La Russie, allié stratégique naturel de demain, comme avant 1914…
Par Yves-Marie Laulan.
Voilà qu’une fois de plus l’Occident, décidément incorrigible, se livre à sa distraction favorite, le Poutine bashing : traduction libre : « Casser du sucre sur le dos du malheureux président russe ». Comme s’il n’avait pas assez d’ennuis comme cela. Il fallait bien qu’une voix autorisée comme la mienne s’élève pour le défendre contre ceux qui le dénigrent.
Bien plus, les voilà qui exigent le rappel de tous les diplomates russes benoîtement installés chez nous, 140 au total, si mon compte est bon. Ce qui ne manquera pas de rendre bien malheureuses les mères de famille russes habituées au confort des foyers douillets de chez nous, de perturber bêtement la vie de ces enfants qui n’ont rien fait de mal à personne etc. Il est vrai qu’en compensation, à quelque chose malheur est bon, comme le dit sagement le proverbe, cela va faire la fortune des entreprises de déménagement qui auront un exercice 2018 florissant.
Et pourquoi tout ce tintamarre planétaire ? Pour quelques peccadilles innocentes, lesquelles en d’autres temps, seraient passées totalement inaperçues : la tentative, d’ailleurs manquée, d’envoyer ad patres un malheureux opposant russe qui passait par là, comme par hasard, lequel avait cru, de toute bonne foi, trouver un refuge sûr en Angleterre, du côté de Salisbury. Il est vrai, circonstance aggravante, que le moyen employé pour ce faire était particulièrement répulsif, dans tous les sens du terme : le poison, un agent innervant. Cela est difficilement supportable : souvenirs de la guerre de 14/18 obligent, comme on l’a vu en Syrie. Tuer des civils par milliers à la bombe, passe encore. Mais employer des armes chimiques : halte là ! Monsieur Bachar El-Assad : bombarder, oui ; gazer, non !
Malheureux opposant Serguei Skripal… Comme si on ne savait pas, depuis belle lurette, que l’Angleterre, justement prénommée jadis « la perfide Albion », est depuis toujours une véritable pépinière, mieux un paisible repaire d’espions qui peuvent pratiquer tranquillement leur beau métier sans encombres, comme Kim Philby, MacLean et Burgess et consorts l’ont magistralement montré pendant la dernière guerre ; Scotland Yard, le MI5, MI6, l’agent 007, c’est fini tout cela. C’est du roman ou du cinéma.
Mais pourquoi diable Monsieur Skripal, au lieu de Londres, n’a-t-il pas eu la bonne idée de venir se retirer à Paris : d’abord les monuments sont beaucoup plus charmants qu’à Londres, les demeures plus confortables, la gastronomie inimitable. En outre, ce sont seulement les citoyens français qui se font flinguer, jamais les agents doubles russes. Nuance.
Ceci étant, ce qui est fait est fait. Et voilà notre opposant victime d’une agression caractérisée au poison. Mais pourquoi en faire toute une histoire ? Descendre les personnes qui chagrinent les hommes au Pouvoir en Russie est une tradition russe ancienne et vénérable. Rappelons-nous comment Staline a fait assassiner le malheureux Trotsky au Mexique d’un bon coup de pic à glace dans la tête, histoire de lui apprendre à vivre, dans l’autre monde il est vrai.
Détail amusant, cet épisode intervient au lendemain de la fière proclamation du Brexit qui devait, enfin, délivrer la Grande Bretagne du joug insupportable des pays de l’Union européenne. Souvenons-nous : « Brexit is Brexit » proclamait avec un brin d’arrogance l’inénarrable Theresa May. Mais voilà, notre amazone, la queue entre les jambes (c’est une formule imagée, bien sûr) de solliciter humblement l’appui et le soutien de ses collègues abhorrés du continent. Rien ne lui aura été épargné décidément.
Et ces bons apôtres d’obéir au doigt et à l’œil et de rappeler leurs diplomates en masse. Mais où loger tous ces gens qui auront loué leurs appartements parisiens ? Faudra-t-il dresser des tentes dans les jardins du Quai d’Orsay ou sur la pelouse de l’Élysée, comme l’avait fait obligeamment Mouammar Kadhafi pour enchanter le président Nicolas Sarkozy, grand amateur d’exotisme à domicile.
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Mais, trêve de plaisanteries. Plutôt que de contrarier sans cesse Vladimir, nous serions bien mieux inspirés de le soutenir fermement.
