19 juin 2023

Hubert d’Ydewalle, un ex-rexiste résistant mort en déportation

Par Lionel Baland

Si le mouvement et parti politique catholique et nationaliste belge Rex, dirigé par Léon Degrelle, qui a obtenu, lors des élections législatives du 24 mai 1936, 21 députés et 12 sénateurs, puis, lors de celles du 2 avril 1939, 4 députés et 4 sénateurs, est allé, durant la IIe Guerre mondiale, dans la collaboration avec l’occupant allemand, de nombreux rexistes sont restés hors de ce phénomène et d’autres se sont engagés dans la Résistance, comme Xavier de Grunne, Robert du Bois de Vroylande et Hubert d’Ydewalle, qui sont morts en déportation.

Une naissance aristocratique 

Hubert van Outryve d’Ydewalle naît le 21 avril 1909, en tant qu’aristocrate, au château de la Bruyère, à Sint-Andries – de nos jours, une partie de Brugge –, situé en Belgique dans la province de Flandre occidentale. Le 3 juillet 1930, Hubert d’Ydewalle obtient, à l’université de Gand (Gent), un diplôme de docteur en droit avec distinction. Le 15 septembre, il prête serment auprès de la Cour d’appel de Gand (Gent) et devient avocat-stagiaire. Idéologiquement, Hubert d’Ydewalle est opposé au communisme et au socialisme et n’est pas favorable au nationalisme flamand, mais bien au nationalisme belge, tout en estimant que le mouvement flamand est compatible avec le patriotisme national.

Hubert d’Ydewalle, Le marché resre calme.

Rex 

En 1930, le dirigeant de l’Action catholique de la jeunesse belge, Monseigneur Louis Picard, demande à Léon Degrelle de prendre la direction des éditions catholiques Christus Rex, un nom inspiré par l’encyclique datant de 1925 Quas Prismas du pape Pie XI. Léon Degrelle développe cette entreprise, implantée à Louvain (Leuven), qui prend le nom d’Éditions Rex. Il s’entoure de différentes personnes qui ont pris part avec lui à la réalisation de la presse estudiantine, parmi lesquelles figure Hubert d’Ydewalle. La maison d’édition se développe fortement et publie des ouvrages émanant de diverses « grosses pointures » de la mouvance catholique, parmi lesquelles figure un des fers de lance du nationalisme belge : Pierre Nothomb.

De nombreux étudiants catholiques de l’enseignement supérieur, s’appuyant sur l’encyclique papale Quadragesimo Anno de 1931, désirent voir la démocratie, considérée comme décadente, être remplacée par un régime autoritaire catholique comme ceux qui voient le jour en 1933 au Portugal, avec l’Estado Novo de António de Oliveira Salazar, et en Autriche, avec l’État corporatiste d’Engelbert Dollfuss – assassiné à Vienne le 25 juillet 1934 par le national-socialiste Otto Planetta –  et de son successeur Kurt Schuschnigg, s’opposant au communisme, au socialisme, au libéralisme, à l’athéisme, au « judéo-maçonnisme », aux pouvoirs occultes et à la finance « responsable du chômage, de la spéculation boursière et du développement des grands magasins. »

Durant son service militaire, qu’il termine en octobre 1931 en tant qu’officier de réserve de l’infanterie, Hubert d’Ydewalle écrit des articles pour le quotidien La Patrie. Au début de l’année 1933, il devient le rédacteur en chef de l’hebdomadaire rexiste Vlan, lancé le 4 février 1933, aux idées catholiques et nationalistes belges. Il publie aussi dans Trait d’UnionL’AutomobileL’Éventail, Chasse et Pêche et La Revue Générale, ainsi que dans l’organe de presse La Campagne, qu’il fonde et dirige, et au sein de l’hebdomadaire rexiste Soirées.

Hubert d’Ydewalle publie, en 1934, aux éditions Rex, dans la collection « Les Rois », l’ouvrage Le marché reste calme, qui reprend des articles parus dans La Patrie en 1932, et, en 1937, chez le même éditeur, Le régime à vau-l’eau, au sein duquel il dénonce les politiciens arrivistes, les marxistes et leur collusion avec les juifs.

