L’harmonisation du taux d’imposition sur les sociétés en Europe
Le ministre de l’Économie français a récemment estimé qu’une juste imposition des géants du Net, c’est-à-dire le paiement d’un impôt dans les pays où ils réalisent leurs profits, devait être décidée dans des délais raisonnables par l’Union européenne, menaçant d’en tirer les conséquences dans la législation nationale si tel n’était pas le cas.
À l’heure où le budget de la défense nationale est plus que jamais à la diète et où le gouvernement sabre dans de nombreuses lignes budgétaires, y compris dans les dotations aux collectivités locales ou dans les aides au logement, les pratiques d’optimisation fiscale des géants du Net comme Google, Apple, Facebook, Amazon ou Airbnb, qui paient un impôt dérisoire par rapport au chiffre d’affaires impressionnant qu’ils réalisent dans le pays, apparaissent en effet de plus en plus insupportables aux yeux de nos compatriotes et de l’ensemble des Européens. Airbnb aurait ainsi payé quelque 96 000 euros d’impôts en France en 2016, alors qu’il s’agit de son deuxième marché mondial, après les États-Unis.
À l’évidence l’harmonisation fiscale doit être menée à l’échelle européenne afin d’aboutir à une juste imposition des entreprises du numérique, dans les pays où leurs profits sont réalisés.
Une harmonisation, à l’échelle européenne, du taux d’imposition sur les sociétés est dès lors nécessaire. L’Europe doit mettre fin aux divergences des législations nationales, exploitées par les entreprises dans un but d’optimisation, ainsi qu’à la concurrence entre États.
Aujourd’hui en effet, les opérations européennes des géants du numérique ne sont imposables que dans le pays où elles ont implanté leur filiale. Google vient ainsi d’échapper à un redressement fiscal de 1,12 milliard d’euros en France, le tribunal administratif de Paris n’ayant pu que constater que sa filiale irlandaise, responsable de ses opérations sur le Vieux Continent, n’était en effet pas imposable en France.
19 membres dans la zone euro, 19 niveaux de fiscalité différents
L’actuel occupant de Bercy souhaite durcir le ton face à l’optimisation fiscale des géants du Net, tout en réduisant la fiscalité des entreprises, de manière à attirer les investissements en France et ceci est une bonne chose ; lorsque Bruno Le Maire déclare : « L’Europe doit apprendre à défendre ses intérêts économiques avec beaucoup plus de fermeté. C’est ce que fait la Chine, c’est ce que font les États-Unis. Quand vous opérez en France, vous devez y payer des impôts. Vous ne pouvez pas profiter de faire du business en France ou en Europe, sans payer des impôts comme en paient les entreprises françaises ou européennes en France ou en Europe », nous ne pouvons que souscrire.
Bercy souhaiterait ainsi limiter l’impôt sur les sociétés à 25 %, contre 33 % actuellement, « afin de rejoindre la moyenne européenne ». Le ministre de l’Économie estime « qu’on ne peut plus continuer » d’avoir dans la zone euro 19 membres et 19 niveaux de fiscalité différents. On peut seulement se demander pourquoi tant d’années ont été perdues à ne rien faire…
Initiative franco-allemande sur la fiscalité des géants du Net
Le ministre de l’Économie a aussi annoncé une initiative franco-allemande sur le sujet pour la mi-septembre.
Le ministre a néanmoins reconnu que l’OCDE et la Commission européenne s’étaient déjà emparées de ces questions fiscales, mais que tout cela prenait trop de temps et était trop compliqué.
Pour « aller plus vite », le ministre a annoncé le dépôt d’une « proposition franco-allemande au prochain Conseil des ministres européens », qui aura lieu le 15 septembre à Tallin. Il s’agirait d’ajouter un texte spécifique sur la fiscalité du numérique à l’ordre du jour.
« Nous voulons que cela se transforme en proposition de la Commission européenne qui devrait être étudiée au niveau des chefs d’État au conseil européen de décembre », estime le Ministre de l’Économie. Rappelons que les plateformes en question sont pratiquement toutes basées en Irlande, pays membre de l’UE où les taxes sont très basses.
Cette initiative franco-allemande aura pour objectif d’obtenir « une taxation de toutes les plateformes du numérique, de tous les géants du numérique », qu’il s’agisse « de Google, d’Amazon ou de Facebook », a précisé l’actuel ministre de l’économie.
« Chacun doit payer une juste contribution », a-t-il rappelé.
Le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, a pour sa part également estimé que les groupes numériques comme AirBnb, accusés de fuir la fiscalité française, devaient payer des impôts dans l’Hexagone.
« Ce n’est pas normal, c’est choquant », a jugé le commissaire, interrogé sur la radio française RTL quant au faible niveau des impôts payés en France par la plateforme de locations temporaires Airbnb et de rappeler qu’au-delà d’Airbnb, les grands groupes numériques – Amazon, Apple, Facebook, Google… – se voyaient souvent reprocher d’utiliser leur activité dématérialisée pour payer peu d’impôts là où la fiscalité est lourde.
Si cette initiative des autorités françaises est plus que louable, on peut cependant s’interroger sur les nombreuses années perdues, les pratiques fiscales discriminatoires de l’Irlande comme des sociétés concernées n’étant pas nouvelles et créant de véritable détournement de trafic.
La nouvelle clairvoyance du commissaire européen français en charge des Affaires économiques à Bruxelles ne peut être que saluée, mais elle intervient bien tard et ne doit pas nous faire oublier que, plus que jamais, il faudra dans le cadre des négociations sur le Brexit garder un regard acéré sur ce que pourraient être les nouvelles initiatives fiscales britanniques, eu égard au cas irlandais, si d’aventure nous nous orientions vers un Brexit dur.
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