D’abord Poutine est indiscutablement soutenu par la majorité du peuple russe comme les dernières élections l’ont clairement montré. On peut le déplorer, mais c’est ainsi. Mais, dira-t-on, il n’a pas été élu par un système vraiment démocratique. C’est à voir… Et d’ailleurs « qu’importe la bouteille si le vin est bon. »
Tous les pays au monde doivent-ils copier servilement nos institutions ?
Il est, nous dit-on, au pouvoir depuis 20 ans grâce à un subtil jeu de bascule de type culbuto qui le ramène automatiquement au sommet. Et alors ? Et le président à vie chinois ?
Poutine a apporté aux Russes ce dont ils avaient le plus besoin, la stabilité, après les années de tourmente chaotique qui ont suivi l’effondrement de l’Union soviétique dans les années quatre-vingt-dix. Et la stabilité en Russie est dans l’intérêt de nos pays.
Certes, tout n’est pas parfait ; la croissance reste à la traîne et la restructuration de l’économie russe est loin d’être menée à son terme, avec un secteur public dominant et une amélioration du niveau de vie un peu décevante. Mais si les Russes savent s’en contenter, ce n’est pas notre affaire.
En fait, plutôt que de regarder Poutine et la Russie comme des rivaux dangereux, nous serions mieux inspirés de les considérer comme des alliés potentiels qu’il faudrait assister au besoin au lieu de les accabler de « sanctions » aussi inefficaces qu’insultantes.
En réalité, la Russie reste, on le sait, terriblement vulnérable. Elle est tributaire du pétrole qui représente encore 50 % de son budget et de ressources à l’exportation. Mais, de toute façon, le pétrole est une ressource énergétique condamnée à terme au déclin. La Russie n’a encore rien trouvé pour le remplacer.
La Russie dispose, certes, d’un appareil militaire imposant et de capacités nucléaires redoutables. Mais « on peut tout faire avec des baïonnettes, sauf s’asseoir dessus », disait déjà Talleyrand. C’est bien ce qu’a compris ce maître de la stratégie géopolitique qu’est Poutine. C’est la raison pour laquelle, au nom de la notion réaliste de suffisance, il vient de réduire son budget de la défense, au demeurant, très raisonnable : 46 milliards de dollars contre 700 milliards pour les USA et 215 pour la Chine. Au demeurant, qui songerait à attaquer la Russie ? L’Europe ? N’en parlons pas. C’est depuis 75 ans un « tigre de papier ». Les États-Unis ? Ils ont mieux à faire dans le Pacifique et l’Asie du Sud-Est.
Reste, il est vrai, un danger très réel pour la Russie : la Chine ; Chine qui dispose d’un arsenal militaire au moins égal sinon bien supérieur au sien ; la Chine qui surplombe la population russe exsangue du haut de ses 1,3 milliard d’habitants en plein essor économique et technique ; la Chine qui borde des territoires russes quasi vides sur plusieurs milliers de kilomètres de frontière commune ; la Chine enfin qui a déjà commencé une colonisation insidieuse laquelle permettra un jour de réclamer comme chinois des lambeaux de territoires russes. Il y a des précédents récents : le Tibet pour qui aurait la mémoire courte (ou les Sudètes du temps d’Hitler). C’est la stratégie du boa qui enserre, étouffe, puis engloutit.
De toute façon, la démographie reste le talon d’Achille de la Russie et ce ne sont pas les modestes mesures adoptées par Poutine qui vont y changer quelque chose à vue humaine. La population, minée par l’alcool et le mauvais état sanitaire, de 144 millions d’habitants va inexorablement décliner vers 110 millions. C’est peu pour tenir un immense territoire de 17,1 millions de kilomètres carrés, le pays le plus vaste au monde.
Le taux de fécondité est imperceptiblement remonté, grâce aux mesures opportunes de Poutine. Mais reste obstinément proche de 1,7 enfant par femme, soit bien inférieur au taux de 2 nécessaire pour simplement assurer le renouvellement de la population à un niveau identique. Or, la Russie possède le plus vaste territoire national au monde, bien devant les USA, le Canada et la Chine. Cela ne peut manquer de susciter à terme bien des convoitises, surtout chinoises.
La conclusion manifeste est qu’au lieu de s’opposer ou d’affaiblir la Russie, l’intérêt stratégique de l’Europe et des USA est de peser de tout leur poids pour lui venir en aide. Car la Russie est, qu’on le veuille ou non, notre allié stratégique naturel de demain, comme avant 1914. Mais allez donc faire comprendre cette évidence aux cervelles obtuses de nos responsables politiques qui n’ont jamais consulté une carte ni les prévisions démographiques. Ils vivent le nez dans le guidon, sans vision géostratégique de long terme, aux écoutes des dernières nouvelles de « google actualités ».
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