Le PPE se sent trahi. Et les peuples ?
Le 24 novembre dernier, Martin Schulz déclarait ne pas vouloir briguer un troisième mandat de président du Parlement européen, au motif, clairement exprimé, qu’il envisagerait de se « présenter au Bundestag allemand, comme tête de liste du SPD pour la Rhénanie du Nord-Westphalie » (Land très peuplé d’Allemagne de l’Ouest, dont font partie les villes de Cologne et de Düsseldorf, NDLR). Officiellement, il quittera donc ses fonctions le 17 janvier prochain.
Depuis lors, à Strasbourg, bruissait la rumeur d’une candidature de « droite », en vertu d’une coutume, établie en 1979, selon laquelle les deux principaux groupes du Parlement européen alternent à la présidence par demi-mandats de deux ans et demi.
Bien que majoritaires au sein de l’assemblée, les S & D (Socialistes et Démocrates) et le PPE (Parti populaire européen) se voient, néanmoins, contraints de nouer des alliances avec d’autres groupes politiques de sorte qu’ils se trouvent souvent à quasi-égalité, empêchant, de ce fait, l’émergence d’un leadership indiscutable de l’un ou de l’autre.
Il se trouve que le PPE compte actuellement 216 députés contre 189 pour les S & D, le système d’apparentements précité conduisant naturellement les S & D à s’allier aux Verts (50 députés) et, sur ses flancs les plus extrêmes, aux 52 députés du Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (allant du Sinn Fein irlandais, au Die Linke allemand, en passant par le Front de Gauche français ou le Podemos espagnol), quand le PPE est littéralement pris en tenaille entre les 68 centristes du Groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, les 74 conservateurs (en majorité issus du Parti conservateur britannique et du PiS polonais), les 44 populo-souverainistes du Groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe et les 39 nationaux-populistes du Groupe Europe des Nations et des Libertés dirigé par Marine Le Pen.
Sauf que ce petit jeu bien tranquille est troublé, depuis peu, par un trublion sorti tout droit du chapeau du groupe S & D qu’il a, par surcroît, l’honneur de présider. Gianni Pittella – tel est son nom – que d’aucuns présentent comme « un homme de paille au service de Schulz, sans charisme » (Médiapart, 24 novembre), prétend rebattre les cartes de cet accord quasi partenarial entre le S & D et le PPE. L’intéressé excipe que « face au changement historique en cours, la seule solution, c’est de souligner qu’il y a effectivement une différence entre nous et les conservateurs », partant du principe que cette stratégie du « chacun chez soi » s’impose, dorénavant, comme la seule valable pour « faire face à la résurgence des mouvements eurosceptiques et nationalistes. »
Une manière, aussi, de se démarquer de l’ancien libraire, alcoolique repenti, Schulz, contesté pour son autoritarisme et sa méthode de triangulation des institutions de l’Union européenne. « L’ère Schulz à la tête du parlement a marqué un tournant : en systématisant cette ‘‘grande coalition’’ [S & D et PPE], Schulz a mis l’hémicycle au service de la commission, pour renforcer le poids de l’institution communautaire aujourd’hui dirigée par Jean-Claude Juncker. Au risque de tuer les conflits à Strasbourg, de piétiner l’avis des groupes minoritaires et d’affadir les débats publics au parlement. Mais aussi, et c’est peut-être plus grave, de donner des billes à l’extrême droite, qui ne cesse de dénoncer un équivalent européen de l’‘‘UMPS’’ au pouvoir à Bruxelles. »
Le PPE – qui vient de désigner son champion pour le perchoir, en la personne d’Antonio Tajani, ancien commissaire européen à l’Industrie de 2010 à 2014 – hurle à la trahison, arguant du fait qu’après avoir soutenu Schulz en 2014, il escomptait que les socialistes soutiendraient leur candidat.
C’est pourtant les peuples qui devraient se sentir floués par de telles obscures combinazione…
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