Coloniser, décoloniser, pour quoi faire en fin de compte ?
Les décolonisations n’ont pas commencé en 1783 (avec l’accès à l’indépendance des 13 colonies anglaises d’Amérique du Nord et la création des USA), ni en 1947 (avec la tripartition de l’Empire des Indes entre l’Inde, les deux Pakistan et la Birmanie) : on en avait connu dès l’Antiquité.
Carthage s’est détachée sans déplaisir de la Phénicie et les établissements de la Grande Grèce ont assez vite abandonné (au bout de 2 ou 3 siècles, selon les cas) tout autre lien avec Athènes ou Corinthe que celui de la langue et des usages. L’épopée d’Alexandre le Grand a créé les royaumes hellénistiques de Syrie et d’Égypte, qui offrirent d’authentiques apogées intellectuels à ces contrées, où le vulgum pecus fut maintenu dans la haine du maître grec par les ignorantins fanatiques autochtones, singulièrement en Judée.
L’Empire romain a colonisé toute l’Europe occidentale et danubienne, ainsi que le Maghreb et la Mésopotamie, apportant paix et prospérité artisanale et commerciale, en plus d’une technologie brillante. Tout cela fut détruit par les Grandes invasions, puis par l’islam.
Dans ce cas précis – qui ressemble tant à notre présent –, la décolonisation fut extrêmement rude. Les autochtones les plus abrutis et les hordes d’envahisseurs de tous poils se firent une joie de piller, d’assassiner et de violer, de détruire et d’incendier. Les infrastructures urbaines et les voies de communication mirent parfois plus d’un millénaire pour ressusciter : ne serait-ce que pour le tout-à-l’égout, les adductions d’eau potable, les routes pavées (pour ne même pas parler des WC, des trottoirs et des passages pour piétons qui ne firent leur réapparition que très tardivement).
Dans tous les cas, est demeuré vivace dans l’élite intellectuelle le souvenir des humanités : les règles du droit romain, la philosophie et le théâtre grec antique (infiniment plus riche que les divagations des psychanalystes en matière de profondeur psychologique), les chroniques à prétentions historiographiques. Plus rarement, le fanatisme religieux et le vandalisme des bâtisseurs réutilisant de vieilles pierres ont respecté les œuvres architecturales.
La décolonisation des années 1947-1962 a suivi les mêmes schémas que les épisodes antiques. Et l’on savait déjà, par le sanglant épisode haïtien de la Révolution française, quels dégâts pouvaient faire une décolonisation quand dominaient la haine raciale et la plus crasse bêtise.
Quels profits une civilisation évoluée peut-elle tirer du fait de lutter contre les guerres tribales, la pratique de l’esclavage (une constante de toutes les sociétés antiques et archaïques : les Blancs n’ont fait que poursuivre l’exemple dans les Amériques, en n’oubliant pas que l’esclavage fut toujours interdit dans le Canada français), l’anthropophagie (rappelez-vous les Aztèques et les Papous), l’absence totale d’hygiène publique et de travaux d’hydraulique visant à l’amélioration des cultures aussi bien que de la vie privée ?
À quoi bon tirer des populations arriérées de leur torpeur moyenâgeuse (Maghreb, Proche- et Moyen-Orient, Insulinde et Indochine, Amérique centrale et andine), des affres du paléolithique (Afrique centrale, Océanie, Patagonie) ou du néolithique (Amérindiens du Nord, Afrique occidentale) ?
Pour certains, c’est l’appât du gain qui pousse à devenir colonisateur. En fait, les États – soit les organismes qui récoltent et dépensent les impôts et taxes perçus chez les peuples colonisateurs, desquels aucun gouvernement ne prend jamais l’avis – règlent le coût des infrastructures (ou équipements, comme on voudra) et de gros financiers et entrepreneurs du privé exploitent les matières premières pour leur plus grand profit. Seuls les Romains avaient systématiquement créé des manufactures d’État dans leurs colonies ; l’exemple ne fut que rarement et petitement repris par les colonisateurs européens de l’époque moderne.
Il va sans dire que l’occupation d’un territoire à des fins militaires (dans le cadre d’un impérialisme géopolitique) ne peut décemment être appelée « colonisation » que si elle s’accompagne d’une ferme volonté de développer la production économique locale, avec ses retombées sociales sur les indigènes.
Pour d’autres, c’est la satisfaction intime d’imposer leurs dogmes, politiques ou religieux, à des peuplades parfois réceptives : l’Afrique noire est un triomphe pour l’islam, de même que l’Amérique latine fut le terrain de chasse le plus rentable du catholicisme.
Quelques idéalistes béats voulaient faire bénéficier des « lumières de la raison » les nations maintenues dans l’ignorance, la crasse et la superstition.
Dans tous les cas, c’est une mince frange des sociétés dites colonisatrices qui en tire un gain. Pour les colonisés, c’est tout autre chose : tous les êtres intelligents et courageux retirent un énorme bénéfice de la pacification sociale, de la mise en contact avec les sciences et les techniques du colonisateur-apporteur de civilisation, ainsi que de la stimulation de l’activité économique.
Même les abrutis complets et les parasites sociaux parmi les nations colonisées bénéficient des nouvelles conditions médico-chirurgicales et de l’explosion de bien-être matériel.
En principe donc, le colonisateur qui apporte, avec plus ou moins de bonne grâce, les bienfaits du modernisme à des attardés devrait être béni par les colonisés.
En réalité, le colonisé ne développe généralement que de la haine, parfois consécutive à la peur née du contact avec des colonisateurs abusifs : soudards, exploiteurs et autres dégénérés dépourvus de conscience éthique. Le plus souvent, cette haine est réflexe, liée à un nationalisme, un racisme assez peu productifs… quand on est à la traîne, on devrait attendre d’avoir égalé le civilisateur avant de le rejeter. Les émeutes et pillages récidivent à chaque ennui local à Mayotte ou dans les Antilles, prouvant la rémanence de la haine de l’ex-colonisé, même lorsqu’il est devenu citoyen à part entière du pays colonisateur.
In fine : coloniser, ça revient très cher à celui qui offre aux retardataires l’accès à une civilisation supérieure. Le jeu en vaut-il la chandelle ?
C’est à chaque Nation de haute culture intellectuelle et technique d’en décider souverainement. Seul le peuple devrait statuer sur les grandes orientations en matière d’emploi de l’argent public… sûrement pas des politiciens professionnels achetés par divers lobbies financiers.
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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.