13 janvier 2024

Et l’Algérie resta française… (Entretien avec Philippe Chiaverini)

Par Fabrice Dutilleul

« L’idée même d’une séparation territoriale naquit,
dans les derniers temps de la Guerre d’Algérie chez ceux qui,
conscients de l’improbabilité de conserver l’entièreté du territoire,
misaient sur la pérennité d’une « forteresse européenne »

Philippe Chiaverini est né à Alger en 1943 d’un père avocat et d’une mère directrice d’école. Dès l’adolescence, il milita pour le maintien de l’Algérie à la France qui lui valut quelques petits ennuis judiciaires et à l’issue de son service militaire, il entreprit des études de droit et de sciences politiques à Paris et ce, il est vrai, conformément à la tradition familiale chez les Chiaverini. Administrateur civil , juge administratif, professeur d’université associé, il prit sa retraite de fonctionnaire de façon légèrement anticipée pour revêtir la robe d’avocat et offrir souvent ses services de juriste à ses anciens camarades. Parallèlement à son activité professionnelle, il a écrit des manuels de droit, des romans historiques, des nouvelles et de nombreux articles. Il vit à Bastia dans l’île de ses ancêtres. Il aime à dire : « Un Corse s’absente, il n’émigre pas. »

Entretien avec Philippe Chiaverini, auteur de d’Et l’Algérie resta française…  (éditions Dutan)

(Propos recueillis par Fabrice Dutilleul)

 

Sachant ce que furent les Accords d’Évian, comment expliquez-vous le paradoxe de votre titre ?

L’ouvrage constitue justement une uchronie. C’est-à-dire la relation d’un passé qui ne fut pas véritablement. Ou, en tout cas, pas totalement. Une version alternative de la réalité d’hier, dans laquelle le cours des évènements prend une direction différente et, partant, propose des faits qui divergent quelque peu de ce que l’Histoire académique nous enseigne. Ainsi, mon livre expose une idée simple et qui tenait à cœur à beaucoup, au début des années 1960. À savoir que la France refuse de rendre les armes face au FLN ! Ou, plus exactement, fasse valoir ses succès militaires, afin de conserver ce à quoi elle pouvait alors légitimement prétendre en Algérie.

 

De quelle manière la Ve République, dont la fondation repose sur un problème algérien qui a fini par déconsidérer le régime précédent, aurait-elle pu disposer de la faculté de régler les choses autrement que ne le fit De Gaulle ?

Le début de la solution serait passé par une refondation du Pouvoir politique qui s’exerçait… Face à la tyrannie d’un Robespierre, les Thermidoriens n’avaient pas hésité à faire retomber sur son cou délicat le couperet d’une guillotine, qu’il avait tant aimé appliquer aux autres. De Gaulle, qui usait à outrance d’une justice militaire expéditive et faisait fusiller certains de ses opposants, se devait de connaître le sort des despotes. Évidemment, une telle action aurait eu peu de chance de recevoir un vernis de légalisme. Je me suis donc permis d’imaginer le décès, par attaque cardiaque, de l’imminent fossoyeur de l’Algérie française, avant qu’il n’eût l’opportunité de la brader avec les négociateurs dépêchés à Évian.

La mort de De Gaulle aurait-elle pu à ce point infléchir la situation ?

Me trouvant dans le domaine du roman et donc de la fiction, c’est l’hypothèse que je soutiens. Bien-sûr, De Gaulle n’était pas le seul chef d’orchestre de l’époque. Surtout, nos « chers alliés » américains ne rêvaient, déjà et toujours, que de nous expulser de l’ensemble de notre pré-carré colonial. Seul un chef d’État assez habile pour louvoyer entre de tels obstacles aurait pu mener la barque à bon port. Les circonstances de l’époque plaident pour percevoir ces qualités chez Giscard d’Estaing, alors partisan de l’Algérie française et, en mars 1962 où se situe cette césure, probablement pas encore l’homme que, dans notre réalité, il sera en 1974. Disons, pour simplifier, que, au début de la parenthèse gaulliste qui s’ouvrait encore tout juste, bien des choses demeuraient possibles. Et que Giscard, en dépit de tous ses défauts, possédait l’agilité d’esprit pour concevoir une solution acceptable de la part des différentes parties.

