Les mauvais esprits disent souvent des Polonais qu’ils sont alcooliques ou antijudaïques, voire les deux pour les plus facétieux. Désormais, il convient pour un nombre croissant d’autoproclamés observateurs de la vie politique européenne de stigmatiser aussi leur europhobie… enfin, surtout celle de leur actuel gouvernement, brocardé comme « ultraconservateur ».
La première ministre polonaise, Beata Szydlo, issue du très catholique et réactionnaire mouvement PiS (Droit et justice), n’est effectivement guère tendre envers la direction bruxelloise de l’Union européenne en général… et plus précisément envers le président français Emmanuel Macron depuis quelques jours, mais c’est bien ce dernier qui a ouvert les hostilités, fort peu diplomatiquement, envers la patrie de Frédéric Chopin.
En cause, les tant décriés « travailleurs détachés », cette main-d’œuvre bon marché qui permet à toutes les entreprises européennes d’avoir recours à des salariés du continent payant leurs cotisations sociales dans leur pays d’origine ; des cotisations particulièrement faibles, cela va s’en dire.
Le retour du « plombier polonais »…
C’est donc bien le spectre du « plombier polonais » qui revient hanter la scène politique européenne… quelque douze années après l’avoir déjà défrayée.
Au printemps 2005, en effet, lors du débat sur le projet de traité constitutionnel européen, ce projet de directive européenne (appelée Directive Services) de l’ex-commissaire Frits Bolkestein avait entre autres été dénoncée par Philippe de Villiers : « Cette affaire est très grave, car la directive Bolkestein permet à un plombier polonais ou à un architecte estonien de proposer ses services en France, au salaire et avec les règles de protection sociale de leur pays d’origine. Sur les 11 millions de personnes actives dans les services, un million d’emplois sont menacés par cette directive. Il s’agit d’un démantèlement de notre modèle économique et social » (Interview au Figaro, 15 mars 2005).
C’est dans cette optique que l’actuel locataire de l’Élysée a taclé les pays membres qui prendraient l’UE pour un « supermarché », ne voulant profiter que de ses avantages – soit créer du « dumping social », en faisant « la promotion du moindre droit social » –… sans en assumer ses inconvénients : la Pologne refuse en effet de se voir imposer des quotas de pseudo-réfugiés d’Afrique et d’ailleurs… tout comme les autres membres du désormais célèbre Groupe de Visegrád : Hongrie, République tchèque et Slovaquie…
Emmanuel Macron fustige donc ceux qui « trahir (aient) les fondamentaux européens », tandis que Beata Szydlo lui rappelle les quatre libertés du Marché commun : libre circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux… mais des seuls Européens, membres de l’UE, c’est là toute la différence d’interprétation.
Autre contentieux commercial…
Les relations franco-polonaises n’étaient déjà plus au beau fixe depuis la rupture du contrat d’achat, à l’automne 2016, de 50 hélicoptères militaires français signé par le gouvernement polonais précédent… « Une dénonciation qui s’était faite au mépris des conventions commerciales et des usages diplomatiques et que Paris avait considérée comme un « camouflet » et une « trahison » », rappelle Isabelle Laserre dans les colonnes du Figaro.
Précisons, néanmoins qu’Airbus avait été retenu par le gouvernement précédent pour la phase des négociations exclusives. Le gouvernement PiS a choisi de ne pas signer le contrat ďachat des 50 Caracal, mais il est faux de dire qu’il a rompu un contrat d’achat déjà signé. Ce sont les négociations qu’il a rompues.
Quoi qu’il en soit, cette tension entre les deux pays ne tombe pas au mieux pour Bruxelles, un an à peine après la volonté de sortie de l’Union européenne des Anglais.
Beata Szydlo ne manque d’ailleurs pas l’occasion de rappeler que « ce n’est ni le président de la France ni aucun autre dirigeant qui décidera personnellement de l’avenir de l’Europe, mais l’ensemble des membres de la communauté. […] Nous avons les mêmes droits que la France, que les autres pays membres. »
Et donc les mêmes droits que l’Angleterre avait, elle aussi, notamment celui de claquer la porte de l’Union européenne… La menace n’est pas encore brandie explicitement, mais doit assurément déjà gâcher les nuits de beaucoup de dirigeants bruxellois.
D’autant que la tentative d’Emmanuel Macron d’isoler la Pologne en obtenant le soutien de la République tchèque et de la Slovaquie dans cette affaire des travailleurs détachés a fait long feu.
La solidarité des membres du Groupe de Visegrád est incontestablement une réalité. Un bel exemple que l’Union européenne devrait méditer…
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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.
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Directeur du site EuroLibertés. Ancien auditeur de l’Institut des Hautes Études de Défense Nationale, chroniqueur politique, éditeur (éditions Dualpha, Déterna, L'Æncre, Dutan et Atelier Fol'Fer) et auteur de plus d’une centaine de livres. Il a été sociétaire de l’émission « Bistrot Liberté » sur TVLibertés où il a également co-animé pendant plusieurs années avec Roland Hélie l'émission « Synthèse ». Derniers livres publiés : "Verbatim d'un délire sanitaire" (avec Bernard Plouvier) aux éditions Dualpha et "Jean Picollec l'atypique" aux éditions Synthèse nationale.