Le nouvel Âge du Toc
Le premier Âge du Toc fut constaté aux USA, durant les années 1865-1900, dans les tristes suites de la très inutile Guerre de Sécession.
Disons plus exactement cette Civil War, dont, de nos jours, tous les historiens sérieux (on reconnaît bien volontiers que l’adjectif élimine ipso facto nombre d’universitaires et d’académiciens) savent qu’elle fut une guerre de motivations exclusivement économiques, et nullement humanitaires, quoi qu’aient pu en penser diverses opinions publiques désinformées par le très roublard Abraham Lincoln, au comportement d’autocrate mégalomane.
Au décours de cette guerre qui ruina, pour très longtemps, les États du Sud (ou Confédérés), l’on constata une extraordinaire croissance industrielle des États du Nord, grâce à l’exploitation minière et pétrolière et surtout à la sidérurgie, stimulée par l’implantation d’un énorme réseau ferroviaire.
Les Noirs (ou Afro-Américains, comme l’on voudra), théoriquement libérés le 1er janvier 1863 par décision fort opportuniste de Lincoln (puisque l’on était plongé au plus fort de la guerre), se sont vite avérés très peu utilisables pour l’industrie et ont été parqués dans des bidonvilles suburbains, vivant de charité, de petits boulots ingrats et de chapardage. L’activité industrielle fut rendue possible par une reprise massive de l’immigration d’origine européenne.
De façon contemporaine, l’on assista au flamboiement des activités spéculatives tous azimuts de banquiers et de financiers interlopes. Et, dès 1873, l’on connut une première dépression économique induite par une panique boursière liée à l’effondrement de bulles spéculatives, par contagion du Krach (l’on employait alors le mot pour la première fois) de Vienne, Budapest, Berlin et Francfort/Main… les cousinages sont comme toute chose, ils offrent un bon et un mauvais côté.
Pis encore, l’on constata, dans toutes les grandes villes comme dans la capitale fédérale, une ahurissante corruption politique, les rois de l’économie faisant du lobbying à coups de millions de dollars.
C’est pour dénoncer cet état de choses – la corruption politicienne et la spéculation foncière, ainsi que le snobisme des nouveaux riches – et pour constater l’échec du rêve naïf de la « guerre régénératrice » que deux voisins, « Mark Twain » (Samuel Clemens) et Charles Warner, écrivirent en 1873 un roman féroce : The gilded age. A tale of today (le titre n’est pas une référence au mythique Âge d’Or, mais stigmatise un Âge du Clinquant, du Toc).
Le roman reste d’actualité, comme le personnage de Babbit, le snob hédoniste et optimiste, par ailleurs grand travailleur, diffusé en 1922 par Sinclair Lewis. On peut même soutenir que ces deux livres nord-américains résument le triste état mental de nos « élites » du milieu de l’argent. Étant entendu que le personnage du Rastignac balzacien demeure – et pour longtemps encore – l’archétype de l’arriviste, hantant les couloirs des ministères et des parlements.
Il est exact que nous sommes immergés dans un nouveau monde artificiel d’obsolescence dirigée des produits, du matraquage publicitaire et de la course aux petits plaisirs ruineux, dévorant le temps des vacances, de façon à éviter que le moderne trader, l’ingénieur ou l’employé modèle ne se livrent à une désastreuse expérience d’autocritique comportementale et de réflexions personnelles sur le monde tel qu’il est devenu.
La grande différence entre le premier et le second Âge du Toc tient en l’absence actuelle de grand projet éducatif des magnats de la Finance, des super-hyper-riches qui guident les Nations, par pantins politico-médiatiques interposés.
Durant les 35 années qui ont suivi la Civil War, les magnats de l’industrie multipliaient les fondations (universités, bibliothèques, musées, orchestres, hôpitaux) pour accroître le niveau éducatif et sanitaire de leurs compatriotes (entendons : les libres citoyens des USA habitant les villes où les magnats exerçaient leurs talents… nul ne se souciait des « ploucs » du Middle-West ou des Noirs des ghettos).
Ainsi de John D. Rockefeller (pétrole, banques puis sidérurgie ; New York, Pittsburgh, Philadelphie), de John Pierpont Morgan (chemins de fer, banques ; New York et Philadelphie), d’Andrew Carnegie (aciéries de Pittsburgh). C’étaient d’authentiques requins d’affaires, voire de franches canailles, mais ils avaient une certaine fibre populiste, comme plus tard. Tous ces Yankees étaient viscéralement attachés à leur patrie.
De nos jours, les super-riches, infiniment plus cosmopolites, font dans le cirque humanitaire, ce qui ne profite qu’aux potentats (et petitement aux peuples) du Tiers-Monde déjà grands dévoreurs de capitaux du secteur public des États (encore) riches.
Qui se soucie d’accroître le niveau intellectuel des Occidentaux paupérisés ? Qui se soucie de leur redonner l’estime d’eux-mêmes, grâce à un travail utile à la collectivité ?
Le second Âge du Toc est bien inférieur au premier.
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