C’est la victoire de Christopher Lasch et de Christophe Guilluy. Le début de la fin de « la révolte des élites » et l’avènement démocratique du peuple des oubliés de la périphérie. Il n’est que de voir la consternation, l’hébétude, même, sinon la stupeur, sur les visages des commentateurs patentés du système politico-médiatique. Les analyses demeurent à minima, tant, toute cette privilégiature, cette coterie endogamique, a été prise par surprise, pensant qu’une démocratie comme celle des États-Unis ne se laisserait pas happer par les démons putrides du populisme, ce qualificatif policé pour pointer une foncière et sincère prolophobie, une ineffable populophobie.
Donald Trump a donc gagné. D’aucuns diront bientôt que, décidément, depuis trente ans, le camp Républicain, de ce côté-là de l’Atlantique n’a finalement donné, jusque-là, que des candidats foutraques, de l’acteur de série B, Ronald Reagan, à Georges W. Busch Jr, va-t’en guerre inconséquent ayant mis le Moyen-Orient à feu et à sang. Une fois encore ce sera oublier que l’Amérique est l’Amérique. Que la gauche progressiste supposément incarnée par l’icône médiatique, Hillary Clinton, n’est nullement commensurable aux gauches françaises et européennes. De même que la « droite » prétendument incarnée par Trump, se situerait aux antipodes des droites du Vieux Continent.
Le soutien affiché de Barack Obama, dont le bilan en demi-teinte est âprement discuté sur les rives du Potomac, aura assurément desservi sa Secrétaire d’État. Leurs entourages respectifs pensaient, avec toute la candeur hautaine qui sied à ces oligarques hors-sol du Bilderberg ou de la Trilatérale, que l’Amérique allait offrir, une nouvelle fois, au monde l’exemple paradigmatique de la parousie diversitaire. Après un Noir, Est ad mulierem ! Voici la Femme. La direction à suivre pour bâtir ce nouvel ordre mondial postmoderne, avec les Droits de l’Homme comme Bible séculière.
Islamophile revendiqué (comme en atteste son discours prononcé au Caire le 4 juin 2009, dans lequel, il « a fait d’une certaine manière de l’islam une religion américaine », comme l’observait justement le politologue, Gilles Keppel [Le Monde, 5 juin 2009]), Obama s’est complu également dans une sorte de social-démocratie à l’européenne, ceci expliquant le culte énamouré dont il a toujours fait l’objet au sein de nos élites, de Bruxelles à Berlin et Paris. Ce faisant, il imprimait idéologiquement bien mieux chez nous qu’à Washington.
Si Trump a coiffé tout ce beau monde au poteau, est-ce, sans doute, grâce à ce vieux fond de sauce identitaire yankee qu’il a su revivifier, non pas tant parce qu’il entonnait parfois les accents nostalgiques – sinon mélancoliques – d’une grandeur américaine passée, que parce que, précisément, cet ADN est au cœur même de l’anthropologie culturelle et religieuse américaine.
Si Obama ne fut qu’un accident de l’Histoire des États-Unis, il poursuivait, néanmoins, telle une queue de comète, l’artificielle mythologie antiségrégationniste forgée, autant par la Cour suprême (dans son fameux arrêt de revirement, Brown v. Board of Education of Topeka de 1954), que par les discours incendiaires des Blacks Panthers ou de Malcom X, ou le pacifisme apparent d’un Martin Luther King. En cela, son élection en 2007, loin d’être l’évènement planétaire inédit que l’on a exagérément loué à l’époque, s’inscrivait dans les plis de l’Histoire du Grand Sam.
Avec Trump, Cimarron moderne faisant immanquablement penser aux capitaines d’industrie, bâtisseurs de l’Amérique, que furent Rockefeller ou Carnegie, c’est le retour aux sources de la Manifest Destiny tournée, ici, vers le souci de redonner au peuple américain sa fierté d’antan, à l’heure où, de Moscou à Pékin et de Bagdad à Caracas, les Etats-Unis sont ouvertement critiqués.
Ajoutons, enfin, que bien que cette élection présidentielle américaine soit d’abord et avant tout l’affaire des seuls Américains – en dépit de la saturation médiatique symptomatique qu’elle suscite systématiquement, comme s’il se fut agi d’élire le maître du monde –, gageons, avec toute la prudence requise en ce genre d’oracle, qu’elle ne sera pas sans influence concernant la campagne présidentielle française. Affaire à suivre.
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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.
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Journaliste et essayiste, apporte régulièrement sa contribution à la presse d’information et d’opinion, de L’Action française 2000 à Boulevard Voltaire. Conjuguant militantisme et réflexion politiques, il exerce des responsabilités au sein d’un parti politique national. Il est l’auteur de trois essais (Détournement d’héritages, préface de Pierre Hillard et La souveraineté dans la nation, préface de Philippe Randa). et Dictionnaire du Grand Épuisement français et européen (Préface de Pierre Le Vigan).