1943 : l’opération « Modelhut » (chapeau de couture)
Vous connaissez tous les merveilleux parfums de la société Chanel, et avez admiré ses vêtements. Mais saviez-vous que la charmante couturière Coco Chanel avait travaillé pour les services d’espionnage SS et qu’elle se rendit à Berlin en avril 1943 pour y rencontrer Walter Friedrich Schellenberg, chef des Services de Renseignement de la SS et homme de confiance de Himmler ?
Gabrielle Chanel, dite Coco, se proposait de faciliter une paix séparée entre la Grande-Bretagne et l’Allemagne…
Après avoir présenté une collection « Bleu-Blanc-Rouge » de vêtements ultra-patriotiques au début de la guerre, elle décide de fermer sa maison de haute couture quand l’Occupation commence. Ne laissant ouverte que sa boutique de parfums, elle se replie sur l’hôtel Ritz où elle s’installe à demeure. À 57 ans, elle tombe amoureuse d’un gentleman de douze ans son cadet : beau, grand, élégant, il est allemand, se nomme Hans Gunther von Dincklage et est sans doute espion.
Mademoiselle Chanel est alors préoccupée par le sort de sa maison de parfumerie, cédée avant guerre à des industriels juifs, dont elle aimerait reprendre le contrôle. Elle fait des démarches en s’appuyant sur son « identité aryenne » pour ôter les parfums Chanel des griffes des frères Wertheimer, réfugiés aux États-Unis. Mais ceux-ci la prennent de vitesse et, habilement, font passer la propriété de la maison Chanel à des prête-noms qui n’attirent pas l’attention des autorités nationales-socialistes ! Dès lors, Coco Chanel saura à quoi s’en tenir en ce qui concerne les juifs et tentera de contribuer à la victoire du Reich en montant un projet pour… arrêter la guerre !
Lors de la conférence d’Anfa, en janvier 1943, Churchill et Roosevelt exigent de l’Allemagne une capitulation sans condition. Cette intransigeance jette le trouble dans les milieux qui estiment qu’après tout, la guerre a déjà assez duré. Coco Chanel connaît Churchill, qu’elle a rencontré à plusieurs reprises, notamment grâce au Duc de Westminster. Et le Premier ministre britannique admire la talentueuse Chanel !
Elle évoque cette relation devant un autre ami allemand, le major Theodor Momm, qui lui a rendu service peu de temps auparavant en faisant libérer le fils d’une amie qui avait noué des contacts avec des terroristes gaullistes. Elle lui soumet son projet : contacter Churchill et le convaincre de négocier une paix séparée avec l’Allemagne ! Séduit à la fois par Coco et par l’idée, Momm en parle au ministère des Affaires Étrangères du Reich. Éconduit, il prend contact avec Walter Schellenberg. Le résumé de leur entretien fera l’objet d’un dossier de 119 pages qui sera récupéré en 1945 par les services secrets britanniques. On y lit que Mademoiselle Chanel était une personne connaissant suffisamment Churchill pour mener avec lui une négociation politique, et cela en tant qu’ennemie de la Russie bolchevique (Chanel avait auparavant vécu avec un prince russe), désireuse d’aider la France et l’Allemagne dont les destinées sont, selon elle, étroitement liées. Le chef du Service de Renseignements de la SS demande à rencontrer le plus rapidement possible Mademoiselle Chanel à Berlin. L’entrevue aura lieu en avril 1943 dans la capitale du Reich, en présence de Hans Gunther von Dincklage, Theodor Momm et un officier SS, Schiebe. C’est le début de l’opération « Modelhut », « chapeau de couture ».
Que penseraient de ceci les femmes de banquiers juifs new-yorkais qui se pavanent en robes « Chanel » ?
Le dossier du MI 6 britannique est le premier à évoquer ce voyage en Germanie. À Berlin, au siège du puissant « Amt VI » (service de renseignement SS), Coco Chanel sait très bien ce qu’elle fait : si sa mission est un succès, la France restera associée au Reich allemand ; pour elle il ne s’agit nullement de « trahison », mais « d’esprit de sacrifice ».
