Lionel Baland : Guglielmo Picchi, dans quelle partie de l’Italie êtes-vous élu député national de la Ligue du Nord ?
Je suis élu à Florence, en Toscane.
Donc, la Ligue du Nord arrive à obtenir des voix dans cette partie de l’Italie ?
Oui, ce n’est pas nouveau. La Ligue dispose depuis longtemps d’élus au sein de cette région. La Toscane a une grande habitude d’autonomie. Souvenez-vous de la Toscane des Médicis ! Nous avons six siècles de tradition d’indépendance, depuis la fondation du Grand-duché de Toscane. C’est pourquoi la Ligue du Nord y reçoit toujours de très nombreux votes.
La Ligue du Nord désire-t-elle aussi se développer dans le sud du pays ?
Oui, car nos idées sont très peu représentées là-bas et il y a donc des personnes non représentées politiquement. Nous pensons que nous pouvons étendre vers le sud notre modèle politique développé dans le Nord, tout en gardant à l’esprit que l’ennemi n’est plus à Rome, car le Parlement y a désormais des pouvoirs moindres, mais à Bruxelles. Les temps ont changé. Nous devons conduire une bataille nationale, tous ensemble, contre l’establishment de Bruxelles.
Un autre parti patriotique existe dans le Sud, Frères d’Italie-Alliance Nationale. Pensez-vous que vous pourrez collaborer ?
Nous attendons la publication de la loi électorale régissant le mode de scrutin et nous ne savons pas non plus quand les élections auront lieu. Lorsque ces données seront connues, il est fortement possible que nous travaillons avec Frères d’Italie-Alliance Nationale qui a des idées très proches des nôtres et avec une partie de Forza Italia. Nous pensons que nous pouvons construire avec eux un projet souverainiste basé sur le contrôle des frontières ainsi que sur des idées communes.
Maintenant, il y a en Italie une sorte de bataille entre le dirigeant de Forza Italia Silvio Berlusconi et celui de la Ligue du Nord Matteo Salvini pour le contrôle du centre-droit.
Silvio Berlusconi est un grand dirigeant, il a été le Premier Trump, vingt ans avant Trump. Nous avons été heureux de participer à des gouvernements sous sa direction. Mais, Silvio Berlusconi désire désormais se rapprocher du Premier ministre de centre-gauche Matteo Renzi afin de protéger ses propres entreprises. Pour nous, cela n’est pas acceptable. Nous restons fermement dans notre partie du spectre politique dans les domaines de l’immigration, de l’Europe et de l’euro. Mais, si Silvio Berlusconi désire nous rejoindre dans notre bataille, il sera le bienvenu. Et bien entendu, nous devons décider qui sera le dirigeant de la future coalition.
Que pensez-vous du Mouvement 5 étoiles (M5S) de Beppe Grillo ?
Il s’agit d’un parti anti-establishment, mais qui a essayé il y a deux semaines de rejoindre au sein du Parlement européen le groupe libéral de Guy Verhofstadt, le groupe le plus proeuropéen. C’est un parti qui entretient en matière d’Union Européenne, d’euro et d’immigration des positions instables. Alors que nous tenons fermement sur nos positions en la matière, les leurs changent fortement au fil du temps. Parfois, ils sont contre l’immigration, et puis ils votent en faveur du fait de donner la nationalité à des étrangers.
Il ne faut pas tenir compte de ce que dit Beppe Grillo, mais de ce qu’il fait. Son parti anti-establishment est de gauche et a voté la suppression du délit d’immigration illégale. Ils ont voté l’abolition du délit d’immigration clandestine ! Pour nous, ce n’est pas admissible. Ils parlent beaucoup, mais il faut regarder leurs votes : ils sont la plupart du temps à gauche.
Au sein du Parlement européen, un député du M5S a rejoint le groupe auquel vous appartenez avec le Front National et d’autres partis, alors que d’autres députés européens du M5S regardent vers les écologistes.
C’est un parti d’entre-deux, mais 70 % sont de gauche. Oui, bien entendu, il y a une partie de ce mouvement anti-establishment qui est proche de nous.
Le fait que cet élu du M5S ait rejoint le groupe du Parlement européen dans lequel vous vous trouvez vous pose-t-il un problème ?