Hubert d’Ydewalle, Le régime à vau-l’eau.

Le 16 janvier 1934, Hubert d’Ydewalle épouse Hélène du Sart de Bouland. Lors de la cérémonie qui se déroule à la Cathédrale Saints-Michel-et-Gudule à Bruxelles, il porte l’insigne de Rex à sa boutonnière. Soirées du 2 février consacre un article d’une page au mariage. Le voyage de noce se déroule en Algérie. Hubert quitte le barreau.

En 1935, Hubert d’Ydewalle devient journaliste au quotidien catholique conservateur Le Vingtième Siècle, dont le supplément pour la jeunesse, Le Petit Vingtième, publie les aventures de Tintin dessinées par Hergé. Il écrit des articles pour l’hebdomadaire Rex, qui est une des publications du mouvement éponyme, et est rédacteur en chef du quotidien rexiste Le Pays Réel, lancé le 4 mai 1936. Dans ce cadre, Hubert d’Ydewalle demande à Hergé de dessiner le titre du journal Le Pays Réel et de son complément Vlan.

À la suite des résultats des élections législatives du 24 mai 1936 qui voient la percée de Rex, la femme d’Hubert d’Ydewalle est menacée par son père, cadre du parti catholique, d’être déshéritée si Hubert ne rompt pas avec Rex.

Les couples Degrelle et d’Ydewalle se fréquentent. Hubert est membre du Conseil politique de Rex, l’organe suprême du mouvement présidé par Léon Degrelle.

D’Ydewalle essaye d’être convié au congrès du parti national-socialiste en Allemagne, mais ne l’est pas, alors que la diplomatie allemande n’y est pas opposée. En revanche, Pierre Daye, le chef du groupe des élus, est invité d’honneur du Führer au congrès.

Hubert d’Ydewalle écrit dans le quotidien rexiste Le Pays Réel du 16 septembre 1936, en première page, « Le destin des peuples va vite. Il y a quinze ans, la France était encore considérée comme une grande puissance. Elle avait déjà en elle des germes terribles de corruption. Mais, elle était encore, comme par hasard, gouvernée par des Français. On la respectait un peu par habitude. »

Rupture avec Rex 

Le 11 avril 1937, Léon Degrelle, qui a reçu un « coup de crosse » du cardinal Joseph-Ernest Van Roey, perd l’élection partielle, qu’il a provoquée à Bruxelles, face au Premier ministre Paul Van Zeeland.

En juin 1937, Hubert d’Ydewalle quitte sa fonction de rédacteur en chef de l’organe de presse Le Pays Réel et celle de membre du Conseil politique de Rex pour diverses raisons : les fonds envoyés par le régime italien à Rex, le fossé entre Rex et le cardinal de Belgique et la personnalité de certains dirigeants de ce parti.

La rupture avec Rex est la seconde, car d’Ydewalle avait déjà quitté le mouvement en 1934, à cause des tensions avec l’Église, avant de le réintégrer à la suite d’un apaisement entre cette dernière et Rex. Des rexistes accusent d’Ydewalle d’avoir été contraint de laisser tomber Rex afin de sauver le futur héritage que son couple recevra de ses beaux-parents. Hubert d’Ydewalle, ayant quitté Rex et le journalisme, part de Bruxelles et s’installe à Beernem en Flandre occidentale.

La conception patriotique belge d’Hubert d’Ydewalle désirant voir la noblesse flamande francophone apprendre le flamand afin de ne plus être coupée de la population et de réintégrer la communauté, d’abandonner ses privilèges et de se mettre au service du peuple et de sa culture, a de l’influence en Flandre sur les élites.

