Combien de parts de gâteau ?
À en croire l’histoire qu’on apprend à l’école, il en est des Mérovingiens comme des Carolingiens : la décadence des premiers commence dès la mort de Clovis, et celle des seconds dès la mort de Charlemagne !
Dans l’Histoire de la France de Rogié et Despiques, on peut lire que Louis le Pieux « ne put se faire obéir de ses enfants, qui se partagèrent ses États de son vivant en se faisant la guerre ». Formule lapidaire, mais trompeuse. Le partage des États de Louis le Pieux n’est pas la conséquence des querelles de ses fils. Il est vrai qu’ils se disputèrent l’héritage de leur père ; mais c’est parce qu’ils n’étaient pas d’accord avec le partage que celui-ci avait lui-même prévu comme il était de son devoir de le faire.
Mais seul Lothaire hérita du titre impérial. Dès 817, Louis le Pieux l’avait proclamé empereur associé, ses frères Louis et Pépin étant expressément subordonnés à leur aîné. Ils se virent attribuer des territoires périphériques. Il existait même une quatrième part, celle de Bernard, fils de Carloman et donc neveu de Louis le Pieux, qui hérita d’un royaume en Italie. S’étant révolté, il fut mis à mort, si bien que sa part revint elle aussi à Lothaire.
Mais cet équilibre vacilla quand, d’un second mariage, naquit un quatrième fils, Charles le Chauve, dont la mère, Judith de Bavière, poussa l’empereur à faire un nouveau partage. C’est alors que les fils se liguèrent contre leur père. Ils le déposèrent en 832, l’enfermèrent dans un couvent, avant de se brouiller entre eux et de le remettre sur le trône en 835. On revint pour ainsi dire à la situation initiale, sauf que Charles héritait de la part de Pépin, mort entre-temps.
Mais le frère et le neveu de Lothaire s’opposèrent à l’hégémonie qu’il prétendait exercer en vertu de son titre impérial, et, au lendemain d’une bataille fratricide à Fontenay, près d’Auxerre, ils prêtèrent contre lui le serment de Strasbourg (841). Puis de longs marchandages aboutirent au traité de Verdun, en 843. Tout ça donne une impression de grand désordre. Pourtant, ce traité n’entérine pas un dépeçage à grands coups de serpe ou de sabre, mais résulte du travail de cent dix commissaires chargés de faire en sorte que le partage fût équitable.
Comme on raconte l’histoire à l’envers, on se hâte d’appeler les trois parties qui en sont issues Francie, Lotharingie et Germanie. C’est aller un peu vite en besogne. Chaque part se compose de plusieurs royaumes : à Louis, non pas la Germanie, mais une Francie orientale comprenant la Saxe, l’Austrasie, l’Alamanie et la Bavière ; à Charles, non pas la Francie, mais une Francie occidentale, avec la Francie (qui va de la mer du Nord à la Seine), la Neustrie, l’Aquitaine, la Gascogne, la Septimanie, la Navarre et la marche d’Espagne (Catalogne) ; à Lothaire enfin, une partie de la Bourgogne (comprenant Lyon, ancienne capitale des Gaules), la Provence, la Lombardie (voisine de Rome) et une partie qui n’a pas de nom, qu’on appela Lotharingie au Xe siècle seulement, et qui comprend Aix-la-Chapelle.
La part la plus importante, c’est celle-là. Elle finit par disparaître, c’est vrai. Est-ce parce que les descendants de l’empereur Lothaire furent indignes de leur tâche ? Non. C’est parce qu’ils n’eurent pas de descendance.
Les chroniques de Pierre de Laubier sur l’« Abominable histoire de France » sont diffusées chaque semaine dans l’émission « Synthèse » sur Radio Libertés.
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Philippe Randa,
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