Après le Brexit
par Yves-Marie Laulan.
La sortie de l’Angleterre de l’Union Européenne a-t-elle l’importance que la presse lui accorde ? Oui et non.
En premier lieu, quelle mouche a donc piqué le malheureux Cameron d’organiser ce malencontreux référendum si éloigné des traditions politiques britanniques, alors que personne ne lui demandait rien. Son objectif était d’écraser dans l’œuf une opposition vagissante au sein de son propre parti. Affaire réussie : c’est ce que l’on appelle « se tirer proprement une balle dans le pied ». Et il ne s’est pas raté. Le voilà débarqué de son propre parti et, sans doute, de toute vie politique. Mais il pourrait sans doute, horresco referens, être élu député européen.
En fait, la leçon de l’histoire maintes et maintes fois démontrée, est que le référendum est un piège à sots qui fonctionne le plus souvent à l’encontre de l’homme politique qui a cru avisé d’y avoir recours. En témoigne le référendum d’avril 1969 qui a mis prématurément fin à la carrière politique du général De Gaulle.
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En soi, cet « événement » n’a que des dimensions restreintes, lesquelles, pour l’essentiel, concernent la Grande-Bretagne elle-même. Cette dernière, au train où vont les choses, après l’Irlande, risque fort de perdre l’Écosse, de plus en plus agacée par les prises de position contrariantes de sa grande voisine, mettant fin à quatre siècles d’union politique (l’acte d’union date de 1707).
Dès lors, l’Angleterre (environ 5 % du PNB mondial) se trouverait ramenée de plusieurs siècles en arrière, du temps de la reine Anne. Ce serait une Angleterre croupion. Elle resterait quand même devant la République de Monaco et le Lichtenstein.
D’ores et déjà, la Grande-Bretagne a payé le prix fort de cette saute d’humeur saugrenue avec le décrochage de la livre et le risque de voir filer à l’étranger nombre des activités financières qui constituent désormais l’alpha et l’oméga de l’activité économique de la Grande-Bretagne. Il y a belle lurette que l’on ne fabrique plus ni motos, ni voitures, ni tracteurs en Angleterre (sauf sous licence étrangère et avec des capitaux étrangers. L’industrie manufacturière britannique est à l’agonie).
Par contre les boutiques de « fish & chips » à tous les coins de rue sont florissantes et les turbans Sikhs ou Turcs tourbillonnent partout.
Ce pays a vraiment descendu une à une toutes les marches de la cohérence interne qui caractérise une grande nation, abandonnant au passage une bonne partie de sa dignité, de sa fierté et même de son identité nationale.
À titre d’exemple, le nouveau maire de Londres, Sadiq Khan, qui a remplacé Boris Johnson, cet agité à chevelure d’albinos et avocat forcené du Brexit, est un brave Pakistanais au teint basané et, bien entendu, musulman ! Sait-on s’il a prêté serment sur la Bible ou sur le Coran ? L’histoire ne le dit pas. Dommage.
Ce n’est pas parce que les Londoniens se sont massivement convertis à l’islam, mais tout simplement parce que les Pakistanais ont envahi les rues de Londres au point d’en constituer une forte minorité. Sait-on que 37 % des résidents londoniens ne sont pas nés en Grande Bretagne ?
Que Sadiq Khan soit un très brave homme n’est pas la question. Le problème est qu’il soit pakistanais et musulman.
Et tôt ou tard, ces questions de majorité « religio-démographiques » allègrement glissées sous le tapis ont tendance à ressortir et à peser lourdement sur la vie politique du pays et sur le fonctionnement de la société civile. Ce sont des bombes à retardement démographiques.
L’Angleterre paie ici des décennies de communautarisme bienveillant et de sentiment national ramené au seul exercice d’un libéralisme extrême.
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Pour ce qui concerne le Brexit, on pourrait avancer que l’événement est moins important en soi que pour ce qu’il pourrait présager, à savoir le démantèlement, morceau par morceau, de l’édifice péniblement assemblé depuis plus d’un demi-siècle, depuis la CECA (la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier) jusqu’à aujourd’hui.
