Mondialisation 2.0 (deuxième partie)
par Emmanuel Leroy.
Pourquoi le Système jouerait la carte Marine Le Pen, alors qu’elle est la seule candidate officiellement opposée au mondialisme ?
Pour comprendre cette hypothèse, il faut remonter à la crise financière de 2008, et plus précisément à la chute de Lehmann Brothers le 15 septembre 2008. Cette banque était un des piliers du Système, une des plus grandes banques d’affaires mondiales qui se partageaient le butin de la spéculation à l’échelle mondiale dans ce jeu de casino mortel.
Pour comprendre un peu la psychologie de ces banquiers hors normes et hors sol, le seul parallèle que l’on peut établir est celui que l’on peut faire avec l’étude de la piraterie, et notamment à son âge d’or au XVIIe et XVIIIe siècle.
Cette confrérie de boucaniers qui se nommaient eux-mêmes les Frères de la côte réunissait des pirates de toutes nationalités dont bien sûr des Anglais, mais aussi des Français, des Hollandais ou encore des Espagnols. Ces pirates travaillaient pour leur compte, c’est-à-dire qu’ils pillaient les navires marchands qui leur tombaient sous la main, comme un banquier vous pille votre argent qu’il est censé gérer. Mais ces pirates pouvaient fort bien s’allier lorsqu’un navire de guerre français ou espagnol menaçait de les couler.
Dans la crise des subprimes de 2008, les pertes furent tellement abyssales que dans le jeu de chaises musicales auquel s’amusaient les banquiers de grand chemin, il était naturel qu’il y eût des perdants. Et ce fut Lehmann Brothers, too big to fail, mais qui est tombé par terre quand même et que les oligarques étatsuniens n’ont pas essayé de sauver.
Les amis londoniens de Lehmann Brothers n’ont pas du tout apprécié. Ce petit meurtre entre amis a laissé des traces et a peut-être conduit les « amis » mondialistes de Londres et de New York à entamer une guerre des gangs comme de vulgaires malfrats marseillais.
En d’autres termes, il se serait produit en 2008 une scission dans le Système entre une branche londonienne qui a déclaré la guerre au dollar – appelons cette branche le camp des real-mondialistes, on verra pourquoi un peu plus avant – et une branche étatsunienne qui fera tout pour maintenir l’hégémonie du dollar et que l’on pourrait appeler le camp archéo-mondialiste.
Mais comme les choses ne sont jamais simples et qu’à l’heure de la mondialisation, les trajets entre Londres et New York sont assez aisés, on trouve à la City des archéo-mondialistes et à Wall Street des real-mondialistes. Tout cela n’empêche pas ce petit monde de se faire une guerre sans merci comme en témoigne l’épidémie de morts subites absolument hallucinante que l’on peut observer sur la planète financière depuis quelques années.
Cette déclaration de guerre des real-mondialistes contre le dollar signe le constat d’échec des néoconservateurs étatsuniens dans leur tentative d’achever la conquête du monde.
En effet, l’hyperpuissance étatsunienne a disposé d’une fenêtre de tir assez courte, mais réelle (entre 1990 et 2000) pour achever la conquête du heartland en soumettant Moscou. Et de fait, sous Eltsine, Washington et Londres pouvaient considérer qu’ils avaient emporté la partie tant la Russie semblait faible et soumise aux diktats occidentaux. Toutefois, le redressement spectaculaire de la Russie entrepris au tournant du millénaire par Vladimir Poutine aura ruiné tout espoir des Occidentaux de remettre Moscou à genoux.
Quand on a intégré cette nouvelle vision du monde qui consiste à accepter l’idée que le Système n’est pas monolithique, qu’il est entré en crise et s’affronte dans une guerre fratricide qui oppose ces deux factions, on comprend mieux certains faits à l’aide de ce nouvel éclairage.
L’affaire Strauss-Kahn par exemple est incompréhensible si l’on ne dispose pas de cette grille de lecture. On peut, bien sûr, se contenter des apparences sur le tropisme connu du personnage pour la bagatelle, mais à y regarder de plus près, DSK était chargé au FMI de mettre en place la future monnaie mondiale à travers le montage des DTS (droits de tirage spéciaux) et il avait pour cela le soutien de la City, de la Chine, de la Russie (Medvedev régnant), de la Lybie et de tous les pays qui souhaitaient sortir de l’orbite du dollar, il y en a un certain nombre, comme l’Iran et bien d’autres encore…
Toute action visant à mettre un terme à l’hégémonie du dollar ne peut être vue par l’oligarchie étatsunienne, désormais archéo-mondialiste, que comme une déclaration de guerre. Voilà pourquoi Dominique Strauss Kahn a été mis à terre et voilà pourquoi les USA ont déclaré une guerre par procuration contre la Libye par Sarkozy et Cameron (archéo-mondialistes eux aussi) interposés.
Ce nouvel éclairage des faits permet là encore de mieux comprendre le Brexit qui a pris de court tous les archéo-mondialistes (Etatsuniens et Européens). Pour ceux qui souhaiteraient plus de détails (voir ici mon analyse sur le Brexit et l’élection de Trump). Pour mémoire, je rappellerai ici le soutien tout en finesse que la reine d’Angleterre a apporté au Brexit.
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Philippe Randa,
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