Dans une lettre adressée après-guerre à Edmonde Charles-Roux (veuve de Gaston Deferre) qui rédigera une biographie de Chanel, Theodor Momm évoque « une goutte de sang de Jeanne d’Arc » coulant dans les veines de la couturière qui avait introduit une nuance de romantisme dans les services secrets nationaux-socialistes.
Heinrich Himmler, qui cherche un moyen d’arrêter la guerre à l’Ouest comme l’avait tenté auparavant Rudolf Hess, donne son accord au projet « Modelhut » ; le sort du monde pouvait alors en être modifié. Sir Stuart Hampshire, l’officier du MI 6 qui interrogea Schellenberg après la chute du Reich, fut stupéfait d’entendre que ceux qu’il considérait comme des « brutes nazies » avaient engagé une étoile de la couture pour tenter d’infléchir la stratégie de Churchill au plus fort de la guerre, par le biais d’une relation mondaine !
Pour contacter Churchill, Chanel veut passer par Madrid, connaissant personnellement l’ambassadeur d’Angleterre en Espagne. Mais cela ne suffit pas ; elle a besoin de quelqu’un qui soit, non seulement, plus proche de Churchill qu’elle, mais appartenant même à la famille royale : sa copine Vera Bate, de la famille des Windsor, qui a épousé un Italien. Mais Vera a peur et refuse de la rejoindre à Paris. Maladroit, Dincklage à l’idée de faire pression sur elle en la faisant arrêter… Pour espionnage, mais, depuis Berlin, Schellenberg donne l’ordre de la libérer moyennant un marchandage : elle transmettra la demande d’audience auprès de Churchill, écrite par Coco Chanel, aux services de l’ambassade de Grande-Bretagne à Madrid. Chanel se rend donc à cette ambassade de Madrid, mais Vera Bate y est aussi et leurs versions ne s’accordent pas, Vera n’ayant pas apprécié d’avoir été embastillé quelques jours à Rome sur ordre de Dincklage.
Chanel s’installe à l’hôtel Ritz de Madrid dans l’attente d’une réponse à sa démarche, mais les diplomates anglais, méfiants devant ces deux émissaires en jupons, ne donnent pas suite. La demande d’audience de la couturière ne sera vraisemblablement jamais transmise. Quand elle apprend que Sir Winston Churchill est sérieusement malade, Chanel comprend qu’elle n’obtiendra jamais son rendez-vous.
Vera Bate recevra d’un intermédiaire envoyé par Schellenberg une autre demande d’audience de Coco Chanel, qu’elle devait tenter de remettre à Churchill lors de son retour à Londres. Mais les services de sécurité britanniques repérèrent et fichèrent la dame comme « espion allemand », ainsi que Chanel. Les contacts sont rompus.
La couturière vit assez mal cette expérience : non seulement elle a échoué, mais elle s’est brouillée avec son amie. À la fin de décembre 1943, elle repart à Berlin pour rendre compte à l’officier SS de son échec, puis retourne à l’hôtel Ritz de Paris, découragée.
Lors de la « libération » de Paris, les FFI viennent l’arrêter dans le palace de la place Vendôme : sa liaison avec un « boche » était notoire. Mais… Miracle : elle sera libérée au bout d’une heure, disposant d’une protection au niveau le plus haut : peut-être son ex-petit ami le Duc de Westminster ; peut-être Winston Churchill lui-même… Le charme féminin ouvre toutes les portes.
Mais, en échange de son impunité, les autorités françaises lui demandent de quitter le pays, et elle part s’exiler en Suisse. Là-bas, Coco Chanel reste fidèle dans ses amitiés : elle écrit régulièrement à Walter Schellenberg, emprisonné après avoir été condamné à 6 années de cachot par le tribunal de Nuremberg. Le responsable des renseignements de la SS sera libéré en 1951, et Mademoiselle Chanel sera là pour le dépanner financièrement. Il meurt le 31 mars 1952, et ses funérailles sont payées par Mademoiselle Coco Chanel. L’opération « Modelhut » est terminée.
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Philippe Randa,
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