Lorsque naguère, j’instruisais les recrues d’un régiment d’infanterie de marine sur la technique du tir, je soulignais les fautes de comportement à ne pas commettre.
Ainsi leur était-il recommandé de caresser d’un doigt léger « la queue de détente » du fusil (vulgairement appelée gâchette par les pékins) et non de la violenter par ce regrettable « coup de doigt » qui rend vain le travail de visée préalable.
De même, il leur était conseillé de maîtriser et de calmer leur souffle pour ne pas déplacer la semelle de crosse de l’arme, amoureusement nichée dans le creux de leur épaule. C’est à ce prix que pouvait être évité « l’arrosage » hors cible sanctionnant l’impulsif et évalué, après les tonitruants « Halte au feu ! » et « Aux résultats ! », les progrès effectués dans un prometteur « tir groupé ».
Visiblement dans le duel qui l’opposait à Emmanuel Macron, Marine Le Pen n’a pas respecté ces règles établies par une pratique assidue de l’exercice. Alors que face à l’ancien ministre de François Hollande, il fallait un sniper appliqué, méthodique, maître de ses nerfs et de sa respiration, soucieux de placer en pleine cible les précieuses balles mises à sa disposition pour neutraliser son adversaire, « elle a défouraillé à tout va », appuyant frénétiquement sur cette fameuse queue de détente, arrosant à qui mieux mieux un champ de tir où l’observateur le plus neutre avait du mal à analyser le tir.
Alors qu’elle était attendue plus particulièrement dans le domaine de l’économie et de l’euro, elle n’a pas argumenté sur le fond, se contentant d’incanter des formules aussi réductrices que de vulgaires slogans. Comment a-t-elle pu omettre de souligner que l’euro est une monnaie trop faible pour les pays forts et trop forte pour les pays faibles (l’exemple de la Grèce exsangue n’a pas même été cité) et qu’il accentue les déséquilibres au lieu de les gommer.
Pourquoi n’avoir pas insisté sur l’impact de l’euro fort sur nos exportations ? Comment ne pas évoquer le recours passé à ces dévaluations amères, mais nécessaires au rétablissement d’une économie nationale malade (À Athènes, il n’y aurait certainement pas eu matière à en faire des drachmes, pardon des drames).
Stigmatiser les effets pervers des « détachements de personnel » à travers l’Europe sans s’étendre sur leur origine et l’absence de politiques fiscale et sociale uniques sans lesquelles une monnaie ne saurait être pérenne, voilà qui aurait pu mettre en difficulté son interlocuteur.
Concernant l’immigration elle a escamoté le vrai débat qu’offre une analyse rigoureuse des effets du traité de Schengen. De plus à « hexagonaliser » son propos à outrance, elle a omis de souligner que des pays signataires dudit traité étant eux-mêmes frappés par ses déplorables conséquences, pouvaient constituer de sérieux alliés pour le « détricoter ».
À l’école de l’infanterie de marine on découvre les vertus du principe de la « charge creuse ». Concentrer les effets d’une quantité d’explosif relativement faible, sur un point précis de blindage, permet de le perforer. Marine Le Pen ne l’a pas compris. Au lance-roquettes antichar (le bazooka des adeptes des films de guerre américains), elle a préféré l’escopette ou le tromblon dont le canon évasé en forme de trompette disperse les plombs pour les incruster tout au plus dans les fesses d’un voleur de poules.
Elle prétendait faire sauter les réseaux défensifs de l’adversaire en usant de ces bangalores argumentaires imparables (le bangalore est cet engin explosif à long manche utilisé notamment lors du débarquement de Normandie pour déchirer les barbelés). Elle a en fait déclenché une pluie d’invectives qui ont eu autant d’effet que la bave du vilain crapaud sur la blanche colombe.
Et pendant ce temps, à l’abri de la butte de tir, à l’entrée de son terrier, Bug’Bunny Macron nonchalamment étendu sur l’herbe printanière, le sourire malicieux, comptait les coups tout en grignotant une carotte… vous savez, celle qui rend aimable et qui donne les cuisses roses… « Quoi de neuf, Docteur ? »
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