9 mars 2017

Mort d’un ambassadeur de France

Par Jean-Pierre Brun

Le 3 mars 2017, nous apprenons le décès de Raymond Kopa. L’information ne peut heurter que des crânes chenus qui, malgré les traquenards d’Alzheimer, se souviennent notamment de « l’Épopée des Bleus » en Suède lors de la Coupe du Monde de Football de 1958.

Pourquoi lui dédier une chronique dans un organe fort éloigné de la chose sportive ? En quoi mériterait-il autant d’égards presque soixante ans plus tard ? Il suffit aujourd’hui de donner un coup de pied dans un bec de gaz pour qu’il en tombe une ribambelle d’adeptes du ballon rond tous plus inintéressants sinon désolants les uns que les autres. Oui, mais… Raymond Kopa est le symbole de ce que nous souhaiterions aujourd’hui en matière d’intégration.

Petit-fils et fils de polonais arrivés en France en 1919, il vit une enfance modeste dans le pays minier. À 16 ans, il descend lui-même « au fond » où, dans un éboulement, il perd le pouce et l’index de sa main gauche. À 21 ans, âge de la majorité, il adopte la nationalité française. Désormais, le brillant footballeur qu’il est devenu et malgré un inoubliable intermède au Real Madrid, restera fidèle à cette équipe de France pour laquelle il ne cessera de vibrer.

Mû par un sens aigu de la justice, il s’engagera dans des actions visant à améliorer le statut des footballeurs professionnels d’alors, régi par des contrats léonins. Son action sera d’ailleurs bien plus profitable à ses pairs qu’à lui-même. Homme de caractère, il ne manquera jamais, quoi qu’il lui en coûte, de tenir tête à quelque sélectionneur retors ne respectant ni le joueur ni la parole donnée.

Homme de fidélité, il reviendra finir sa carrière à Reims pour aider ce club auquel il devait tant et qui connaissait les affres de la relégation en deuxième division.

Aujourd’hui, alors que « Sport » et « Jetset » sont intimement liés dans des scandales qui alimentent généreusement la presse dite « people », l’élite du football ne manquerait pas de « tchatcher » et de « skiper » pour « tailler » le sens de la famille suranné de Raymond Kopa. Souvenons-nous du traitement inique infligé récemment à Gourcuff par Ribéry et les siens qui le considéraient comme un débile trop bien éduqué et trop poli.

Marié en 1953, père d’un garçon décédé d’un lymphome en 1963, et de deux filles, Kopa ne correspond en rien aux critères actuels de la vie en « couple à trois » (voire plus si affinités), en tribus décomposées recomposées (jusqu’à la prochaine fois), avec enfants « sur-naturels » justifiant le versement de pensions exorbitantes…

Sa carrière terminée, Kopa donna de son temps et de son argent dans la lutte contre le cancer (l’une de ses filles en ayant elle aussi souffert). Retiré à Angers, berceau de sa belle-famille et propriétaire d’une villa en Corse, il n’y avait vraiment pas matière à mettre à ses trousses quelques paparazzis de « Gala » ou de « Voici ».

Pourtant qualifier ce traîne-crampons d’ambassadeur, comme vous y allez !

Dans ma jeunesse sportive, j’ai eu l’occasion de pénétrer dans les vestiaires du grand Stade de Reims. Une remarque du Président Henri Germain m’avait marqué lors d’une tournée. À la descente de l’avion et dans le hall de l’hôtel, devant les joueurs impeccablement vêtus d’un pantalon de flanelle grise, d’un blazer bleu marine, d’une chemise immaculée au col cravaté « club », il avait rappelé : « N’oubliez jamais que, si vous jouez sous les couleurs de Reims, vous êtes surtout des ambassadeurs de la France et de sa courtoisie. Je compte sur vous. »

Kopa fut aussi un ambassadeur de France en Espagne. À ce titre, je laisserai la conclusion à Zinedine Zidane, son héritier madrilène le plus connu, qui vit là-bas avec son épouse Véronique et ses quatre garçons Enzo, Luca, Théo et Elyas : « On ne peut dire que de belles choses sur Raymond. Il avait la « carino » (tendresse) de toutes les personnes qui composent le Real… Le Real l’a toujours placé très haut dans son histoire. »

N’est-ce pas là le plus bel hommage rendu à un représentant de la France à l’étranger ?

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Philippe Randa,
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