106 nuances d’OGM
Entre croyances qui la refusent et principes de précaution qui exigent des certitudes, l’innovation devient systématiquement suspecte. Sans parler des sociologues qui vous affirment sans rire que la science n’explique pas, mais décrit ! Ou qu’elle n’est qu’un récit parmi d’autres… Nul doute que les 106 Prix Nobel qui viennent de prendre fait et cause pour les OGM alimentent encore cette schizophrénie ambiante entre la peur et le besoin à laquelle s’ajoutent des intérêts financiers. Pourtant, comme je l’écrivais en avril sur Eurolibertés, ce siècle sera celui de la maîtrise du vivant avec notamment l’extraordinaire découverte du CRISPER-CAS-9.
Mais ces 106 Prix Nobel, que disent-ils ?
« À l’attention des dirigeants de Greenpeace, des Nations Unies et des Gouvernements
L’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture a noté que la production mondiale de denrées alimentaires, d’aliments pour animaux et de fibres aura quasiment besoin de doubler d’ici 2050 pour répondre aux besoins d’une population mondiale croissante. Les organisations opposées à la sélection végétale moderne, avec Greenpeace à leur tête, ont constamment nié ces faits et se sont opposées aux innovations biotechnologiques dans l’agriculture. Elles ont déformé leurs risques, leurs avantages et impacts, et ont soutenu la destruction criminelle des essais sur le terrain approuvés et des projets de recherche […]
Greenpeace a été le fer de lance de l’opposition contre le Riz Doré, qui a le potentiel de réduire ou d’éliminer la plupart des décès et maladies causées par une carence en vitamine A.
La carence en vitamine A elle-même est la principale cause de cécité infantile affectant globalement 250 000 à 500 000 enfants chaque année. La moitié d’entre eux meurent dans les 12 mois du fait de la perte de vision.
NOUS APPELONS GREENPEACE à cesser sa campagne contre le Riz Doré en particulier et contre les cultures et les aliments améliorés grâce aux biotechnologies en général.
NOUS APPELONS LES GOUVERNEMENTS DU MONDE ENTIER à rejeter la campagne de Greenpeace contre le Riz Doré en particulier et contre les cultures et les aliments améliorés grâce aux biotechnologies en général et de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour s’opposer aux actions de Greenpeace. Combien de pauvres gens dans le monde doivent mourir avant que nous considérions cela comme un crime contre l’humanité ? »
Tous ces Nobel sont-ils exemplaires ? Sans doute pas : d’aucuns cachetonnent et Monsanto chantre du glyphosate est forcément suspect dans sa défense des OGM. Pourtant l’arbre ne doit pas cacher la forêt : le recul à vingt ans est désormais suffisant pour affirmer que certains OGM sont bienfaisants. Comme il est temps d’oser démythifier Greenpeace et l’obscurantisme réactionnaire. Celui de milieux gaucho aisés qui s’autocongratulent sur leur noblesse d’âme et leur engagement au nom de l’humanité qui interdit par définition toute critique. Vertus sûrement trop jubilatoires pour qu’elles ne s’accommodent pas de quelques millions de cécités.
Quant à José Bové, le Larzac de la Pensée, qui certes ne risque pas le prix Nobel, il lui est évidemment, avec ses approximations pleines de bon sens, plus gratifiant de manipuler ses troupes « fauchistes » depuis le Parlement européen plutôt que d’être au cul des moutons.
Pourtant, diriger les mutations plutôt que de les abandonner au seul hasard n’est-ce pas se réapproprier intelligemment un processus naturel ? Aujourd’hui, loin de se cantonner aux seuls végétaux, CRISPER-CAS-9 ouvre désormais une voie nouvelle qui ne nécessite plus de synthétiser une protéine sur mesure pour chaque gène ciblé. Il permet ainsi facilement et à bon marché tous les bricolages génétiques possibles y compris chez les microbes ou dans l’espèce humaine.
Ainsi, en septembre 2015, Elizabeth Parrish, 44 ans et directrice de la société Bioviva, a reçu deux thérapies géniques expérimentales développées par sa société pour rallonger ses télomères (les gènes de l’horloge biologique).
Nous sommes donc à l’aube de questions sociales et éthiques défiant l’imagination. Les organismes modifiés, nous n’en sommes qu’au début !
Alors y a-t-il des risques ? Oui. Si le blé bricolé génétiquement peut sauver des vies, le bioterrorisme peut aussi bidouiller un virus ou un bacille pour le rendre invulnérable et réaliser une bombe biologique. Et il ne fait aucun doute que les organismes ciblés par les OGM sauront à leur tour s’y adapter tôt ou tard. Il convient donc ni de les exalter, ni de les diaboliser, mais de les maîtriser.
Et de rappeler qui si les « fauchistes » ne saccageaient pas laboratoires et cultures expérimentales, la France pourrait être en pointe sur ces questions.
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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.