12 décembre 2016

Vers l’Europe militaire ?

Par Georges Feltin-Tracol

 

On n’en finit plus de spéculer sur la politique étrangère que va mener le 45e président des États-Unis d’Amérique à compter du 20 janvier 2017. Si on se fie à ses déclarations au cours de cette longue campagne électorale, on ne peut que relever une nette affirmation d’inciter au désengagement – relatif – des forces armées US en Asie et en Europe. Le prochain occupant du Bureau ovale exigera peut-être que ses alliés du « Vieux Continent » cessent de considérer l’OTAN comme leur unique recours possible. Il aimerait bien que les Européens prennent enfin leur destin militaire en main. Plus de soixante ans après l’échec de la Communauté européenne de défense (CED), le Brexit pourrait paradoxalement relancer un processus militaire européen si possible émancipé de la tutelle états-unienne.

Lors du sommet européen à Bratislava le 16 septembre 2016, François Hollande déclarait pour une fois avec raison : « Si les États-Unis font le choix de s’éloigner, l’Europe doit être capable de se défendre par elle-même. Pour l’Union européenne, la défense, c’est le défi. Il s’agit de peser sur le destin du monde, de se doter d’une capacité de projection. […] Il n’y a pas de continent, il n’y a pas d’union s’il n’y a pas de défense de ce que nous représentons (dans Le Figaro des 17 et 18 septembre 2016). »

Mieux encore, Jean-Jacques Mével rapporte que « le trublion Viktor Orban a surpris beaucoup de monde en s’affichant comme le partisan résolu d’une Europe militaire : « la sécurité de l’UE est la priorité et nous devrions mettre sur pied une armée européenne », assurait-il le mois dernier (dans Le Figaro du 14 septembre 2016). »

Ce projet ambitieux suscite cependant toujours la réticence de certains États membres de l’Union pseudo-européenne qui ne veulent pas s’écarter du cadre atlantiste.

Du coup, Varsovie vient d’annuler l’achat d’hélicoptères militaires Caracal pour des hélicoptères assemblés outre-Atlantique. Jean-Jacques Mével ajoutait en outre que « la Pologne est favorable à l’Europe de la défense, « du moment qu’elle ne cherche pas à faire concurrence à l’OTAN », dit-on à Varsovie. Prague et Bratislava sont à peu près sur la même ligne (art. cit.). »

Pis, fin septembre 2016, le ministre britannique de la Défense, Michael Fallon, assurait que « le Royaume-Uni s’opposera au projet d’Europe de la défense porté par la France et l’Allemagne tant qu’il fera partie de l’UE. »

Les Pays-Bas, le Danemark et les États baltes expriment eux aussi leur défiance envers tout projet militaire européen non-atlantiste. Or, s’il y a un domaine dans lequel l’Europe peut se concevoir, c’est bien la défense et ses fantastiques retombées économiques grâce à la recherche-développement. Le Brexit et l’arrivée de Donald Trump pourraient sortir les Européens du continent, des aires méditerranéenne, rhénane et danubienne, de leur torpeur insensée. « Lorsque les Britanniques partiront, prévient Frederico Santopinto, du Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité, l’alibi qu’ils ont incarné pour justifier l’absence de progrès en matière de défense s’en ira avec eux… (dans Le Monde du 29 octobre 2016). »

En 1980, Julien Freund relevait dans La fin de la Renaissance (PUF) que « le vrai principe fédérateur en politique est le militaire et non l’économique ou le culturel. En effet, c’est par les guerres ou à la suite de guerres que les États se sont constitués » (p. 11).

Il manque encore au drapeau européen l’adoubement par le tragique sur les champs de bataille et le sang versé des Européens, mais cette absence ne durera peut-être plus longtemps.

Bonjour chez vous !

 Cette « Chronique hebdomadaire du Village planétaire » a été diffusée sur Radio-Libertés le 9 décembre 2016.

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