Choir n’est pas déchoir
Les barbares avaient pris le Pouvoir, mais ce Pouvoir, Rome s’en accommodait. Mieux : ils gouvernaient en son nom. Jusqu’au jour, bien entendu, où il n’y eut plus d’empereur.
La déposition de Romulus Augustule, en 476, fut le fait d’Odoacre, qui n’était pas goth, contrairement à ce qu’ont prétendu les humanistes pour faire croire qu’il n’était que le continuateur d’Alaric le Wisigoth. Il n’était pas non plus arrivé « à la tête de cent mille Germains », comme l’écrit Dürrenmatt dans son drame Romulus le Grand, mais avec une petite suite pour faire carrière dans l’armée ; et il devint général.
Il fut proclamé roi par l’armée d’Italie et renversa Oreste, généralissime qui avait détrôné Julius Népos (qui fut le véritable dernier empereur d’Occident). Il congédia le fils de l’usurpateur, Romulus (plus tard appelé Augustule) et envoya une délégation du sénat remettre les insignes impériaux à Zénon, empereur d’Orient, déclarant que l’Occident n’aurait plus besoin d’empereur : celui de Constantinople suffirait. En retour, Zénon reconnut Odoacre comme patrice de l’Occident, et attendit la mort de Julius Népos pour le considérer comme son représentant.
Odoacre conserva l’administration romaine ; le sénat fut mieux traité plus souvent consulté que sous les empereurs ; les palais du mont Palatin, délaissés par les empereurs, furent restaurés.
Pendant ce temps, que devenait le malheureux Romulus ? Odoacre lui versa une grosse rente et l’installa avec sa mère dans l’ancien domaine, proche de Naples, du fameux Lucullus. Il lui donna aussi un terrain qui servit à la fondation du monastère de Lucullanum.
À propos, il ne faut pas oublier qu’en même temps que la civilisation latine, les barbares (qui, au bout de trois générations, sont de moins en moins barbares) ont adopté la religion chrétienne. Et ceux qui ne l’ont pas fait (les Huns… ou les Francs avant leur conversion) continuent d’être repoussés avec énergie.
Aux yeux des contemporains, la chute de l’empire passa inaperçue. Saint Augustin déplore les malheurs du temps, mais ne parle pas de chute de l’empire. Zénon ne se rendit pas non plus compte qu’il ne régnait plus sur l’Occident. Quelques années plus tard, il chargea en effet Théodoric (qui était, lui, un Goth, et même le roi des Ostrogoths) d’évincer Odoacre.
Cinquante ans après la déposition de Romulus, Justinien continuait de s’occuper de l’empire d’Occident. Il voulait notamment restaurer l’administration impériale directe en Italie (Ostrogoths), en Espagne (Wisigoths) et en Afrique (Vandales). Les longues guerres qui en résultèrent sont racontées par Procope, qui prend soin de distinguer les barbares païens ou hérétiques (c’est-à-dire ariens) de ceux qui sont « catholiques », et qui ne sont autres que les Francs.
Les humanistes se sont échinés à prouver qu’entre le dernier empereur d’Occident et eux-mêmes, il n’y avait rien eu d’autres que des ténèbres. Les historiens nationaux (ou nationalistes) du XIXe siècle ont amplifié l’illusion en niant l’ingestion et la digestion de leurs ancêtres celtes, germains ou autres par la civilisation et l’empire romains (les Hongrois sont allés jusqu’à se réclamer d’Attila). Pour eux, il fallait que Rome soit morte. Une fois Rome assassinée, une fois ce trésor commun anéanti, chaque peuple devenait libre de haïr son voisin tout à son aise.
Cette chronique de l’abominable histoire de France a été diffusée sur Radio Libertés dans l’émission « Synthèse ».
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