Mesurer la puissance dans sa diversité (I)
À quelle aune mesure-t-on la puissance d’un pays ? La dernière livraison de l’excellente et exigeante revue Conflits (avril-mai-juin 2018) dirigée par Pascal Gauchon propose, de manière inédite des indicateurs multifactoriels de la « puissance globale ». En d’autres termes, comme l’explique son éditorialiste, devant l’insuffisance des classements monistes qui privilégient rarement plus d’un ou deux indices (l’économie, via le PIB et la puissance militaire, par le truchement, notamment, du nucléaire), il convient d’opter pour une analyse qui embrasse d’autres éléments clefs jusque-là dédaignés ou minorés, d’où l’adjectif « global » qui caractérise la puissance d’un pays déclinée en tous ses modes.
Pendant longtemps, l’acier et l’armement figuraient au premier rang des indicateurs de puissance, ce qui pouvait donner des résultats rendus incertains par leur indifférence à l’Histoire et trop contingents d’une approche chiffrée finalement incomplète car négligeant des facteurs sous-jacents, mais déterminants.
Sans prétendre être définitif, le classement proposé par la revue a donc l’insigne mérite de privilégier une grille d’analyse adossée au postulat selon lequel « la puissance est composite. »
Pascal Gauchon et l’universitaire Jean-Marc Holz expliquent que la puissance « dépend de facteurs militaires, bien sûr, mais aussi économiques, techniques, humains… qui interagissent les uns sur les autres. Plusieurs indices existent déjà qui s’efforcent de les quantifier. Le nôtre s’efforce de les dépasser dans la mesure où nous avons intégré de très nombreux indicateurs autour de cinq catégories (populations et territoires, économie, technologie, influence et, bien sûr, forces militaires). Pour chacune, nous avons pris en compte le quantitatif (combien de chars, de diplomates, de richesses…), mais aussi le qualitatif (la formation des habitants, la productivité du travail, l’expérience des combattants). Nous avons surtout mis en avant une sixième catégorie : la cohésion et la stabilité du pays. »
Ce qui confère tout son intérêt à cette lecture tous azimuts réside précisément dans les interactions et interrelations entre tous ses indicateurs que nos deux auteurs affinent en prenant en compte « la cohésion de la société, la stabilité des institutions, le patriotisme [qui] sont des éléments-clefs qui démultiplient les effets des autres catégories et permettent que se développent entre ces dernières des interactions profitables ».
Et d’ajouter que « la puissance combine ainsi de façon évolutive les dimensions géographique, militaire, économique, technique et culturelle. De ces ressorts multiples, poursuivent-ils, aucun n’a perdu de sa pertinence, mais leur architecture est mouvante. Une règle semble, en revanche, intangible : une grande puissance doit en maîtriser la gamme complète. Ce fut le cas de la France au XVIIe siècle, de l’Angleterre jusqu’en 1914, des États-Unis aujourd’hui. »
Étendue à 37 pays choisis, d’une part, parce que certains se reconnaissent implicitement mais nécessairement comme puissants », tels les pays du G20, d’autre part parce que les autres ont développé une idiosyncrasie géopolitique que ce soit par leur influence, leur position géographique ou leurs richesses naturelles, cette métrique à nulle autre pareille de la puissance se veut suffisamment représentative des enjeux de puissance qui dominent la planète.
On sera particulièrement sensible au fait que la méthode retenue ne tienne pas pour quantité négligeable les acteurs non étatiques à rayonnement transnational (ONG, firmes, réseaux sociaux) qui, en dépit d’une autonomie de façade (bien plus revendiquée que réelle), sont particulièrement dépendants des jeux politiques, diplomatiques et géopolitiques de leurs pays d’origine ou d’élection.
À cette enseigne, Gauchon et Holz sont parfaitement fondés à rehausser la place et le statut de l’État souverain que l’on a sans doute un peu trop tendance à remiser dans les poubelles de l’archaïsme géopolitique : « l’État souverain reste au cœur de la question de puissance ; il en est le siège, l’ordonnateur, l’incarnation. C’est lui qui, selon Joseph Nye(1), doit combiner les éléments étatiques et non étatiques en vue de la plus grande puissance possible. Et c’est lui aussi qui peut déchaîner la puissance à son degré le plus extrême. Ce simple fait suffit à contredire tous ceux qui croient que l’État-nation ne décide plus de rien ».
Note
(1) Président du groupe nord-américain au sein de la Commission Trilatérale depuis 2009, on lui doit d’avoir forgé le concept de « soft power » « pour désigner cette capacité d’influencer les décisions, de forger une pensée dominante, d’imposer des normes, de séduire. » (voir le HS n° 7 [printemps 2018] de Conflits consacré au soft power américain, sur lequel nous reviendrons prochainement).
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