateurs de gaz hilarant peuvent rapidement développer des complications. Dès la première fois, on peut avoir des vertiges, des maux de tête, des difficultés à coordonner ses mouvements, être confus, voire perdre conscience. Les accidents en cas de conduite sont fréquents. Certains usagers peuvent s’asphyxier par manque d’oxygène, avoir des complications psychiatriques avec des attaques de panique.

Les effets négatifs sont donc nombreux. Certains consommateurs peuvent se retrouver paralysés à vie.

« On rit deux minutes et on se retrouve toute une vie dans un fauteuil roulant ! »

En 2017, 25 % des étudiants avaient consommé du protoxyde d’azote. En 2021, l’enquête En CLASS (enquête nationale en collège et en lycée chez les adolescents sur la santé et les substances – OFDT) montre que l’usage à l’adolescence ne semble pas marginal dans la mesure où 5,5 % des élèves de 3e disent en avoir déjà consommé. En 2023, 15 % des jeunes de 18 à 24 ans disent en avoir consommé.

La loi du 1er juin 2021 tend à prévenir des usages dangereux du protoxyde d’azote qui est interdit aux mineurs. La loi prévoit de punir de 15 000 euros d’amende « le fait de provoquer un mineur à faire usage détourné d’un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs. »

La vente aux majeurs est également interdite dans les bars, discothèques, débits de boisson temporaires (foires, fêtes publiques) et dans les bureaux de tabac.

La lutte contre le trafic s’intensifie également avec des saisies de plusieurs tonnes réalisées ces derniers mois ; des poursuites sont engagées par les procureurs.

La consommation de drogues à l’adolescence devient un sujet politique et médiatique . Après une gestion essentiellement répressive de cette conduite, les pouvoirs publics ont adopté une politique de santé publique dite de réduction des risques. Mais prévenir , n’est pas guérir !  Si la prévention en matière de santé ne suffit pas, les pouvoirs publics en viennent à la répression. La loi devient la limite à ne pas franchir. Si certains la transgressent, ils encourent une amende. Est-ce pour autant un réveil de la conscience pour des consommateurs non aguerris ?

Rire, mais à quel prix ? La société va-t-elle si mal qu’il nous faut  inhaler des gaz toxiques, désormais ou encore consommer des drogues  pour rire ? N’a-t-on plus l’occasion de rire en regardant une comédie ou en assistant à une fête joyeuse avec des amis ? Sommes-nous si loin des animaux que nous ne savons même plus rire lorsque l’on nous chatouille ? Les rats, eux, pourraient nous donner le fou rire, car lorsqu’on les chatouille, ils rient !  Encore une capacité de l’animal que nous avons perdue !

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