Du devoir de mémoire à l’exercice de repentance
S’il est une épreuve à laquelle tout candidat à la présidence de la République doit se soumettre aujourd’hui, c’est bien celle du devoir de mémoire et de son exercice d’application subsidiaire, le pèlerinage de repentance à Alger. Le jeune Macron, élève appliqué, vient de s’y soumettre avec cette bonne grâce qui caractérise les élèves consciencieux sinon légèrement benêts. « Nécessité électoraliste fait loi » lui auront expliqué les membres de son conseil de tutelle les plus influents. On croit ainsi récupérer certaines voix périphériques pourtant combien dissonantes. Mais qu’importe le flacon…
Le concept tout à fait récent du devoir de mémoire est on ne peut plus intéressant sur la scène politique pour les histrions dont le rôle est justement de chauffer le public pour mieux le mettre dans sa poche. Il n’engage en effet personne dans la mesure où, par définition, la mémoire est aléatoire. Qui peut contester le caractère fluctuant de la mémoire quand tant d’expressions en relativisent la valeur : trahison de la mémoire, perte de mémoire, trouble de la mémoire, mémoire infidèle, mémoire sélective ?
Ne disait-on pas que Saint-Simon avait la mémoire en trou de serrure ? N’a-t-on pas prétendu en des temps difficiles que le Français avait la mémoire courte ?
Mais un prétendu recours à la mémoire ne cacherait-il pas en fait quelque ruse de faiseur d’opinion particulièrement vicieux. En 1800, dans son dictionnaire universel, Pierre-Claude-Victor Boiste en soulignait déjà le piège : « L’imagination et la mémoire sont sœurs jumelles et le menteur le sait bien. »
Pour qui observe en toute impartialité l’émergence d’un tel concept, la manipulation de cette redoutable opinion publique est évidente : il s’agit d’imposer un prétendu devoir de mémoire pour échapper aux dures contraintes du crucifiant et implacable devoir de vérité.
Toujours est-il que le devoir de mémoire ayant été rendu, il s’agit de mettre en pratique la repentance sans laquelle l’épreuve est éliminatoire.
Au lendemain du concile Vatican II, des pasteurs de progrès, suivis avec enthousiasme par des ouailles modernistes, avaient tenté de développer dans notre beau pays le concept d’« absolution collective ». Voilà qui offrait un gain de temps considérable dans la distribution des sacrements et qui permettait de se débarrasser de confessionnaux archaïques, véritables nids à poussière et couveuses de bacilles divers et variés.
Pourquoi ne pas reprendre cette idée, somme toute ingénieuse, pour faciliter le triomphe définitif de la repentance ? Une repentance collective ! Une repentance hors du temps avec distribution de certificats de repentance généreusement attribués dans tous les cas de figure. Avouez que ça aurait de la gueule !…
Repentant à titre posthume, par contumace, par défaut, avec sursis, avec peine incompressible, à titre honoraire… Membre repentant bienfaiteur ou de soutien… Repentant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se « case »… mais où ?
Pour magnifier cette démarche, voire l’institutionnaliser, des bâtiments publics, des rues, des avenues portant aujourd’hui le nom d’infâmes propagateurs du colonialisme pourraient être débaptisées. Ainsi des stations de métro comme « Victor Hugo », « Louis Blanc », « Émile Zola » ou « Jaurès »… pourraient être réaffectées à leurs victimes. Le siège des loges maçonniques serait confisqué et attribué par exemple au CRAN ou à « Touche pas à mon pote ». Réjouissons-nous, mes frères. Que de belles cérémonies en perspective !
« Au nom de la République et des pouvoirs qui me sont conférés, je débaptise « L’école Jules Ferry » qui, à compter du 19 mars prochain, s’appellera « École Yacef Bouhired et Djamila Saadi. » »
J’en rêve.
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Philippe Randa,
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