Nucléaire : le paradoxe des sanctions
Les sanctions internationales sur les états comme la Corée du Nord ou l’Iran pour les empêcher de se doter de l’arme nucléaire sont inopérantes et accélèrent davantage leurs programmes. Ce paradoxe a été appelé « paradoxe des sanctions »,par le politologue américain Daniel Drezner,
Supposer que des sanctions économiques ou même une menace militaire puissent faire basculer le régime en espérant circonvenir sa population est une triple erreur : d’abord parce que cette stratégie postule une réaction calquée sur nos modèles démocratiques, ensuite parce que le pouvoir y verrouille toute opposition, enfin et surtout, psychologiquement car l’oppression intérieure est toujours sublimée par la menace extérieure et renforce au contraire la cohésion entre le peuple et ses dirigeants
La résistance s’organise au profit de la ligne dure et derrière le programme nucléaire auquel les populations civiles se rallient car il devient symbole de résistance et d’espoir en garantissant qu’avec la bombe, la dissuasion leur permettra d’avoir la Paix et de passer à autre chose. Les armes nucléaires en rendent les états possesseurs inattaquables. Face aux sanctions qui s’ajoutent à des économies en ruine et des populations souffrantes, la bombe devient alors une nécessité prioritaire .
Les sanctions favorisent aussi l’inventivité. Réorganisation des économies autour des objectifs nucléaires : blanchiment d’argent, marchés noirs ou production autochtone de composants sous embargo. Le programme nucléaire nord-coréen a été développé malgré les sanctions les plus restrictives au monde. L’Iran a mis au point les centrifugeuses IR9, 50 fois plus performantes que les IR 1 de première génération malgré le ver informatique stuxnet ou les assassinats ciblés .
Les sanctions détruisent ou compliquent les relations diplomatiques obligées de passer par des tiers une fois expulsés les ambassadeurs.
Le programme nucléaire nord-coréen illustre le paradoxe des sanctions : Le pays possède actuellement 50 ogives et des missiles capables d’atteindre les États-Unis. Alors que les sanctions se durcissaient encore à la suite des premiers essais nucléaires nord-coréens en 2006, l’idée de les marchander en contrepartie d’un retour à la table des négociations a abouti à l’effet inverse et poussé la Corée du Nord à accélérer son programme. Car la Corée du Nord a su tirer certaines leçons. Celle du renversement en 2011 de Mouammar Kadhafi. Lui aussi renonçait à engager la Lybie dans un programme nucléaire en échange d’un allègement des sanctions, huit ans après il était dégommé. Ne parlons pas de l’Ukraine dont l’erreur majeure fut d’avoir restituée le 5 décembre 1994 son stock d’armes nucléaires à la Russie aux côtés de Belarus et au Kazakhstan . « Les garanties de sécurité que nous avons données à ces trois pays soulignent notre engagement en faveur de l’indépendance, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de ces États », déclarait Bill Clinton. On voit ce que vaut cette promesse aujourd’hui ! En revanche le Pakistan, puissance nucléaire qui abritait Ben Laden n’a jamais été inquiété. Mansuétude justifiée officiellement par une entente de surface avec les États-Unis, mais que l’ISI ( Directorate General for Inter-Services Intelligence) affidée à l’Iran, pouvoir effectif et dont les attributions s’étendent à tous les domaines est loin de partager. En 2016 Les Nord-coréens expérimentaient une bombe à hydrogène et développent leurs missiles balistiques intercontinentaux. Le Hwasong-19 présenté en 2024 est mobile, dispose d’un moteur à combustible solide et est doté d’ogives à têtes multiples.
L’Iran a louvoyé entre escalade et désescalade. Son programme nucléaire a commencé sous la gouvernance fantoche des Pahlavi portés au pouvoir par les occidentaux, avec le soutien américain dans des jeux tordus avec les Anglais. La révolution de 1979 en Iran avec la crise des otages bouleverse la donne. Les États-Unis ne croyant pas à l’adhésion des Iraniens au nouveau régime mettent en place des sanctions avec extraterritorialité pour le faire tomber. Gel des avoirs et restrictions généralisées entraînant une crise humanitaire . Pourtant en 2005 une fatwa de l’ayatollah Ali Khamenei, très respecté, interdisait la production, le stockage et l’usage d’armes nucléaires, affirmant que l’Iran n’acquerrait jamais de telles armes. Contre toute attente le régime ne tombe pas et à Vienne un accord international sur le nucléaire iranien pour son exploitation civile est signé le 14 juillet 2015, contrôlé par des visites inopinées sur place de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) .
Mais, en 2018, Trump de sa propre initiative, sans aucune preuve et sans tenir compte des affirmations contraires de l’AIEA décide soudain que l’Iran ne respecte pas ses engagements et retire unilatéralement les Etats Unis de l’accord. Scénario semblable à celui de l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003 au prétexte de supposées d’ armes de destruction massive qui n’existaient pas ! Pas d’armes, mais dix ans de guerre, des centaines de milliers de morts et l’émergence de Daesch. Pour revenir à l’Iran, en 2019, le pays se retire de l’accord, développe désormais sans contrôle son programme vers un uranium enrichi à 90% de qualité militaire et refuse les inspections . Si les photographies du site de Fordo après l’attaque américaine montrent qu’elle a rendu sans doute inopérantes les centrifugeuses, d’autres images satellites révèlent 16 camions stationnés le long de la route d’accès aux tunnels de Fordo 48 heures avant l’attaque, déménagement probable des stocks d’uranium déjà enrichis.
Pourtant, malgré (ou à cause) de ces évènements, à l’approche de l’expiration de l’accord de Vienne, le pays avait lâché un peu de lest en acceptant la reprise des inspections par l’AIEA. Las ! tout a été remis en causes fin septembre, avec le rétablissement des sanctions contre la République islamique décidé par l’ONU et l’activation du mécanisme de « snapback » (retour en arrière), déclenchant une nouvelle salve des sanctions internationales contre l’Iran. La stratégie fomentée par les États-Unis et Israël est-elle de pousser l’Iran à l’erreur pour justifier son envahissement au nom du Bien, de la Liberté et de la démocratie, puis d’organiser sa gouvernance par un pantin tiré du chapeau ?
Le paradoxe des sanctions continue.
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