La guerre 

L’armée allemande envahit la Belgique le 10 mai 1940. Hubert d’Ydewalle participe au conflit en tant qu’officier. Après la capitulation du 28 mai 1940, il est interné en tant que prisonnier de guerre au sein du camp de Kaprijke, dans la province de Flandre orientale. Le 11 juin 1940, il est autorisé, en tant que lieutenant de la 12e division d’infanterie, à quitter le camp. Il doit s’abstenir de toute action ennemie contre l’Allemagne et se présenter pour le 18 juin au poste de police de son lieu d’habitation afin d’y livrer son équipement militaire.

Par décision du 25 septembre 1940, Hubert d’Ydewalle est nommé bourgmestre de Beernem, bien qu’il ne soit pas membre du Conseil communal, en remplacement de son père qui est mort en avril. Il refuse se serrer la main au secrétaire communal pro-allemand. Il cache des juifs dans son domaine. Il s’adonne à la chasse et rédige le manuscrit du futur ouvrage Adel in Vlaanderen (Noblesse en Flandre).

Arrestation 

Hubert d’Ydewalle, père de quatre enfants, et son frère Thierry sont arrêtés par les Allemands. Après six semaines d’enquête et d’interrogatoire, ces derniers estiment avoir accumulé assez de preuves à l‘encontre de Hubert qui est jugé fin juillet et condamné pour : possession illégale d’appareil de radio, écoute de la radio britannique, aide à des fugitifs. Il est condamné à deux ans et demi de travaux forcés. Sa femme intervient auprès de personnes qu’elle connaît afin que les occupants acceptent une révision du procès. Le Gruppenführer SS Richard Jungclaus, chef supérieur de la SS et de la Police, annule le jugement. Hubert d’Ydewalle peut rester prisonnier en Belgique en attendant le nouveau procès. Les alliés arrivent et libèrent le pays. Thierry, condamné à mort, s’échappe d’un train qui doit le conduire en Allemagne et rejoint finalement Beernem. Le 18 août 1944, Hubert d’Ydewalle est transféré vers l’Allemagne. Après un mois de trajet à travers ce pays sous bombardements alliés, il arrive, après être passé par la prison de Bonn, à Kassel. Il est mis au travail forcé dans une aciérie. Lors d’un bombardement allié, qui vise l’usine, il est sauvé sous les décombres d’un bâtiment sinistré qu’il est occupé à déblayer et qui est touché par une bombe. Il est atteint par la chute d’une poutre et reste allongé plusieurs heures dans le coma à côté d’un tas de coke en feu à cause des pastilles incendiaires qui ont touché celui-ci. En plus de la commotion, il subit un début d’asphyxie. Il a de fortes ecchymoses et une entaille à la tête. Juste avant l’arrivée des Alliés, les 1.200 prisonniers sont emmenés vers la gare puis prennent place dans des wagons à bestiaux qui sont pleins à craquer de ces prisonniers. Le convoi se trimballe, sans destination précise, durant dix jours, à travers l’Allemagne. 30 % des passagers sont encore en vie. Hubert d’Ydewalle tombe malade. Sa blessure à la tête lui fait mal. Il a faim, froid et soif, Il se sent envahi par la puanteur du wagon à bestiaux et souffre de diarrhée.

La fin 

Un compagnon d’infortune d’Hubert se rend à Beernem afin d’annoncer que celui-ci n’a pas survécu. Le 29 mai 1945, une messe du souvenir est dite à l’église Saint-Amand en présence de 2.000 personnes parmi lesquelles figurent le gouverneur de la province et l’archevêque.

Les autorités belges cherchent en Allemagne, en collaboration avec l’armée des États-Unis, des informations sur Hubert d’Ydewalle. Elles apprennent que le cadavre de ce dernier a été débarqué, le soir du 5 avril, du train en question, à Neumarkt-Sankt Veit et y est enterré dans le cimetière. Sa sépulture porte l’épitaphe en néerlandais « Hij is gevallen als een heer. » (Il est tombé en seigneur.)

Noblesse en Flandre est publié après la Libération, à titre posthume, par les éditions Lesigne à Bruxelles, en collaboration avec l’Association de la noblesse du royaume de Belgique. Une deuxième édition paraît en 1954.

