Israël va-t-il perdre son âme ?
Israël, depuis sa création en 1947, a toujours été un pays d’exception. C’est encore le cas aujourd’hui. Mais dans le mauvais, voire le pire sens du terme.
Quel pays civilisé, de nos jours, pourrait se permettre, comme le 14 mai dernier, de faire froidement abattre par son armée, « pour défendre ses frontières », s’il vous plaît, 62 gamins palestiniens désarmés, braillards et turbulents, car désespérés, et d’en blesser 1 500 supplémentaires, en prime, sans être mis, dans l’instant, au ban des nations et cela sans que la communauté internationale n’y trouve grand-chose à redire. On voit bien qu’Israël bénéficie d’un traitement à part, comme nulle autre nation au monde, dans l’opinion publique internationale. Ce pays peut se permettre à peu près n’importe quoi, sans avoir rien ou pas grand-chose à craindre ([1]).
Ce privilège immunitaire tient, bien entendu, au fait que la création d’Israël en 1947 a permis d’offrir, aux dépens des Palestiniens autochtones, un territoire national aux rescapés de la Shoah.
Mais il se trouve par un singulier retour de l’histoire des hommes que les enfants et les petits enfants des martyrs de la Shoah ont tendance de nos jours à devenir à leur tour des bourreaux, au petit pied fort heureusement. Il n’est nullement question, du moins, pour l’instant, d’installer des mitrailleuses, ou des mines le long de la frontière de Gaza pour aller plus vite en besogne dans une démarche globale d’élimination sporadique de ces Palestiniens décidément bien gênants.
Évidemment, Israël se trouverait bien mieux à son aise si ces malheureux Palestiniens, bons à rien, disparaissaient une bonne fois pour toutes de la surface de la terre par un coup de baguette magique. Mais, hélas !, ils sont toujours là, et même de plus en plus nombreux. Car ils ont même tendance à se multiplier, comme des lapins, au-dedans comme en dehors des frontières d’Israël.
Car un malheur ne vient jamais seul. Les « trends démographiques » des Israéliens et des Palestiniens vont obstinément dans le mauvais sens. De plus en plus pour les uns, de moins en moins pour les autres.
Et bientôt, les Israéliens seront minoritaires dans leur propre pays. Et alors ? Que va-t-il se passer dans ce pays déchiré ? Une deuxième expulsion massive par la force des Arabes, par exemple vers la bande de Gaza déjà misérable et surpeuplée ? Ou la création d’un deuxième Bantousland pour Arabes, comme aux beaux jours de l’apartheid en Afrique du sud ?
Israël vit sur un volcan démographique et ne le sait pas, ou fait semblant de ne pas le savoir. En fait, cette situation deviendra franchement intenable à terme. C’est inévitable.
Car, pour comble de malheur, les Israéliens d’origine juive ont une fâcheuse tendance à considérer les Palestiniens exactement comme les Allemands d’autrefois considéraient les Juifs dans les territoires occupés, des « untermenshen », des « sous-hommes », tout juste bons à exécuter des tâches subalternes, quitte à être regroupés, strictement cantonnés dans leurs déplacements, ou même mis hors d’état de nuire s’ils deviennent trop gênants.([2])
Le mépris de l’autre n’est jamais de bon conseil ni de bon augure.
À moins que, comme dans la Bible, la foudre divine ne vienne frapper ces Cananéens d’un nouveau genre pour mettre un terme brutal et définitif à leur présence inopportune sur le sol sacré d’Israël.([3])
On peut être assuré qu’un leader extrémiste comme Bennyamin Netanyahu et aussi Donald Trump, le président américain, ce couple infernal, y songent sérieusement (on sait que la fille de ce dernier, convertie au judaïsme, a épousé Jared Kushner un membre éminent du lobby juif américain. Il est devenu un conseiller écouté à la Maison Blanche).
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Mais leurs objectifs ne se bornent pas au règlement du lancinant problème palestinien à coups de matraque. C’est aussi l’Iran qui est dans le collimateur du président américain et de son homologue israélien.
Après la révocation unilatérale des accords nucléaires avec l’Iran, et sous le plus vague des prétextes : on se souviendra utilement à cet égard des pseudo-renseignements opportunément fournis à Georges Bush par les services de renseignement américains sur les effroyables armes de destruction massive à la disposition de Saddam Hussein. On n’en a jamais trouvé la moindre trace après l’élimination expéditive du dictateur irakien.
Leur ambition est ici clairement d’obtenir la mise au pas de ce pays, grâce à de nouvelles « sanctions » renforcées, voire son asservissement pur et simple aux diktats américains. Cela ne sera pas forcément très aisé. Les Iraniens ont de la ressource et la tête dure. Les Européens seront instamment priés de s’y associer, que cela leur plaise ou non, sous peine d’être eux aussi pénalisés.
Le malheur veut qu’il n’est pas aisé de dominer un pays deux fois millénaire de plus de 78 millions d’habitants (et, ce qui ne gâte rien, de 1,6 million de km carrés doté d’une géographie montagneuse inextricable) dont l’histoire a maintes fois démontré la singulière capacité de résilience aux coups du sort.
