L’Autriche, pays protecteur du Sud-Tyrol
Dans mon essai publié en mai dernier, L’Europe des peuples face à l’Union européenne (éditions L’Æncre), j’ai évoqué, en quelques lignes (pp. 53-54), le cas de la région du Haut-Adige (ou du Sud-Tyrol), appelée, administrativement par les autorités italiennes, la province autonome de Bolzano, qui n’est autre que la capitale de ce territoire largement autonome partie de la péninsule.
Pourquoi ce territoire, limitrophe au nord et à l’est de l’Autriche (Tyrol et Salzbourg), à l’ouest de la Suisse (Grisons), au sud-est de la Vénétie (province de Belluno), au sud de la province autonome de Trente (Trentin) et au sud-ouest (par le col du Stelvio) de la Lombardie (province de Sondrio) pose-t-il question aujourd’hui ?
Au cœur des Alpes, partie des Dolomites, la province autonome italienne regroupe 500 000 habitants répartis sur une surface territoriale de 7 400 km 2.
Ce territoire est devenu italien seulement après la Première Guerre mondiale ; cet ancien territoire de l’empire Austro-hongrois des Habsbourg a fait l’objet, par les Alliés, d’une promesse au profit des Italiens en cas d’entrée dans la guerre contre Berlin, en 1915 et, bien évidemment, de victoire ultérieure. Ce qui fut fait et ce territoire a fait l’objet, jusqu’en 1946, d’une « italianisation ».
Près de cent ans après la victoire des Alliés, 70 % de la population est toujours germanophone et les partis réclamant plus d’autonomie ou l’indépendance, voire le rattachement du territoire à l’Autriche, représentent, peu ou prou, le même niveau électoral lors des élections au Conseil de la province (le dernier scrutin a eu lieu en 2013).
Ce qui vient d’évoluer, depuis la parution de mon essai, c’est la décision du nouveau gouvernement autrichien, composé d’une union des droites entre conservateurs (ÖVP) et populistes (FPÖ) d’accorder un passeport autrichien à 350 000 résidents du territoire, c’est-à-dire aux germanophones.
Sur place, le paysage politique n’y est pas opposé, bien au contraire, puisqu’il s’agit d’une revendication du parti majoritaire et d’autres mouvements, également représentatifs de la population. La province est dirigée, depuis sa création, par le Südtiroler Volkspartei (SVP), qui défend la majorité de langue allemande et la minorité de langue ladine (30 000 personnes). Ce parti populaire démocrate-chrétien siège avec la droite européenne, c’est-à-dire avec les conservateurs autrichiens à Bruxelles (il y eut un élu SVP jusqu’en 2014) tout en soutenant la gauche italienne lors des élections nationales (le Parti démocrate italien). Outre ce mouvement, qui représente près d’un électeur sur deux et qui dirige le Conseil de la province autonome de Bolzano (où il a longtemps d’ailleurs obtenu la majorité absolue), d’autres mouvements sont germanophones. Considéré comme plus à droite et plus proche de l’Autriche, le parti Die Freiheitlichen (les Libéraux) représente 18 % des suffrages exprimés. Encore plus radicaux car favorables au rapprochement avec l’Autriche, le Süd-Tiroler Freiheit est un parti politique régionaliste et indépendantiste fondé en 2007 qui s’auto-déclare « mouvement » et non parti et dont l’objectif est le rattachement de la province autonome de Bolzano au Land du Tyrol (et donc, par voie de conséquence, l’Autriche elle-même), qui serait alors ainsi réunifié, ce mouvement représente 7 % des suffrages exprimés. Les partis nationaux italiens représentent des scores modestes, voire faibles : 9 % pour Les Verts, 7 % pour le Parti démocrate, 3 % pour la Lega ou 3 % pour le Mouvement 5 Étoiles… Bref, vous l’avez compris, autonomistes, indépendantistes et rattachistes pro-Autrichiens forment, largement, la majorité électorale du territoire.
De plus, ce territoire est déjà largement autonome, notamment fiscalement puisque le statut du territoire permet de conserver 80 % à 85 % de ses recettes fiscales. Cette décision du gouvernement autrichien permet de rapprocher, un peu plus, ce territoire germanophone de l’essence de la grande majorité de sa population.
Contrairement à la Corse, dont le Conseil exécutif de l’Île de Beauté en a fait la demande, la province de Bolzano dispose de deux langues officielles (la fameuse co-officialité linguistique), l’italien (puisqu’ils sont Italiens) et l’allemand. En outre, la population a obtenu un système d’éducation spécifique (une espèce de droit local), une répartition au prorata des emplois publics selon l’appartenance culturelle d’origine (une forme de préférence fondée sur l’ethnos culturel, fondé sur la langue commune). Le Conseil au pouvoir dispose de larges pouvoirs, à l’exception des domaines régaliens : police, justice, immigration, défense nationale, qui restent du domaine de Rome.
Cette région est la plus riche d’Italie par habitant, elle connaît ce que l’on pourrait appeler le plein-emploi (4 % de demandeurs d’emploi). Les étudiants Sud Tyroliens passent plus souvent de l’autre côté du col du Brenner que dans la « botte italienne »…
Toutes ces raisons, à la fois historique, géographique, culturelle et démocratique, font que la décision du nouveau chancelier autrichien, Sebastian Kurz, ne choque pas au cœur des Alpes italiennes germanophones et germanophiles.
Bien sûr, le principe de l’intangibilité des frontières, fondement du droit international, risque d’être remis en cause. Mais ce qui fut bon lors de la dislocation de la Yougoslavie, de la Tchécoslovaquie, de l’URSS ne pourrait-il pas l’être lorsque la population a fait un choix clair, distinct du statu quo ante ?
Le gouvernement autrichien fonde sa décision d’octroyer un passeport sur le caractère linguistique, véritable ferment de l’identité d’un peuple. Effectivement, une nation peut-être constituée de plusieurs langues (Suisse et Belgique par exemple) et l’utilisation d’une langue commune est un véritable ferment d’unification des peuples, qu’ils se soient préalablement constitués en États nations ou non.
Quoi qu’il en soit, cette proposition de passeport autrichien reste facultative mais on peut penser que l’Autriche est la puissance protectrice de la région, comme le pense une grande majorité de la population du Sud-Tyrol.
Subsidiairement, la politique « italienne » du nouveau gouvernement autrichien peut poser problème au groupe Europe des nations et des libertés (ENL) au sein duquel siègent des députés européens du FPÖ et de la Lega italienne. Mais, une nouvelle fois, la volonté d’un peuple, a fortiori inscrit dans l’histoire, la géographie, la langue, doit-elle s’arrêter à la frontière établie et imposée par le droit militaire des vainqueurs ?
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