Une belle figure d’Afrique australe
Entre le milieu des années 1980 et la première Coupe du Monde de rugby en 1995, l’Afrique du Sud faisait souvent l’ouverture des journaux de 20 heures Sur les ondes, le groupe britannique Simple Minds chantait « Mandela Day » tandis que le supposé « Zoulou blanc » Johnny Clegg braillait « Asimbonanga » ! Cette surexposition médiatique ne facilitait pas la compréhension précise des événements, ce qui favorisait la large désinformation de l’opinion européenne.
Les travaux historiques de Pierre-Olivier Sabalot s’inscrivent dans la longue durée. Sa première biographie portait en 2010 sur Verwoerd, le prophète assassiné, soit le Premier ministre sud-africain qui théorisa le « développement séparé des races ». Il s’intéresse maintenant à Piet Mayer. La voix de l’Afrikanerdom (Auda Isarn, 2018, 285 p., 24 €). Puisant dans les abondantes sources en afrikaans qu’il maîtrise parfaitement, l’auteur retrace la riche vie de Pieter Johannes « Piet » Meyer (1909 – 1984).
Journaliste, homme de médias (il dirigea la chaîne nationale de radiodiffusion sud-africaine), lobbyiste en chef de la cause nationale afrikaner, Piet Meyer dédia sa vie au militantisme culturel et métapolitique. À travers cette figure majeure, Pierre-Olivier Sabalot évoque la vie politique mouvementée d’une Afrique du Sud dans laquelle les descendants des valeureux Boers affrontent à la fois les anglophones blancs plutôt libéraux et certaines populations noires enrégimentées par le terrorisme de l’ANC et d’autres groupes extrémistes.
L’auteur décrit les diverses mutations du parti dominant, le Parti national, dont l’existence se ponctue de scissions et d’exclusions régulières. Il traite de la Broederbond, la « Ligue des Frères », cette puissante société secrète nationaliste afrikaner créée en 1918 qui organisa la cité sud-africaine jusqu’en 1994. Piet Meyer en fut le président de 1960 à 1972 après y avoir adhéré en 1932. Sensible à la question sociale et attiré par le national-socialisme allemand, ce docteur en philosophie, admirateur de Martin Heidegger, soutenait avec conviction une troisième voie économique et sociale, un « socialisme ethnique » destinée aux seuls Afrikaners.
Si Pierre-Olivier Sabalot ne cache pas son estime pour Piet Meyer, il montre aussi ses contradictions. Ce calviniste de stricte observance voyait dans la nation afrikaner une vocation particulière au sein d’un Occident blanc et chrétien. Or les concepts chrétiens compris et appliqués à l’aune de l’après – 1945 sapent à terme tout véritable « développement séparé ». Piet Meyer s’en doutait un peu puisqu’il prénomma son fils Izan et sa fille Dioné. Il ne prit malheureusement pas conscience de l’extrême dangerosité des valeurs chrétiennes devenues folles.
Pourvu d’un cahier photographique, d’annexes judicieuses, d’un glossaire indispensable et de 23 (oui, 23 !) pages bibliographiques, cet ouvrage est novateur : il n’existe à ce jour aucune étude complète tant en anglais qu’en afrikaans sur Piet Meyer. Il aura donc fallu attendre une belle initiative française ! Par cette très remarquable biographie, on découvre une personnalité engagée, fidèle et attachante qui savait que les idées justes ordonnent parfois un monde toujours chaotique.
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