Souvenir mortuaire Hubert d’Ydewalle.

 

Bibliographie :

CHEYNS Bruno, Léon Degrelle. De Führer uit Bouillon. Biografie, Uitgeverij vrijdag, Antwerpen, 2017.

COOMANS DE BRACHÈNE Oscar, État présent de la noblesse belge, Annuaire de 1995, collection « État présent » A.S.B.L., Bruxelles, 1995.

DAYE Pierre, Léon Degrelle et le rexisme, Fayard, Paris, 1937.

DEFOORT Eric, Une châtelaine flamande : Marie-Thérèse le Boucq de Ternas 1873 – 1961, col. « Documents », Les Éditions des Beffrois / Westhoek Editions, Dunkerque, 1985.

DE MARNIX DE SAINTE ALDEGONDE Humbert, État présent de la noblesse belge, Annuaire de 2011, collection « État présent » A.S.B.L., Bruxelles, 2011.

DE PESSEMIER Paul, Hubert d’Ydewalle. Een aristocraat uit Vlaanderen en de ondergang van Rex, Tielt, 1997. (Réédité sous le titre : DE PESSEMIER ‘S GRAVENDRIES Paul, De fabuleuze levensloop van ridder Hubert d’Ydewalle. Biografie, Bola-Editions, Gent, 2012.)

DE PESSEMIER ’S GRAVENDRIES Paul, Adel in Vlaanderen. Verleden, heden en toekomst, Uitgeverij Borgerhoff & Lamberigts, Gent, 2010.

DI MURO Giovanni, Léon Degrelle et l’aventure rexiste [1927-1940], Luc Pire, Bruxelles, 2005.

D’UDEKEM D’ACOZ Marie-Pierre, Pour le Roi et la Patrie. La noblesse belge dans la Résistance, Éditions Racine, Bruxelles, 2002.

D’YDEWALLE Hubert (sous la direction de), La Campagne, Bruxelles, du 15 décembre 1934 au 23 mars 1935.

D’YDEWALLE Hubert, Le marché reste calme, col. « Les Rois », Rex, s.l., s.d. (1934).

D’YDEWALLE Hubert, Le régime à vau-l’eau, Rex, Bruxelles, s.d. (1937).

D’YDEWALLE Hubert, Noblesse en Flandre, Éditions Lesigne, Bruxelles, s.d (1946).

D’YDEWALLE Hubert, Noblesse en Flandre, Éditions Lesigne, Bruxelles, s.d (1954).

ÉTIENNE Jean-Michel, Le Mouvement Rexiste jusqu’en 1940, Cahiers de la fondation nationale des sciences politiques, n° 165, Armand Colin, Paris, 1968.

GODDIN Philippe, Hergé. Lignes de vie, Moulinsart, Bruxelles, 2007.

GOTOVITCH José et GERARD-LIBOIS Jules, L’an 40 : la Belgique occupée, CRISP, Bruxelles, 1971.

LANNEAU Catherine, « La puissance française sous le Front populaire : le regard des Belges francophones. », in : Guerres Mondiales et Conflits Contemporains, n° 215 (3/2004), p. 75 à 89, Presses Universitaires de France, 2004.

VAN DEN ABEELE Andries, De Balie van Brugge. Geschiedenis van de Orde van advocaten in het gerechtelijk arrondissement Brugge (1810-1950), Vanden Broele, Brugge, 2009.

VANDERPELEN-DIAGRE Cécile, Écrire en Belgique sous le regard de Dieu, Complexe/CEGES, Bruxelles, 2004.

VANHOUTRYVE André, Familie van (H)Outryve. Proeve tot historische en genealogische studie, Famila et Patria, Kortemark-Handzame, 1985.

VANHOUTRYVE D’YDEWALLE R., Hubert van Outryve d’Ydewalle (21 avril 1909 – 5 avril 1945), mémoire dactylographié, s.l., 1979.

Institutions visitées :

Bibliothèque royale de Belgique à Bruxelles et bibliothèque de l’université de Liège

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