30 mai 2017

Une leçon profitable du passé sur l’islamisme

Par Jean-Pierre Brun

 

Encore un attentat ! Les chaînes d’information vont immanquablement « meubler » l’antenne en organisant des tables rondes pour débattre à l’infini des « fondamentaux » différenciant l’islam modéré de son jumeau dévoyé, l’islamisme radical.

Certain « questionnement » des intervenants relèverait presque de celui que pourrait nous pondre une poule, aussi curieuse que perplexe, découvrant un cure-dents tombé de la poche du fermier. À quoi cela peut-il bien servir ? « Ouachkoun ada ? », « Qu’est-ce que c’est ? » ne manquera pas de s’interroger le brave paysan du bled, quelque part du côté de Médéa, captant par inadvertance l’émission C dans l’air.

Au printemps 1953, Roger Léonard, le gouverneur général d’Algérie en poste, avait demandé à ses sous-préfets d’établir un rapport extrêmement détaillé sur la situation politique et sociale de leur circonscription. Il en résulta une synthèse qui, à la veille du déclenchement des événements de novembre 1954, présentait scrupuleusement le patchwork politico-religieux concernant les Français de souche nord-africaine.

Cette réalité complexe n’allait d’ailleurs pas manquer d’instiller ses subtils poisons dans les chicayas qui devaient diviser très vite les tenants de la cause indépendantiste. Ne découvrait-on pas déjà dans la presse de l’époque l’émergence de tel ou tel courant de l’arabisme, du panarabisme, de l’islamisme du panislamisme ? Des chefs de la rébellion seront même exécutés sur ordre du FLN pour « berbérisme » (Ould Hamouda et Menguellet en 1956 par exemple).

Pour certains « l’Algérie est un pays musulman qui doit promouvoir la religion musulmane. Elle doit s’intégrer dans le Dar el Islam (la maison de l’islam). Sa population, membre de l’Oumma (la communauté universelle des croyants) ne relève que de l’application de la Chari’a (la loi islamique). »

Pour d’autres « l’Algérie est un pays arabe. Elle doit se tourner vers les pays du Proche Orient pour devenir une composante de la nation arabe. »

Les Berbéristes affirment se battre « pour la démocratie, la laïcité, l’indépendance et pour une Algérie strictement algérienne. »

Fin janvier 1956, alors qu’il se prépare à quitter l’Algérie, Jacques Soustelle souhaiterait voir Abderrhamane Farès lui succéder au gouvernement général. Ce dernier, honoré par une telle proposition, la repousse cependant prudemment en des termes qui résument parfaitement la situation de la province : « Cela ne marchera jamais parce que s’il est berbère, les Arabes n’en voudront pas ! S’il est arabe, les Berbères n’en voudront pas ! S’il est traditionaliste, les Oulémas n’en voudront pas. Choisissez donc un Européen pour vous succéder. »

Le 16 mai 1993, interrogé par Anne Sinclair sur une intégration française des immigrés marocains, le roi Hassan II est catégorique : pour des raisons culturelles, familiales et religieuses, ils ne seront jamais français parce qu’eux-mêmes ne se sentiront jamais français.

Le temps ayant fait son œuvre, quel enseignement peut-on tirer de cette expérience algérienne, pour caractériser aujourd’hui les lignes de forces qui surgissent ne serait-ce qu’à travers l’Eurafrique. Que faut-il entendre lorsque des populations exogènes se réfèrent à une nation arabe, à un Khalifat mondial, à une Charia universelle, à une Oumma planétaire ?

De modestes fonctionnaires français en poste dans le bled et les djebels avaient déjà répondu à la question avant même la Toussaint Rouge. Mais hélas, aujourd’hui comme hier, si toute vérité n’est pas bonne à dire, elle n’est surtout pas bonne à entendre.

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Philippe Randa,
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