Blessé
Réveillé un matin triste aux couleurs d’hiver.
Ne pouvant bouger. La bouche pleine de terre.
Il connaissait trop bien ce profond silence.
Effrayant. La peur le fige. Alors il pense.
A celle qu’il a laissée. A ses enfants, sa vie !
A ses jambes si lourdes, et comme engourdis.
Un peu de bleu du ciel, entre deux nuages,
Lui rappelle son doux pays, sa Normandie.
Les rires de la fête, les joies du mariage.
Elle est si belle ma douce, ma tendre, ma mie.
Il y a si longtemps déjà qu’il est parti.
Ce n’est qu’une affaire de jours, lui avait-on dit.
Bientôt, il sera rentré. La gloire, la victoire.
Mais depuis, c’est la nuit, c’est la peur, et le noir !
Les nuages passent doucement et il entend des bruits.
Impossible de bouger. De crier, de hurler.
Cette peur, plus forte que la douleur qui suit.
Et les bruits se rapprochent. Il entend parler.
Du français ! Ses larmes l’inondent désormais.
Il veut bouger, se signaler, il n’est qu’espoir.
Il n’est plus qu’un râle, une plainte désormais.
Le soleil se lève comme un soleil de victoire.
Ses frères d’armes se rapprochent et vont le sauver.
Il tente de lever ses bras. Aux mains foudroyées.
Réalise qu’on le soulève trop doucement.
« C’est fini mon frère. Tu rentres chez toi maintenant » !
Le ciel magnifique découvre tous les corps.
Comme un éclair, il se souvient de tous les morts.
D’une bataille enragée, il était tombé.
Laissé pour mort. Abandonné et puis sauvé.
Sa vie n’est plus, sa vie d’avant ! Elle est partie.
Avec ses jambes. Partie avec son avenir.
Avec ses mains, en laissant tous ses souvenirs.
Des morts pour la France, et puis un jour l’oublie.
A tous les frères d’armes des tranchées oubliées.
A cette boucherie ! Aux ennemis d’hier,
Devenus amis aujourd’hui. Non, plus de guerre.
Plus de massacre. Et plus de corps mutilés.