Nos frères d’armes les Harkis
Entretien avec Philippe de Parseval qui vient de publier Nos frères d’armes les Harkis (éditions Dualpha)
(Propos recueillis par Fabrice Dutilleul).
Issu d’une famille où depuis des générations il est de tradition d’être soldat ou marin – vous-même êtes sorti de l’École de Saint Cyr en 1963, donc après le cessez-le-feu en Algérie, pourquoi ce livre ?
Ce livre fait suite à quelques ouvrages que j’ai écrits sur nos guerres dites « coloniales » à travers des biographies d’officiers et de sous-officiers qui y ont participé. Le 25 septembre 2018, invité par le maire de Mouans-Sartoux, (siège du collectif des associations de harkis des Alpes Maritimes), j’ai assisté à la cérémonie en hommage national aux harkis. J’ai été assez surpris de constater qu’à l’exclusion des anciens et de leurs familles, des anciens combattants « bérets verts » et « bérets rouges » réunis sous leurs drapeaux, il n’y avait pratiquement aucun Français « de souche européenne » comme nous les appelions du temps « béni » des colonies. Je me suis donc fait un devoir de rafraîchir la mémoire de mes compatriotes, voire de les instruire, sur le drame que nos frères d’armes avaient vécu.
Pourquoi un livre sur une histoire peut-être « de détail », près de 60 ans après les événements ?
On peut en effet considérer que le drame des harkis est un « détail » dans l’Histoire de France, surtout lorsqu’une omerta établie par le gouvernement de l’époque a caché aux Français une page de cette guerre dont il n’avait pas à être fier. Quelques livres ont été écrits par des témoins ou par des descendants de harkis sur les conditions dans lesquelles ils ont été accueillis en France, mais il me semblait nécessaire de le rappeler. Nécessaire aussi et surtout de rappeler le sort de dizaines de milliers de harkis et de leurs familles, abandonnés en Algérie en application des instructions données par notre gouvernement et livrés aux représailles abominables du FLN.
Les médias ne laissent pas passer une année sans évoquer les malheurs des populations sous le régime de Vichy et restent cloîtrés dans un silence complice quant au massacre des centaines de milliers de « Français de souche nord-africaine » assassinés par le FLN après l’abandon des départements français d’Algérie.
Votre livre, sorti récemment, est déjà un succès ; quels lecteurs touchez-vous ?
Ce livre est politiquement incorrect, il n’a pas les échos des grands médias, mais qu’importe, le bouche-à-oreille a fonctionné à merveille. Il touche les nombreux militaires, officiers et sous-officiers qui ont participé à la guerre d’Algérie et qui ont été témoins de l’efficacité des troupes supplétives, notamment au cours des opérations du « plan Challe » qui ont emporté la victoire de l’armée française sur le terrain. Enfin, il touche aussi les Pieds Noirs, également victimes de la politique d’abandon du gouvernement de l’époque, et enfin de tous les nostalgiques, et ils sont nombreux, de notre Algérie Française.
Vous accusez le gouvernement de l’époque d’être le grand responsable du drame vécu par les harkis. Ne pensez-vous pas que l’indépendance de l’Algérie, dans le contexte international de l’après-guerre était inéluctable ? Pouvez-vous vous en expliquer ?
Dès la fin de la IIe Guerre Mondiale, attisés par les Américains d’une part et par les Soviétiques d’autre part, les mouvements indépendantistes plus ou moins embryonnaires avant la guerre se sont développés rapidement et parfois violemment. L’indépendance de nos colonies et de l’Algérie, cette dernière statutairement département français, était donc inéluctable. Concernant l’Algérie plus particulièrement, il y avait une façon de négocier cette indépendance tout en ménageant certains intérêts français. Il s’agissait, pour ce faire, de ne pas reculer systématiquement face aux exigences du FLN lors des accords d’Évian. Il fallait aussi les faire respecter dès le 19 mars 1962, alors qu’ils furent immédiatement et systématiquement violés par le FLN.
Il fallait faire intervenir l’armée pour faire respecter ces accords et non la maintenir dans cette passivité criminelle ordonnée par De Gaulle à travers les instructions imposées par Messmer de laisser les soldats l’arme au pied.
Concernant les harkis, Pierre Messmer, après leur avoir promis protection et avoir garanti leur repli sur la métropole, s’est parjuré quelques jours avant l’indépendance, interdisant formellement aux officiers d’assurer leur rapatriement, les livrant ainsi aux représailles sanglantes du FLN. De Gaulle et son gouvernement sont totalement responsables du drame des harkis.
Nos frères d’armes les Harkis, Philippe de Parseval, éditions Dualpha, 234 pages, 27 euros. Pour commander le livre, cliquez ici.
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