29 juin 2016

Mon prénom est « Écosse »…

Par Richard Dessens

 

La radio Europe 1 est emblématique de la position des « grands » médias français, symbole de l’objectivité de l’information de la presse française. Vendredi, Jean-Michel Aphatie ouvrait son journal sur un pathos larmoyant devant le Brexit et le vote incompréhensible des Britanniques.

Samedi et dimanche l’émission de David Abiker recevait à jet continu et exclusivement des invités atterrés par le Brexit : Sylvie Goulard, députée européenne, Henri de Castries, Président d’Axa, Marie Anne Barbat-Layani, Directrice Générale de la Fédération bancaire française, Maurice Levy, Président de Publicis, qui, outre les arguments économiques habituels des économistes téléguidés, des intellectuels autoproclamés et des journalistes inféodés, avancent deux nouveaux thèmes intéressants. On peut noter au passage que les champions des défenseurs de l’UE sont des financiers. Cela donne le ton, si c’était nécessaire, de ce qu’est l’UE : une Europe de la finance dont le respect de la démocratie s’arrête là où commencent les intérêts des peuples. C’est cela la « nouvelle démocratie ».

Le premier thème repose à la fois sur la manipulation des électeurs (les 52 % qui ont « mal » voté) et sur le fait que 75 % des « jeunes » ont voté pour le maintien dans l’Europe. Curieux argument qui crée d’abord une hiérarchie dans les électeurs : il y a les bons électeurs qui comptent (comme jadis Jacques Chirac parlait en 2002 dans un discours Place de la Nation des « mauvais citoyens » qui votaient pour le Front National) et donc les mauvais électeurs manipulés, plus âgés et plutôt provinciaux, qui ont voté pour le Brexit. Quelle indigence intellectuelle !

Ensuite, devant un tel raisonnement atterrant, comment ne pas rétorquer à ces templiers de la démocratie que ce sont plutôt ces « jeunes » qui sont sans cesse manipulés par des discours de laxisme débridé, de bonheur européen béat, de paix perpétuelle assurée. L’UE financière des multinationales fait le bonheur des jeunes et leur donne ce sentiment de liberté dont la version libertaire est familière à leur jeunesse naïve. Mais là encore l’inversion des valeurs est utilisée, et pour cacher les manipulations des démocraties libérales et financières européennes, on accuse ses adversaires de manipulation lorsque par extraordinaire la victoire leur revient. Ils n’ont pas tort de mettre en lumière que les démocraties modernes ne peuvent faire triompher leurs idées qu’au prix de stratagèmes et d’imprégnations manipulatoires permanentes, soutenus par une presse aux ordres de l’intelligence de la mondialisation imposée.

Le second thème est beaucoup plus pertinent, mais constitue un paradoxe dont ses tenants n’ont pas mesuré la portée. On met en avant, toujours dans ce souci de découper la démocratie en tranche fine, que l’Écosse notamment a voté contre le Brexit à 65 %. Par conséquent l’Écosse doit, par un nouveau référendum, sortir du Royaume-Uni pour réintégrer l’UE. Et le tour est joué !

On ne peut qu’approuver un tel raisonnement. Mais pas dans le sens voulu initialement par ses auteurs. La chute de l’URSS, puis celle de la Yougoslavie, ont favorisé la recomposition de l’Europe centrale en une mosaïque de petits États fondés sur la vieille notion du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Avec l’approbation des démocraties européennes.

Les velléités autonomistes se sont réveillées en Espagne, Italie, Écosse, Irlande du Nord. Que l’Écosse quitte le Royaume-Uni procède d’une nouvelle logique qui pourrait être le fondement d’une Europe Nouvelle bâtie sur le principe : « Mon prénom est Occitanie, mon nom est Europe » décliné dans les 70 ou 80 versions des nations charnelles européennes. Les véritables nations ne sont-elles pas celles des régions, avec leur vivre ensemble et les communautés charnelles ancestrales qu’elles traduisent, sur fond de civilisation occidentale commune ? Ce lent mouvement n’est-il pas engagé depuis 20 ans ?

Désapprouver l’Europe de Bruxelles n’est pas être contre l’Europe, n’en déplaise aux détracteurs de l’UE. Au contraire. Construire l’Europe passe par la destruction de cette Europe des marchands et des financiers. Mais construire cette autre Europe Nouvelle ne peut que déplaire aux puissances financières qui détestent toutes les incertitudes. À commencer par celles nées de la volonté des peuples.

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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.

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