Alors, justement, pour vous, cette solution tiendrait à la scission ?

C’est, en effet, l’idée que j’habille d’une concrétisation historique. Maintenir un absolu statu quo ante aurait été difficile. Les maquis n’avaient tout de même pas tous disparu et une idéologie indépendantiste existait dans une frange de la population dite franco-musulmane. Parfois partagée par d’anciens cadres subalternes de l’Armée coloniale, que la France n’avait pas su s’attacher par de meilleures promotions. C’est d’ailleurs tout le drame de l’œuvre coloniale, en Algérie, que de n’avoir jamais su élaborer une politique cohérente vis-à-vis de l’indigénat.

La scission territoriale pouvait, en conséquence, servir de compromis. À côté d’une profondeur territoriale, indigène, musulmane et quelque peu archaïque, se positionnerait une large bande côtière, entre Alger et Oran, qui regrouperait les éléments européanisés, modernes et dynamiques.

 

Une telle séparation n’aurait-elle pas présenté le risque de se muer en voie étroite ?

Bien que fiction, mon livre se penche justement sur la viabilité d’une telle organisation. En l’appréhendant par la perspective démographique. La comparaison d’évolution de chacun des deux groupes constitués ! Car cette scission en deux entités n’aurait pas opposé une Province française à un pays étranger. Elle aurait créé deux États distincts et officiellement souverains. Lesquels, même pour celui qui initialement aurait conservé un puissant arrimage à la France, auraient dû, à terme, fare da soli. Devenirs qui, pris dans une durée générationnelle, auraient entraîné des résultats comparables à d’autres similaires. Ceux, médiévaux, des États latins de Terre Sainte. Ou bien ceux, moins lointains, qui affectèrent l’Union sud-africaine comme, aujourd’hui, dans une certaine mesure, Israël face à la Palestine.

C’est l’histoire parallèle de cette pente irréversible que conte un peu l’ouvrage.

 

Dans quel recoin de votre esprit a jailli cette idée qui, de prime abord, pourrait passer pour baroque ?

L’idée même d’une séparation territoriale naquit, dans les derniers temps de la Guerre d’Algérie chez ceux qui, conscients de l’improbabilité de conserver l’entièreté du territoire, misaient sur la pérennité d’une « forteresse européenne ». J’ai eu à cœur de la reprendre et de la développer, à l’approche du 50e anniversaire de l’indépendance, date de parution de la première édition de l’ouvrage. Il s’agissait, alors, d’exorciser certains démons. Sans doute le début de ma retraite professionnelle m’incita-t-il à revisiter ce passé, auquel j’ai, à ma modeste mesure de militant, participé. Coucher sur le papier certains faits, que j’ai traversés. Brosser quelques visages, que j’ai croisés. Afin de les faire revivre, de leur redonner corps, de montrer quelque peu leur vérité. Touches de vécu qui colorent l’uchronie d’une dose de récit. Qui restituent un monde qui n’habite plus que dans nos souvenirs ! Avec le souhait de montrer qu’un résultat autre que celui enduré n’aurait guère duré. Même si un pays qui aurait possédé un chef d’État davantage digne que celui que j’ai qualifié, dans un autre de mes ouvrages, de Charles le Félon, aurait pu faire l’économie des ignominies engendrées par la collusion gaulliste avec les égorgeurs du FLN. Parjure envers les Pieds-noirs, Harkis et fidèles de l’Algérie française, que tous ces derniers écopèrent dans les flots de sang de leurs nombreux martyrs.

Une décennie après sa rédaction, l’évolution du monde n’a fait que me renforcer dans ma perception première.

 

Et l’Algérie resta française…, Philippe Chiaverini, éditions Dutan, (uchronie), 182 pages, 23 euros. Pour commander ce livre, cliquez ici.

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