Si vous partagez nos batailles, vous pouvez venir avec nous. Nous sommes tolérants. Si vous croyez dans les mêmes choses, vous êtes le bienvenu, peu importe où vous avez été élu, même à gauche.
Quelles régions gouverne la Ligue du Nord ?
Nous sommes au pouvoir en Lombardie, Vénétie et Ligurie. De plus, nous disposons de divers maires.
En Autriche, le parti patriotique FPÖ dirige un Land [un des neuf États] avec les sociaux-démocrates du SPÖ. Pensez-vous qu’en Italie ce soit possible. La Ligue peut-elle gouverner au niveau local ou régional avec la gauche ?
Non, pas parce que nous ne voulons pas gouverner avec eux, mais parce que nous ne partageons pas les mêmes valeurs. Nous désirons donner des réponses aux gens. Nous ne cherchons pas à obtenir des ministères, mais des solutions pour la population.
Oui, mais si un parti de gauche allait dans votre sens en matière d’immigration ?
Ce n’est pas possible. La gauche italienne reste une vieille gauche. Mais, si une gauche anti-immigration apparaissait, nous pourrions voter les mêmes textes. Je suis ouvert à ce genre de chose.
Dans le nord de l’Italie se trouve une partie germanophone. Quelle est la position de la Ligue du Nord par rapport à ce morceau du pays ?
Au Haut-Adige/Tyrol du Sud, les germanophones sont majoritaires et nous devons nous assurer que la minorité italienne n’a pas de problèmes. Cette partie du pays dispose d’une autonomie. Elle est celle qui reçoit le plus de l’État central. Ce n’est pas normal de nos jours et nous devons revoir cela. Cette situation pouvait être bonne en 1950, 60 ou 70, mais est inacceptable de nos jours. Il n’est pas équitable que la Toscane reçoive moins par habitant que cette région.
S’ils organisent un référendum sur l’indépendance, quelle sera la position de la Ligue du Nord ?
Nous avons toujours dit que nous sommes pour le droit des peuples à l’autodétermination. En 1939, il leur a été offert de devenir membres de l’Empire allemand et seulement 800 d’entre eux ont choisi de s’établir de l’autre côté des Alpes. C’est facile pour eux d’être autonomes et de rester en Italie. Si nous leur disons de rejoindre l’Autriche, ils déclareront : « Non, non. Nous voulons rester ici. » Il s’agit plutôt de revendications qui relèvent de la propagande, mais ils savent qu’ils sont mieux en Italie avec leur autonomie que s’ils la quittaient.
Et la partie francophone du nord de l’Italie ?
C’est une petite communauté qui dispose de son autonomie, mais il n’y a jamais eu de problèmes avec eux.
Au départ, la Ligue du Nord a trouvé son inspiration dans cet endroit ?
Oui,… l’idée vient au départ de là [Union valdôtaine]. Et le fondateur de la Ligue du Nord Umberto Bossi a eu l’idée de mettre ensemble divers mouvements autonomistes du nord de l’Italie.
Que devient Umberto Bossi ?
Il siège au Parlement où il est assis juste devant moi. Il a 76 ans et a eu, il y a quelques années, un accident vasculaire cérébral. Il est en forme et poursuit ses activités politiques, mais de manière plus réduite.
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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.
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Écrivain et journaliste belge francophone (http://lionelbaland.hautetfort.com). Il parle le néerlandais (flamand), l’allemand et l’anglais. Il a travaillé dans les parties francophone, néerlandophone et germanophone de la Belgique, ainsi qu’aux Pays-Bas, et a vécu en Allemagne. Il est l’auteur de cinq livres : Léon Degrelle et la presse rexiste, Déterna, Paris, 2009 ; Jörg Haider, le phénix. Histoire de la famille politique libérale et nationale en Autriche, Éditions des Cimes, Paris, 2012 ; Xavier de Grunne. De Rex à la Résistance, Godefroy de Bouillon, Paris, 2017 ; Pierre Nothomb, collection Qui suis-je ?, Pardès, Paris, 2019 ; La Légion nationale belge. De l’Ordre nouveau à la Résistance, collection Le devoir de mémoire, Ars Magna, Nantes, 2022.