13 janvier 2022

Pourquoi Zemmour ?

Par Rémi Tremblay

Pourquoi certains cadres de la droite nationaliste rejoignent-ils le camp du polémiste de CNews ?

L’année 2022 verra deux échéances électorales, soit les législatives québécoises et la présidentielle française. L’élection dans la Belle province revêt pour le moment un intérêt secondaire : le premier ministre François Legault jouit d’une popularité dont rêve probablement Macron ; sa réélection est inéluctable, la seule question qui reste en suspens est de savoir combien de sièges l’opposition conservera.

En France c’est différent.

Le camp national est bien déterminé à en finir avec Macron, mais entre le désir et la réalité, il y a un fossé. La question électorale est d’autant plus intéressante en 2022 que le camp national est divisé en deux. Finie l’époque ou le vote nationaliste allait automatiquement au Rassemblement national, malgré ses abandons et ses déboires. Désormais, deux alternatives : Le Pen fille ou Zemmour.

La position de ceux qui rejettent Zemmour, à l’instar de Rivarol, est bien connue, tout comme l’est celle de ceux qui refusent carrément d’entériner l’une ou l’autre de ces candidatures républicaines par rejet du concept même de la démocratie. Celles des nationalistes ayant rejoint le camp Zemmour l’est beaucoup moins, d’où mon intérêt pour le livre Pourquoi Éric Zemmour, un ouvrage collectif rassemblant les contributions de militants historiques tels Philippe Randa, Roland Hélie, Bruno Hirout, André Posokhow (qui dresse une intéressante perspective historique) mais aussi de plus jeunes comme Romain Guérin (qui dresse un puissant plaidoyer) ou Thomas et Alaric qui ont rejoint « Génération Z ».

En aucun cas on ne pourrait accuser les contributeurs d’une quelconque forme d’opportunisme : le livre a été rédigé avant que Zemmour ne se déclare comme candidat, mais ce n’est qu’aujourd’hui qu’il prend toute son importance.

Inutile de le dire, il serait inconvenant pour un Québécois de donner son opinion personnelle sur la joute française, ce n’est d’ailleurs pas le propos de ce billet qui se bornera à présenter ce livre étayant les arguments des « ralliés au camp zemmourien ».

D’abord Frank Buleux nous présente une bibliographie commentée et résumée des ouvrages écrits par Zemmour. Le travail est nécessaire et est loin d’être inintéressant. En 25 ans, ce ne sont pas moins de 16 livres, essais et romans, qui ont paru sous sa plume. En remontant le fil d’Ariane de sa pensée, on comprend qu’il n’est pas un rallié de la onzième heure, un opportuniste découvrant soudainement que la France va mal : son œuvre présente certes une évolution – le contraire aurait démontré une crispation qui n’est pas un signe de vitalité -, mais aussi une constance logique. Les maux qu’il dénonce, il ne les a pas découverts en 2021. Fruit d’une réflexion de longue haleine que Buleux retrace dans sa production littéraire s’étalant sur un quart de siècle. N’ayant lu sur le bretteur de CNews que des articles de presse, ainsi que L’autre Zemmour, ce travail me parut essentiel.

Puis, après cette copieuse introduction à la pensée zemmourienne, les différents acteurs se mouillent et expliquent au lecteur, à l’électeur, ce qui les a convaincus de franchir le pas, de rejoindre le camp Zemmour et de s’y investir, chacun avec ses particularités, pensons aux régionalistes qui se sont prêtés à l’exercice.

Zemmour, homme providentiel ? Personne ne va jusque-là, fort heureusement. C’eût été une atteinte à l’intelligence, un manque de maturité politique. Ce qui ressort toutefois est la concordance des idées et des thèmes dont certains ont été abandonnés par Le Pen ou dilués pour des questions de respectabilité. Zemmour ne mise pas sur la dédiabolisation, qui consiste en une série de compromis sur le fond sans rien obtenir en échange, mais au contraire sur le respect des principes. Le grand remplacement, il n’hésite pas à en parler et ne tourne pas autour du pot en refusant de nommer un chat un chat. Pour régler un problème, il faut d’abord avoir le courage de le nommer. Ainsi, avec l’urgence démographique et l’accélération du phénomène remplaciste, il faut un candidat affirmatif et seul le polémiste occupe ce créneau. Son programme serait donc le plus en adéquation avec nos idéaux.

Est souvent aussi invoquée la crédibilité du personnage. Plusieurs souhaitent éviter une nouvelle mouture du deuxième tour de 2017 et pour cela, il faut hausser le niveau. Avec sa culture, son sens de la repartie, son envergure, il semble mieux préparé pour un tel défi, tout comme on l’envisage mieux à l’Élysée que Marine Le Pen. Sa popularité médiatique joue évidemment en sa faveur en ce qui a trait à ses chances de se hisser au second tour et de gagner la joute.

D’autres y voient la possibilité d’imposer certains thèmes dans le débat public, voire de radicaliser les positions sur l’immigration, une technique pragmatique relevant de l’approche métapolitique et d’une conception réaliste de la politique au sens le plus large. Les tenants de cette ligne ne regardent pas 2022, mais 2027 et après. Zemmour préparerait le champ du futur avec sa candidature, gagnante ou non.

Qu’on adhère ou non à ce réquisitoire, il démontre à la perfection que ce n’est ni par opportunisme, ni par manque de réflexion que certains de la cause nationale rejoignent le camp Zemmour. Les arguments sont étayés, solides, ce qui rend le débat d’autant plus intéressant.

Sous la direction de Franck Buleux, Pourquoi Éric Zemmour ? Éditions Synthèse nationale, 2021, 194 p. Pour commander ce livre, cliquez ici.

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