En quête de Ieshua alias Jésus
Entretien avec René Marchand, auteur d’En quête de Ieshua alias Jésus, éditions Dualpha, collection « Patrimoine des Religions », 136 pages, 18 euros.
Propos recueillis par Fabrice Dutilleul
D’où vient votre intérêt, sinon votre passion, pour Jésus de Nazareth et pourquoi ce livre ?
Notre civilisation a deux fondements essentiels : le monde gréco-romain et le christianisme (pour la France, précisément le catholicisme), à l’origine duquel est Jésus. Or, j’ai toujours trouvé que ce personnage était présenté par tous, à tous et partout, de manière conventionnelle et sans grande vraisemblance.
Commençons par son apparence physique. Nous ne savons rien sur le sujet. Le trentenaire barbu aux cheveux longs qui nous est familier n’apparaît pour la première fois que quatre siècles après sa mort.
Dans nos temples, les images réduisent la plupart du temps sa vie aux supplices qu’il a subis dans ses derniers jours. Avec les chemins de croix, les murs des lieux de prière et de célébration ruissellent de sang. Disparu le restaurateur de santé, l’ami des femmes, le bon vivant que ses adversaires traitaient de jouisseur ou de goinfre !
Quant à son enseignement, nos catéchismes le confondent avec les dogmes et rituels de l’Église contemporaine, alors que personne ne peut nier qu’ils ont été bâtis pièce à pièce au fil des siècles.
J’ai voulu voir les choses de près, d’un regard froid. Et avec d’autant plus d’intérêt que, au cours du siècle dernier, des chercheurs ont établi que les Évangiles canoniques, textes de référence, ont été rédigés très tôt (en hébreu et en araméen), pour certains passages sans doute par des contemporains ou quasi-contemporains. (Je me contenterai de signaler ici les travaux de Robinson, Tresmontant, Carmignac).
Or, la relecture sans préjugés de ces textes conduit à se poser bien des questions. Par exemple :
Pourquoi la fécondation de la Vierge Marie par l’Esprit saint n’est-elle évoquée que dans les Évangiles de Mathieu et de Luc ? Pas même une allusion dans les deux autres évangiles canoniques !
Pourquoi, dans les récits sur la vie publique de Jésus, sa mère apparait-elle si peu ? En outre, leur relation semble dénuée de toute tendresse, voire de toute chaleur. Étrange, non ?
Vous dites que la plupart des Églises ne seraient que des spéculations hasardeuses et des constructions sans solidité… N’exagérez-vous pas un peu ?
Pour retrouver l’enseignement de Jésus, posons-nous la question : Pourquoi le chef du peuple juif, Caïphe, va-t-il demander la mort de Jésus au représentant de Rome en Israël, et avec quelle insistance, n’hésitant pas à mentir et même à user du chantage ? Certes, l’homme séduit beaucoup de gens, comme l’a montré l’ola lors de sa récente entrée à Jérusalem ; il est un rival en popularité pour le grand prêtre, et d’autant plus que ses activités de guérisseur assurent à chacun que Dieu est avec lui, mais en quoi est-il une menace pour la nation juive au point que le plus haut représentant du clergé demande solennellement et publiquement qu’il soit tué ?
Pour moi, c’est net : Jésus veut mettre fin à la Loi alors que la Loi est la religion d’Israël. Elle est aussi sa structure politique et juridique. Elle est Israël (incidemment, elle permet aux notables de justifier leurs pouvoirs et privilèges).
Le contrevenant a récusé sans appel le sabbat, les interdits alimentaires… Il prêche une religion du cœur, dans laquelle Dieu demande avant tout la foi et l’amour. Où s’arrêtera-t-il ? L’affaire est donc pour Caïphe d’une importance extrême et l’on comprend son acharnement.
Pour répondre à votre question sur les Églises, je dirai qu’aucune n’a rejeté explicitement la religion du cœur, mais toutes – toutes ! – se sont dotées d’une Loi, de commandements, d’interdits, d’une hiérarchie…
Je fais un relevé rapide des dogmes et des règles qui ne peuvent découler de l’enseignement de Jésus, comme La Trinité ou Jésus Dieu. Certains articles m’apparaissent même en contradiction avec cet enseignement, comme la Rédemption : comment imaginer qu’un dieu d’amour envoie sur Terre son fils pour y subir les pires supplices, cela afin d’exonérer les humains des fautes qu’ils ont commises pendant des millénaires et en tenant pour rien son indifférence à lui pendant le même temps ?
Qu’apporte alors de nouveau votre livre ?
J’ai voulu rappeler la vraie doctrine de Jésus par-delà les règlements et les rituels. Cela au moment où, selon les plus hautes autorités des Églises, les chrétiens devraient s’interroger sur le comportement fanatique et souvent criminel de beaucoup de croyants (sincères au demeurant) au long des siècles.
Je fais des remarques, j’émets des hypothèses. Rien de plus. À chacun, croyant, athée ou, comme moi, modestement « agnostique », d’aller plus loin s’il le souhaite. Les premières réactions de lecteurs qui me sont parvenues me donnent à penser que mon petit livre est un bon excitant pour la curiosité et l’intelligence – ce qui me réjouit.
René Marchand, auteur d’En quête de Ieshua alias Jésus, éditions Dualpha, collection « Patrimoine des Religions », 136 pages, 18 euros. Pour commander ce livre, cliquez ici.
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