En fait, l’UE, association à dimensions variables, découpée en plusieurs ensembles, selon l’humeur du temps et le goût du jour, « zone euro », « espace Schengen », est essentiellement une union douanière, un espace de libre circulation des biens et des personnes. Mais nombre de pays, et non des moindres, tels la Norvège ou la Suisse, bénéficient des mêmes avantages sans faire partie de l’UE.
L’Union Européenne constitue en quelque sorte la carapace externe « molle » de l’Europe. Elle n’offre pas une protection explicite militaire immédiate comme celle qui est offerte par l’article V de l’OTAN. Mais il est clair que s’attaquer à un pays membre de l’Union Européenne comporterait sans nul doute des conséquences fâcheuses pour l’agresseur. En d’autres termes, l’Union Européenne a un rôle géopolitique incontestable et c’est agir avec beaucoup de légèreté que d’y renoncer, ce que vient de faire la Grande-Bretagne sous le mauvais prétexte de « récupérer » sa souveraineté pleine et entière, laquelle, à vrai dire, n’était guère menacée.
Alors l’UE, à quoi ça sert ? On ne sait pas trop. Mais ce qu’il y a de sûr est que l’UE agace, à défaut d’autre chose.
À vrai dire, si l’UE s’était contentée d’être cela, plus une poignée de subventions dont bénéficient les pays les moins avancés, personne n’y aurait trouvé à redire.
Mais le drame de l’UE est le travail incessant de cette infernale bureaucratie européenne, dix fois trop nombreuse, laquelle sous la férule zélée de Juncker, croit trouver la recette de la création des États-Unis d’Europe, le rêve de toujours, en commençant par la taille réglementaire, selon les normes européennes, des conserves de petits pois et la longueur des rayons de vélos. En d’autres termes, c’est l’Europe par le bas. C’est cette machine à broyer du vent qui nourrit plus qu’autre chose le sentiment antieuropéen.
Il fallait bien occuper ces régiments de fonctionnaires qui s’ennuient à mourir dans un Bruxelles sans doute trop rarement égayé par quelques attentats terroristes. Or, conformément à la loi de Peter, moins ils ont à faire, plus ils sont nombreux, le régime de ces peuples bureaucratiques se mesurant au nombre d’esclaves occupés à ne rien faire et surtout au nombre de mètres carrés de leurs bureaux, signes incontestables de leur puissance et de leur richesse, tels les crânes ennemis qui ornaient jadis la case des chefs africains.
Or, ce sont ces mêmes normes européennes pointilleuses, soigneusement distillées au jour le jour par l’armée sous-occupée des fonctionnaires européens, qui finissent par devenir à la longue un insupportable poil à gratter sur l’épiderme de l’Européen moyen au niveau le plus modeste.
Je connais dans mon village européen un fabricant de fromage local qui réussissait fort bien. Il a été obligé de fermer boutique et de se reconvertir dans l’équipement car le nombre de mouches au mètre cube dans sa fromagerie rustique dépassait les normes européennes. Ah mais ! Le modèle de référence non avoué dans ce genre d’activité artisanale est le village néerlandais propre, astiqué, impeccable qui fabrique en série des produits insipides, mais aux normes européennes.
Le rejet massif de l’Europe qui couve ici et là, se mitonne dans ce genre de marmites bureaucratiques. Outre que l’Europe est totalement désarmée vis-à-vis de la crise des migrants qui ne fait que commencer. Alors à quoi bon l’Europe et ses « micronormes » insensées ?
L’Europe est clairement en crise. Elle se réformera ou explosera.
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Ce que le brave Juncker, dont le physique seul témoigne de sa passion bureaucratique (après avoir couvert pendant des années des activités prospères d’évasion fiscale massive au Luxembourg), semble avoir oublié est que les États-Unis d’Amérique se sont forgés par le fer et par le feu, après 5 années d’un conflit d’une rare violence qui a coûté un million de morts, plusieurs millions de blessés et des destructions de biens innombrables.
Les nations ne se conçoivent que dans la douleur, pas dans le confort moelleux des fauteuils des diplomates.
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Philippe Randa,
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