18 janvier 2023

Un Noël Corse : la Loi de Séparation de l’Église et de l’État pour toile de fond

Par Fabrice Dutilleul

Entretien avec Damien Chiaverini, auteur d’Un Noël Corse (éditions Dutan)

Damien Chiaverini, auteur d’Un Noël Corse (éditions Dutan).

(Propos recueillis par Fabrice Dutilleul).

« Le long XIXe siècle œuvra
à l’expulsion totale du Sacré du champ politique.
En la personne du Souverain, déjà ;
puis, assez logiquement afin de parachever ce coup d’État,
dans le domaine juridique et donc social »

 

Qu’est-ce qui vous a poussé à prendre la Loi de Séparation de l’Église et de l’État pour toile de fond de votre roman ?

La loi de décembre 1905 constitue une césure profonde dans l‘Histoire de France. Certes, un lent processus de sécularisation était à l’œuvre, dès le Moyen Âge. Et l’on peut d’ailleurs soutenir que la construction étatique, elle-même, s’était accompagnée d’une logique de scission progressive entre le Spirituel et le Temporel. Quel autre résultat avait-il prévalu de la Lutte du Sacerdoce et de l’Empire, puis d’une rivalité entre Boniface VIII et Philippe le Bel qui avait culminé dans l’attentat d’Anagni ? Au demeurant, la distinction entre sphères politique et religieuse ne cessa de se renforcer, successivement alimentée par la Réforme et le rationalisme, qui altérèrent, avant de l’abattre, la notion de Monarque, intermédiaire et intercesseur entre l’En-Haut et l’ici-bas. Le long XIXe siècle œuvra à l’expulsion totale du Sacré du champ politique. En la personne du Souverain, déjà ; puis, assez logiquement afin de parachever ce coup d’État, dans le domaine juridique et donc social. Car, en ne reconnaissant plus aucun culte, la République se dispensa définitivement d’établir la moindre corrélation entre les législations qu’elle adopte et le canon de la morale chrétienne. Substituant à ce dernier des « valeurs », fort imprécises et surtout mouvantes, qui accompagnent une évolution allant toujours plus dans le sens d’une réification de l’Homme, lequel, comme cela se constate chaque jour un peu plus, n’est plus considéré comme une création précieuse, faite par Dieu à son image, dotée du libre arbitre, préoccupée de faire le bien et de sauver son âme, mais comme un amas d’organes, prélevables, interchangeables et, surtout monnayables.

Sur cette pente mortifère, engendrée par la vision mécaniste et désincarnée d’une Humanité simple objet de la marchandisation du monde, la loi de 1905 proclama le rejet des garde-fous moraux que près de deux millénaires de christianisme avaient dressés. Elle est un instrument du Capital qui, dans le mouvement qu’il entend imposer à l’ensemble, annule toute antériorité qui prétendrait l’arrêter. Et force est de constater que ce laïcisme forcené n’a pas eu besoin de se manifester en des terres anglo-saxonnes, vouées au mercantilisme le plus absolu depuis les Tudor et, plus encore, la soi-disant Glorieuse Révolution de 1688. Il s’est déchaîné dans une France de très vieille tradition catholique, avant de bientôt s’exporter au régime bolchévique promis à s’emparer de la Russie orthodoxe. Succédant dans les deux cas, avec une accélération temporelle drastique, à la mise à mort du Dynaste sacré. Ce qui établit à quel point le christianisme traditionnel, d’Occident comme d’Orient, gênait le capitalisme, aussi bien en sa version pseudo-libérale, à l’Ouest, que purement étatique, à l’Est.

C’est dire si 1905, qui précède de peu la boucherie de la Grande Guerre, décidée et prolongée par un Capital ne parvenant plus depuis cette époque à résoudre ses crises autrement que par la destruction et la reconstruction, s’avère une date phare.

Pourquoi choisir pour lieu la Corse montagnarde, bien éloignée des débats et du vote des Chambres ?

La France, jusqu’à la Grande Guerre, reste très majoritairement rurale. Ce monde, en apparence immuable, subit donc le bouleversement d’un changement décidé par le personnel politique d’une IIIe République qui ne forme que très nominalement ses représentants. L’acteur majoritaire de cet épisode se constitue donc du Peuple, essentiellement attaché à son mode de vie traditionnel. Ce qui ne veut pas dire qu’un parfait unanimisme prévaut en son sein. Les campagnes de 1905 ne sont plus celles du début du règne de Louis XVI. Des idées nouvelles ont jailli tout le long des précédentes décennies, jusqu’à l’anarchie, qui fait florès à la Belle Époque, et dont le roman brosse quelques adeptes. La réalité villageoise n’est donc pas exempte d’opposition politique. Surtout en Corse, île animée d’une intense passion pour le jeu électoral, lequel ne s’orchestre pas toujours placidement.

L’action se déroule donc là-bas, dans la micro-région de l’Alta-Rocca, au sein du petit village de Mela, clin d’œil à la patrie de mes ancêtres paternels. Mais ce choix n’est pas uniquement affectif. Il repose aussi sur le fait que, à l’instar des habitants des provinces de l’Ouest, les Corses se montrèrent plutôt rétifs à la laïcisation qui leur rappelait de bien vilains souvenirs. Y voyant la réminiscence d’une période révolutionnaire, relativement honnie, où, face à la constitution civile du clergé et à la confiscation des biens de l’Église, nombre d’insulaires prirent le parti des prêtres réfractaires et de la fidélité à Rome. Il faut dire que, depuis les temps génois, 1637 pour être exact, la Corse est dédiée à la Vierge. Et que les chefs indépendantistes se rendirent populaires en réaffirmant cette consécration en 1735 et en prenant pour hymne le Dio vi salvi Regina, qui, depuis lors, résonne avec force lors de chaque évènement.

 Le curé de votre roman se fait donc le fer de lance de la contestation ?

C’est un personnage aussi excentrique qu’attachant. Arrivé, vingt ans auparavant, plein de zèle missionnaire dans sa paroisse, il s’était depuis lors quelque peu attiédi, davantage préoccupé de converser avec une statue de Sainte Cécile, qu’il avait acquise à grand prix, qu’à tenter de raffermir le dogme chez ses ouailles. Des provocations anarchistes et la perspective de l’expulsion de son presbytère vont l’extirper de son petit confort et le muer en guide de la Communauté. Il n’aura pas trop de son temps pour devoir simultanément gérer ses opposants, un maire louvoyant, son groupe de vieilles bigotes et la chorale qu’il crée, sur le chemin qu’il trace pour la Rédemption de ses paroissiens.

Farfelu, lettré, épris de musique, il va « dépouiller le vieil homme » et tendre vers une harmonie retrouvée. S’échinant à grandement et bellement célébrer Noël, il deviendra le truchement par lequel le Merveilleux se distillera.

Un Noël Corse, Damien Chiaverini, éditions Dutan, 365 pages, 35 euros. Pour commander ce livre, cliquez ici.

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