Populisme antique : réalité ou fiction (02)
Pisistrate était le chef de la faction populaire des citoyens d’Athènes, du vivant de Solon. Après le départ de son rival, Pisistrate fut élu chef de l’État et régna 19 années, de façon interrompue par deux coups d’État fomentés par les aristocrates. Dans les deux cas, il préféra partir en exil plutôt que de déclencher une guerre civile… vingt-cinq siècles plus tard, Juan Perón imitera son exemple.
Pisistrate fut un chef d’État désigné par la majorité des citoyens, disposant exactement des mêmes pouvoirs absolus, civils et militaires, que Solon, mais les exerçant pour la masse des artisans, des paysans et des marins.
Selon Aristote, il le fit « de façon désintéressée », même si des calomniateurs ont écrit le contraire… (De nos jours, on trouve également de curieux « historiens » pour contester l’absolue intégrité financière d’un Adolf Hitler). Pisistrate n’avait pas besoin de piller les caisses de l’État comme un vulgaire politicien démocrate ou communiste : il était l’heureux propriétaire de mines d’argent. « Il administrait toutes choses conformément aux lois, sans s’offrir à lui-même aucun privilège » (Aristote, Les constitutions d’Athènes, chapitre XVI).
Après avoir dirigé victorieusement la guerre d’Athènes contre sa rivale Mégare, il fonde l’empire colonial athénien sur le pourtour de la Mer Noire et en Mer Égée (Naxos, les Cyclades) et impose la domination athénienne en Attique : il protège le Pirée par la conquête de l’île de Salamine, ce qui permet de dominer le Golfe saronique et d’en éliminer les pirates. Grâce à cette pacification, le commerce devient prospère avec l’Eubée, la Thessalie, la Macédoine et la Crimée.
Pisistrate est un lettré qui ordonne la mise en forme définitive de L’Iliade et de L’Odyssée par Onomacrite et celle du poème d’Hésiode, Des travaux et des jours. Il lance la popularité de la saga de Thésée et de sa descendance. Il accueille les sculpteurs et les peintres ioniens qui fuient la dictature sanglante des Perses. Il instaure les Dionysies poétiques à chaque printemps et les jeux, sportifs et littéraires, des Panathénées.
Il introduit une justice de paix ambulante en milieu rural, en lieu et place du bon plaisir des gros propriétaires aristocrates (l’expérience sera reprise 40 ans après sa mort) et fonde un crédit agricole pour libérer les petits paysans de la rapacité des prêteurs, ce qui permet de défricher et de stimuler la culture de la vigne et de l’olivier, donc de stimuler le commerce de l’huile et du vin, ainsi que la fabrication d’amphores et de divers types de poteries, notamment les cratères et plats vernissés, ocres et noirs, qui font de nos jours la joie des collectionneurs et des directeurs de musées (ainsi que la fortune des faussaires, confrontés à de riches « pigeons »). Il stimule aussi l’activité minière du massif du Pangée et du Laurion, ce qui permet aux ateliers monétaires de mettre en circulation des pièces à l’effigie d’Athéna et de sa chouette.
Dans la ville, il entreprend une politique de grands travaux pour obtenir le plein-emploi : aqueducs et fontaines, notamment dans les quartiers populaires situés à l’ouest de l’Acropole ; égout collecteur central et conduits latéraux ; temples, qui stimulent le tourisme artistique et religieux ; enceinte de protection autour de la basse ville ; les travaux furent poursuivis par son fils Hippias.
Tout ceci eut un coût, bien sûr. Pisistrate établit un impôt de 5 % sur tous les revenus, alors que les guerriers aristocrates, soit les plus riches des citoyens, n’en avaient jamais acquitté. On comprend, de ce fait, la haine de ces richards autant que l’enthousiasme populaire : l’une et l’autre ne lui firent jamais défaut. Fort peu sanguinaire, il se contentait de bannir, à Naxos, opposants et comploteurs.
À sa mort, en – 550, le peuple confie tous les pouvoirs à ses deux fils, dont l’un, Hipparque, dédaigneux de la garde dont s’entourait son père, meurt victime d’un attentat. C’est lui qui avait fait remplacer le tuf du temple d’Athéna, sur l’Acropole, par du marbre, ce qui avait mécontenté les riches imposés.
Après la fin du règne des fils de Pisistrate, au bout de 17 années durant lesquelles ils avaient relancé le culte orphique et agrandi le sanctuaire d’Éleusis, leurs opposants aristocratiques se firent passer pour des « libérateurs », alors qu’ils imposaient le retour au régime censitaire et assuraient le triomphe de l’aristocratie guerrière, tandis que pour une postérité longtemps crédule, car renseignée par les très aristocratiques Diodore de Sicile, du Ier siècle après J.-C., et Dion Cassius, du IIIe siècle, les « Pisistratides » passèrent pour des abrutis sanguinaires, débauchés, ivrognes et corrompus… des préfigurations de despotes marxistes en quelque sorte.
Débute alors la grande période de la « démocratie » athénienne du Ve siècle, tant vantée par nos brillants universitaires – les Allemands et les Britanniques étant moins dupes –, l’exemple-type de la ploutocratie, soutenue par des rhéteurs à gages. En opposition, les « tyrannies » avaient été des régimes révolutionnaires, visant à « abaisser l’aristocratie et à relever les humbles. »
Conclusion
Comme les termes totalitarisme, racisme ou génocide, le mot populisme est la traduction en langage moderne d’une réalité fort ancienne, peut-être aussi vieille que l’organisation des États, lorsque des hommes honnêtes décident d’accoupler l’éthique à la gestion du Bien Commun.
Texte tiré pour l’essentiel de Bernard Plouvier : Le populisme ou la véritable démocratie, Les Bouquins de Synthèse Nationale, 2017. Pour commander ce livre, cliquez ici.
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