Pour l’instant, le résultat le plus clair de la démarche de Donald Trump aura été de démontrer, s’il en était besoin, que la parole du locataire de la Maison Blanche ne valait rien. Nul doute qu’à l’autre bout du globe, en Corée du Nord, le petit Kim a pris bonne note de cette orientation avant de réduire en quoi que ce soit ses capacités nucléaires. D’où les incertitudes du fameux sommet qui devait tout régler entre les deux hommes.
Nul doute qu’une opportunité historique de mettre un terme à une confrontation latente depuis plus d’un demi-siècle en Corée a été ainsi sottement jetée aux orties. L’histoire ne repasse pas deux fois les plats. À quoi bon un sommet entre deux partenaires dont on sait que l’un des deux est un instable sans scrupule. Le bluff peut marcher sur le marché immobilier américain mais pas dans les relations géopolitiques. Les règles et les enjeux sont différents.
Par ailleurs, si l’Iran était tenté de posséder l’arme nucléaire, il ne fait guère de doute que face à un Trump provocateur et déséquilibré, cette envie deviendra irrésistible, ne serait-ce que par instinct de survie et par précaution. Or il se trouvera bien de par le monde, tôt ou tard, quelque pays scélérat soucieux d’arrondir ses fins de mois ou simplement trop heureux de créer de nouveaux ennuis à l’Amérique détestée, et à Israël son séide au Moyen Orient, pour aider l’Iran à se doter de l’arme atomique. Autrement dit, à terme, la démarche américaine est condamnée à l’échec.
Or, en cas de conflit nucléaire, il n’y a que deux protections : une immense population ou un immense territoire. Israël n’a ni l’un ni l’autre. Son territoire est minuscule et sa population réduite (8,2 millions pour 20 770 km carrés). Il formerait une cible parfaite. En fait, en cas de conflit nucléaire fort heureusement hautement improbable, ce pays cesserait pratiquement d’exister. Il serait de facto rayé de la carte. Et en route pour une nouvelle diaspora millénaire.
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Mais, pour l’instant, pour Israël, c’est un autre péril beaucoup plus immédiat et aussi grave qui le guette. Ce pays merveilleux est en grand danger de perdre son âme sous les coups de boutoir d’un dirigeant sans scrupule, Benhyamin Netanyahu, qui flatte sans vergogne les pires instincts d’une population émotionnellement fragile, et de Donald Trump, un président américain à l’esprit manifestement dérangé.
Le problème est que Trump passera sous le radar de l’actualité, peut-être plus tôt qu’on ne le pense. Mais les problèmes géopolitiques d’Israël persisteront.
Jusqu’à présent, ce pays exceptionnel a été protégé par un triple rempart, à savoir une armée conventionnelle qui compte parmi les meilleures au monde, la détention non officielle, mais bien réelle, de l’arme atomique([4]), et aussi et surtout l’affection et le respect que lui vouait la communauté internationale. Jusqu’à aujourd’hui.
C’est ce dernier rempart qui est en passe de s’effriter. Ce pays « pas comme les autres » devient peu à peu « un pays comme les autres », sinon « pire que les autres », sous le double impact d’une sorte d’« hubris » nationale doublée d’une arrogance peu commune. On ne peut guère respecter les assassins d’enfants. Ce pays est peut-être en train de perdre son âme. Il serait temps que les forces vives spirituelles d’Israël, singulièrement discrètes jusqu’à présent, (en fait depuis l’assassinat de Yitzhak Rabin « sur ordre de Dieu » en novembre 1995) se réveillent et fassent à nouveau entendre leur voix avec force. Car il est permis de se demander si Israël n’est pas désormais menacé par une forme subtile de fascisme.
Sinon il est à craindre que la colère divine ne vienne un jour ou l‘autre s’abattre sur ce peuple trop fier, trop sûr de lui et de ses droits, comme tant de fois dans l’histoire d’Israël que nous conte la Bible.
« Ce peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur » disait déjà le Général De Gaulle.([5])
Mais Israël croit-il encore au Dieu de la Bible ? Rien de moins sûr.
Notes
(1) Sort d’ivresse d’un vainqueur qui se croit tout permis.
(2) Il faut bien reconnaître que le caractère émotif et volatil des Arabes a quelque chose d’agaçant. Mais qu’y faire ? Ils sont comme ça.
(3) Ironie de l’archéologie, on sait que les Juifs sont les descendants directs des fameux Cananéens, en principe éliminés selon la Bible, en fait purement et simplement assimilés.
(4) Son usage serait comme à Massada le refuge ultime d’une nation en grand péril de disparaître.
(5) Conférence du 27 novembre 1967.
[1] Seul Emmanuel Macron a réagi en déplorant un réaction disproportionnée. Mais silence radio du côté allemand ou anglais, signe des temps.
[2] Il faut bien reconnaître que le caractère émotif et volatil des Arabes a quelque chose d’agaçant ; Mais qu’y faire ?.Ils sont comme ça.
[3] Ironie de l’archéologie, on sait que les Juifs sont les descendants directs des. fameux Cananéens, en principe éliminés selon la Bible, en fait purement et simplement assimilés.
[5] Conférence du 27 novembre 1967
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