4 novembre 2022

En 1962 l’Afrique Noire était mal partie, mais dans quelle destination ?

Par Euro Libertes

En 1962, alors que s’achevait un détricotage accéléré de la colonisation, l’agronome René Dumont, pourtant étiqueté « progressiste », publiait un livre « L’Afrique noire est mal partie ». Il y analysait les handicaps de ces États nouveaux : incompétences et corruption de leurs cadres.

« J’ai toujours annoncé à mes amis africains que l’indépendance pour laquelle nous luttions, serait le début de leurs difficultés. »

À croire que des nostalgiques de l’empire colonial, lui avaient soufflé ce texte.

Parmi ceux-ci, Guy Georgy, un haut fonctionnaire qui avait aimé passionnément ces contrées et leurs populations. Dans un entretien accordé au Point (16 avril 1994), il confirmait cette prophétie : « L’Afrique, nous l’avons assassinée avec nos utopies. Il fallait continuer à structurer ces pays pour leur permettre de rentrer dans la communauté des nations. Il fallait continuer les efforts pendant au moins deux ou trois générations. On a lâché les Africains dans la nature, ils se sont perdus. »

Le futur premier président de la République ivoirienne, Félix Houphouët-Boigny, ne disait rien d’autre lorsqu’il évoquait sa création : « Qu’est-ce que l’Afrique ? Qu’est-ce que la Côte d’Ivoire ? Soixante tribus qui ne se connaissaient pas, qui n’avaient pas les mêmes dialectes, qui n’avaient pas la même façon d’organiser leur société. Les villages, tous les vingt-cinq kilomètres, étaient aussi éloignés que le Portugal de la Russie. Ces hommes, grâce à la colonisation, ont constitué un embryon de nation. Donc grâce à la colonisation, il y aura demain une nation ivoirienne. »

C’est ce même Félix Houphouët Boigny qui, quelques années plus tard confiait à Jacques Foccart, le sulfureux secrétaire général aux Affaires africaines et malgaches du président de Gaulle : « Les Anglais avaient été attentifs à coloniser des territoires riches et ils se sont beaucoup occupés de les mettre en valeur… Les Français se sont moins souciés de trouver des richesses et de les exploiter, mais ils ont associé les indigènes à la direction des affaires politiques jusqu’aux échelons les plus élevés ; ils les ont initiés à la gestion d’un État et à la mise en place de structures modernes. »

Pourquoi l’intelligentsia parisienne s’entêtait-elle à dénoncer un colonialisme français exploiteur et quasi-esclavagiste alors que des voix africaines s’élevaient déjà pour faire éclater la vérité.

Que n’écoutaient-ils pas l’écrivain ivoirien Amadou Kourouma, prix Goncourt des lycéens, on ne peut plus explicite dans son constat chirurgical : « Nous attendaient le long de notre dur chemin les indépendances politiques, le parti unique, l’homme charismatique, le père de la nation… Puis les autres mythes : la lutte pour l’unité nationale, pour le développement, le socialisme, la paix, l’autosuffisance alimentaire. Salmigondis de slogans qui à force d’être galvaudés nous ont rendus sceptiques, pelés, demi-sourds, demi-aveugles, aphones, bref plus nègres que nous l’étions avant et avec eux. »

Le Père de Foucauld, un doux rêveur, affirmait que « coloniser, c’est élever intellectuellement et moralement ». À d’autres ! Et pourtant… Un chef d’État africain avait sollicité curieusement Jean-François Deniau, alors ministre de la coopération : « Je ne peux pas te le demander officiellement. Officiellement je dirai même le contraire. Mais si tu es un ami, trouve-moi des anciens administrateurs coloniaux. Eux, à la différence de ces jeunes technocrates qui se disent de gauche et tiers-mondistes, eux au fond ne nous méprisaient pas. »

Ces jeunes technocrates ont vieilli. D’autres leur ont succédé. Rien n’a changé. Et des héritiers de nos lointaines victimes de cultiver sous serre le complexe de l’affreux colonialiste qui nous colle à la peau. C’est un journaliste nigérian, Peter Enaharo qui l’exprime le mieux : « Nous sommes devenus experts à éveiller la conscience de nos anciens maîtres coloniaux. Parlons net, nous avons exercé un chantage infernal sur l’Europe occidentale. C’est un procédé tellement merveilleux pour se procurer l’aide étrangère… Le temps est venu pour l’Afrique de devenir adulte… ».

Si en 1962 l’Afrique noire était mal partie où est-elle parvenue aujourd’hui ? La question ne se pose même plus quand on voit le nombre de ses ressortissants s’échouant sur les rivages européens.

Des humanistes labellisés fréquentables prétendent qu’ils fuient des pays ruinés, dévastés, incapables de leur assurer un minimum vital. Leurs aînés prétendaient pour leur part que la France Coloniale pillait leurs richesses et se nourrissait de leur abondance. L’Afrique, un Eldorado ou un glacis de latérite ? Cherchez l’erreur ! Il serait tant pour eux d’accorder leurs violons avant d’interpréter pour la nième fois la symphonie pathétique du Colonisé exploité.

Marcher dans la repentance est une faute d’inattention. Y retourner à pieds joints relève de la scatologie.

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