Le rejet de la Turquie réconcilierait eurosceptiques et européistes…
La Sublime Porte se caractérise par un activisme soutenu aux fins de rentrer dans l’Union européenne, quitte à en forcer les portes, via le puissant levier migratoire que lui a inconsidérément abandonné l’Allemagne en rançon de sa lâcheté. Néanmoins, peu au sein du Babel bruxellois s’essayent à mettre en balance les intérêts de l’UE face à ceux de l’ogre d’Anatolie.
Les zélateurs européistes, comme leurs relais technocrates de la Commission ou de la Cour de justice, passent donc à côté d’une réflexion majeure sur le devenir d’un projet qu’ils sont censés défendre bec et ongle. Quant aux eurosceptiques, ils seraient bien avisés de s’en emparer, faute, demain, de tout perdre, l’Europe et la nation.
« La question est de savoir où est l’intérêt de l’UE, au-delà de sa prétention un peu naïve à vouloir grandir toujours davantage. (…) Il est étrange que l’UE, face à la Turquie, maintienne la fiction d’une adhésion souhaitable, se questionne longuement sur les dérives possibles du régime et sur le sort des rebelles kurdes, mais ne s’interroge pas sur sa propre capacité à partager la destinée d’un État qui se bat en Asie » (Jean-François Cavin, La Nation-Journal vaudois, 10 juin).
L’UE est affectée d’une tare congénitale : jamais, depuis sa fondation, elle ne s’est penchée sur la définition nécessaire et quasi ontologique des critères historico-culturels pouvant spécifiquement la faire accéder au rang d’entité politique à part entière, à l’instar d’autres empires comme les États-Unis ou la Chine. Ce travail était d’autant plus indispensable, sinon impérieux – parce que vital –, que « l’Europe, sans doute plus que tout autre continent, n’est pas une donnée géographique naturelle. Elle fait partie d’un continuum euro-asiatique tant humain que ‘‘naturel’’. ‘‘Simple péninsule de l’Asie, ses limites orientales restent arbitraires. On peut même discuter de ses limites occidentales et accepter ou non d’y rattacher certaines îles’’, explique Jean-Baptiste Duroselle » (Dupin Benoît, « La Turquie en Europe : imaginaire et politique », Les Temps Modernes 2/2003, p. 44)
À l’évidence, en accueillant la Turquie en son sein, l’UE s’expose-t-elle au risque vraisemblable d’imploser sous les coups de boutoirs d’une nation ayant pour elle le dynamisme et la vigueur d’une religion politique, l’islam, qui lui confèrera (imposera ?), volens nolens, le supplément d’âme identitaire et spirituel qui lui fait structurellement défaut, depuis son origine.
La présence de populations allogènes disséminées dans tous les États membres – dans des proportions calculées selon un seuil critique, lui-même indexé au seuil de tolérance des peuples-souches – constitue, à cet égard, un facteur actuellement sous-évalué, pour ne pas dire nettement occulté, pour cause de malaria fascista. Or, c’est par cette brèche que la Turquie accomplira sa pleine et entière intégration politique au sein de l’UE. Elle aura, dès lors, beau jeu d’arborer le doux visage d’une européanité avenante d’autant plus superficielle qu’elle sera instrumentalisée à dessein.
Il serait dangereusement naïf de penser qu’Ankara, une fois membre du club bruxellois, s’en tiendra pour définitivement dit. Il est à redouter, en effet, qu’elle ne s’arrête pas en si bon chemin et veuille en revendiquer le leadership, forte, en l’occurrence, de sa démographie. Personne n’imagine qu’avec une telle puissance de frappe, qui plus est, amplifiée par les diverses caisses de résonnance que constituent autant la diaspora que l’Oumma – dont cette dernière est partie intégrante –, un beau jour, le Grand Turc se retrouve en situation de peser substantiellement sur le cours de la politique européenne.
Pour en faire quoi ? Évidemment, seul l’avenir le dira. Il sera sans doute trop tard.
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