4 mai 2020

Brasillach à travers le grand écran

Par Rémi Tremblay

 

 

Auda Isarn nous propose de redécouvrir Brasillach à travers le grand écran.

La récente parution de Chronique du 7e art de Robert Brasillach aux éditions Auda Isarn est arrivée à point nommé, soit juste avant le « grand confinement ». Il ne s’agit pas d’une simple réédition d’un livre de cet auteur, dont le succès ne démord pas malgré les années s’écoulant depuis sa mort tragique, mais la réunion de ses diverses chroniques cinématographiques, éparpillées ici et là dans La Gerbe, La Revue universelle et diverses autres publications aujourd’hui disparues.

Brasillach avait la réputation d’avoir, malgré son jeune âge, tout vu, tout lu, ce que confirment aisément ces chroniques. Il n’a raté aucun des films de son époque et peut parler avec autant d’aisance des productions hollywoodiennes que de celles d’Europe.

S’il fut assurément un homme de lettres, il fut aussi un cinéphile passionné, son œuvre maîtresse ayant été son Histoire du cinéma, coécrite avec son beau-frère Maurice Bardèche, qui ne connut pas moins de cinq éditions. Enfermé à Fresnes, c’est à ce livre qu’il pensait, travaillant à sa mise à jour, malgré les barreaux l’empêchant d’apercevoir l’écran.

Brasillach, que ce soit dans sa fiction ou ses chroniques cinématographiques, c’est d’abord une fenêtre ouverte sur une époque révolue et sa culture, qu’il nous convie d’outre-tombe à revisiter. Son grand mérite fut de parvenir à nous traduire cette sensibilité qui lui est propre et qui a fait de lui un auteur si unique.

Il parvient à cerner l’essence de chaque œuvre mouvante qu’il aborde, tout en mettant en lumière sa poésie. Et pourtant, il parvient aussi à décortiquer le travail de chacun, du scénariste au metteur en scène, mettant en relief les forces et faiblesses des différents artisans impliqués. La forêt est appréhendée globalement, puis les différentes nuances des feuillages sont décortiquées avec un œil expert. Peu de critiques peuvent se targuer d’une telle vision d’ensemble, doublée d’un sens du détail aigu. Spectateur souvent émerveillé, il ne faisait pas partie de ces auditeurs béats qui ne demandent qu’à être extraits de leur quotidien.

Pour Brasillach, le cinéma fut l’art de la lumière, des ombres et du mouvement, donc plus proche de la peinture que du théâtre. Mais, c’est peut-être là, l’art de synthèse par excellence, l’art ultime. « Il est un langage, situé au confluent de tous les autres arts, nous écrit-il. Certes, tous les arts se mêlent, débordent les uns sur les autres, il n’y a pas entre eux de cloisons véritablement étanches; mais le cinéma semble les fondre tous en leur ajoutant cependant quelque chose qui est le principal, et qui est lui-même ».

Mais il perçoit l’évolution que prendra le 7e art et il nous met en garde : « Peu d’arts ont suscité une espérance aussi grande que le cinéma, ont paru aussi vastes, aussi capables de traduire tous les thèmes et tous les mythes de l’univers. Aujourd’hui que ses moyens techniques ont fait d’incontestables progrès, ne va-t-il pas falloir renoncer à lui ? Écrasé sous le poids de l’or, il va de plus en plus vers l’abêtissement des foules (…) Nous qui avons aimé le cinéma, et qui ne refusons pas encore de croire en lui, nous sommes bien obligés de l’inscrire au premier rang des ennemis de la civilisation ».

Un simple regard aux titres du box-office actuel confirme ces prédictions.

Le poète regrettait l’avènement du cinéma parlant, remplaçant celui muet de sa jeunesse. On le sent, ce n’est pas tant par passéisme, que parce que ce changement marquait une propre étape dans sa vie, le cinéma de sa jeunesse disparaissant à jamais. De même, il entrevoyait l’arrivée de la couleur avec la plus grande crainte, allant jusqu’à affirmer que « quand le cinéma sera tout entier en couleurs », il n’y retournerait plus. Peut-être sentait-il intuitivement que l’arrivée de ce cinéma, qui s’imposait avec la fin de la guerre avec des titres comme Münchausen, marquerait la fin de la seconde et dernière partie de sa courte existence. C’est donc par nostalgie, pour éviter de tourner la page qu’il se raccrochait au cinéma qui l’avait fait vibrer et rêver.

Ses chroniques s’étalent de 1927 à 1944. Étonnamment, cette guerre qui fait rage autour de lui, on ne la ressent pas. Le journaliste Brasillach, quand il est question de cinéma, parvient à se couper du reste du monde et voit l’art tel qu’il est. On le sent serein dans sa salle de cinéma, malgré la menace sourde à l’extérieur. Il reste impartial, jugeant l’art pour l’art, le critique de cinéma restant insensible au combat de titans se déroulant à l’extérieur de la salle. Il n’est pas étonnant qu’il vomisse toute œuvre de propagande, peu importe le camp qui en était l’auteur.

Pourquoi relire ces critiques, alors que la plupart des films dont il est fait mention sont aujourd’hui oubliés depuis des lustres? D’abord pour connaître une autre facette de la personnalité du poète de Fresnes, mais aussi pour pouvoir adopter à notre tour cette vision de double perspective dont il est doté, nous permettant d’appréhender le cinéma actuel d’une façon plus complète et à la fois plus pointue. Et pour tous ceux qui en ont envie, cet ouvrage peut être le point de départ d’un voyage vers le passé, via les bandes en deux couleurs. Un voyage dont le guide est nul autre que Brasillach qui nous invite à nous plonger dans l’œuvre d’un René Clair ou du « réconfortant » Charlot, ou encore de nous émerveiller devant Le cuirassé Potemkine, Hallelujah ou Le Corbeau. Guidé par un tel sherpa, impossible de ne pas vivre une aventure digne qui en vaut la peine.

Robert Brasillach, Chronique du 7e art, Auda Isarn, 2020, 267 p. Pour commander ce livre, cliquez ici.

Robert Brasillach, Chronique du 7e art, (Auda Isarn),

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