1 juin 2016

Brexit or not Brexit ?

Par Olivier Pichon

Voilà donc que les Anglais vont décider de rester ou de sortir de L’UE le 23 juin. Le moins que l’on puisse dire est que le petit peuple des économistes et journalistes s’emploie, en accord avec la plupart des politiques, à créer un climat anxiogène, alors même que l’opinion britannique semble incliner pour la sortie. À ceux-là s’ajoutent les grands de ce monde, détenteurs de la vérité : Angela Merkel, Barack Obama, le FMI, l’OCDE et Nicolas Sarkozy « totalement opposé » (sic) au Brexit. Le mot ne convenant pas ici puisqu’il s’agit d’une opinion et non d’une décision à laquelle il n’a aucune part.

Politique européenne : un marché de dupes institutionnel

La vraie question, pour les Britanniques, est d’ordre institutionnel. On leur a vendu l’adhésion en 1975 à un grand marché économique, mais les voilà maintenant dans une union politique, doublée d’un déficit démocratique puisque la Commission, non élue, décide de leur sort sur bien trop de domaines. On conviendra que l’argument vaut largement pour la France. Néanmoins, dans le pays qui inventa le parlementarisme, même la classe politique supporte mal que les trois quarts des lois proviennent de l’Europe, la souveraineté britannique n’étant plus qu’un souvenir lointain. Il en est de même pour l’immigration : Nigel Farrage et l’Ukip ne sont pas les seuls à penser que la Grande-Bretagne n’a plus le contrôle de ses frontières ; ceux-là rejettent toute idée d’une politique étrangère commune et, a fortiori, d’une défense européenne commune.

Politique économique. Les dupes du marché européen

Dans la pensée collective des Britanniques, le tonneau des danaïdes grec, combiné au cauchemar de l’invasion migratoire et à la crise de l’euro, donnent de l’Europe une image de naufrage financier dont les Britanniques ne veulent pas faire les frais. Les Britanniques sont confortés par ce fiasco dans l’idée que le choix de rester sur la Livre fut un bon choix. La contribution britannique nette au budget européen s’élève à 11 milliards de livres sterling, somme dont ils pensent pouvoir faire l’économie. Traditionnellement attachés au commerce international et au Commonwealth, les Britanniques aimeraient bien récupérer leur siège perdu à l’OMC ; même la City se verrait bien échapper aux contraintes normatives en matière financière, tant elle s’est déjà construite dans une logique « off shore ».

Apocalypse now pour l’Angleterre ou pour l’Europe ?

Certes, le cas ne s’est jamais présenté encore en Europe, mais est-ce vraiment si grave ? Les économistes prévoient une violente secousse sur les marchés financiers, pas la seule City, mais aussi sur les places financières occidentales. Certains avancent un coût pour la Grande-Bretagne de 78 milliards, le scepticisme est de rigueur face à de telles évaluations. Cameron annonce un risque de IIIe Guerre mondiale, rien que cela !

Néanmoins le Footsie (1) résiste à la baisse depuis l’annonce que les partisans et adversaires sont au coude à coude dans les sondages ; ses performances sont nettement au-dessus de celle de l’Euro Stoxx 50 (2).

En revanche, la livre baisse par rapport au dollar et à l’euro, mais en cas de maintien dans l’Europe, celle-ci pourrait s’apprécier fortement et compromettre les exportations britanniques, alors même que depuis deux ans l’économie britannique a renoué avec la croissance.

En cas de sortie, la dépréciation de la livre aurait des conséquences sur l’enchérissement des coûts des produits importés. Mais la plupart des économistes qui annoncent des difficultés consécutives à la sortie, négligent le paramètre même de la City : elle est un formidable outil de gestion du risque de change à lui tout seul et à l’échelle mondiale.

Patrick Artus, économiste en chef du groupe Natixis parle, en cas de Brexit, « d’une période d’incroyables incertitudes ». Opposé au Brexit, il a néanmoins le courage de dire que l’Europe et, singulièrement la Commission, devrait balayer devant sa porte « pour rouvrir la question du partage des rôles entre la commission et les États qui, sans doute, doivent se réacaparer (sic) un certain nombre de capacités de décisions dans le domaine des normes des règles économiques quand ces décisions n’ont pas de raison d’être prises au niveau global. »

Le voilà touché par la grâce eurosceptique ! Mais c’est là tout le discours des anti-Européens depuis deux décennies. Qu’est-ce qui nous permet de penser qu’en cas de non Brexit, l’oligarchie européenne reviendrait à la raison ?

L’Europe n’est plus dans le tempo historique

Quelle que soit l’issue du référendum, force est de constater qu’un moment vient en histoire où les faits sont têtus, le tempo d’une réforme de l’Europe de Bruxelles semble passé. En témoigne que les opposants au Brexit sont nombreux. Au sein même du gouvernement conservateur, outre Boris Johnson, les ministre de la culture et de la justice se sont prononcés pour le Brexit ; les travaillistes quant à eux sont en position difficile – favorable officiellement, leur leader Jeremy Corbyn, l’est du bout des lèvres –, comptant dans leurs rangs des opposants farouches y compris John Mills, le plus gros donateur du Labour. On aura noté aussi que l’américain Donald Trump s’est prononcé en faveur du Brexit. Ce jugement traduit bien qu’au-delà de la question européenne, c’est la domination d’une certaine oligarchie au service d’une vision du monde qui est en jeu dans ce référendum.

 

Notes

(1) L’indice FTSE 100 ou FTSE ou, de façon familière, « footsie », est un indice boursier des cent entreprises britanniques les mieux capitalisées cotées à la Bourse de Londres. Les quatre initiales signifient Financial Times Stock Exchange.

(2) L’EURO STOXX 50 est un indice boursier au niveau de la zone euro. Au même titre que le CAC 40 pour la France, l’EURO STOXX 50 regroupe 50 sociétés selon leur capitalisation boursière au sein de la zone euro et non pas au niveau de l’Europe ni de l’Union européenne.

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