Le deuil n’est pas l’apanage des humains
Le 2 du mois de novembre célèbre la Fête des morts, au lendemain de la Toussaint. Mais le chagrin n’est pas le propre de l’homme. Face au trépas d’un congénère, le comportement de certaines espèces semblent traduire des émotions comme la tristesse ou l’affliction.
Mais ces réactions impliquent-elles que les animaux savent ce qu’est la mort ?
La fable Les obsèques de la lionne de Jean de La Fontaine souligne le chagrin du Prince :
« La femme du Lion mourut :
Aussitôt chacun accourut
Pour s’acquitter envers le Prince
De certains compliments de consolation,
Qui sont surcroît d’affliction. »
Si Le fabuliste utilise les animaux pour enseigner aux hommes, il reste un fin observateur de la nature. Désormais, nombre d’éthologues ont pu constater des comportements d’affliction devant la perte d’un de leur congénère.
Le deuil vécu par les animaux ressemble en grande partie à celui qu’on peut éprouver en tant qu’humain. On peut observer la première phase de sidération, à laquelle s’ensuit le déni et la recherche de l’animal disparu, puis enfin vient la phase de déstructuration.
Thierry Hoquet à propos des funérailles animales dans son article : « Les bêtes qui savent enterrer leur morts” a écrit : “Plusieurs espèces manifestent une connaissance de la mort et une fidélité aux défunts, relation intra- ou inter-spécifiques (une fourmi pour une fourmi, un chien pour un chat) ou regrets éprouvés d’une bête pour un être humain. »
Il est connu désormais que les éléphants pleurent et font partie des rares animaux dont les schémas de deuil sont similaires à ceux des humains. Les éléphants enterrent leurs morts et rendent hommage aux corps et aux os.
Des chercheurs ont observé des cérémonies qui ressemblent à des rituels funéraires chez les pachydermes : processions, enterrement délicat par la mère et même barrissements en cercle autour de la tombe.. Un troupeau d’une quinzaine d’individus s’avance en procession, en avant la mère tire le cadavre de son enfant. Le trajet est long et une fois arrivé à un endroit précis près d’un acacia, les éléphants se mettent à soulever la terre de leur trompe pour creuser un trou, la mère pousse son petit dans la tombe pour le placer les pattes en haut. Puis les membres du troupeau viennent un par un jeter du sable avec leur trompe et recouvrir le corps. Les éléphants se mettent en cercle autour de la tombe et poussent un long barrissement, et posent leur trompe sur la bouche du défunt comme pour l’embrasser une dernière fois.
Parfois, les troupeaux reviennent honorer les cadavres enterrés chaque année.
Mais il n’y a pas que les éléphants qui entourent leur défunt. Une étude du docteur Marc Bekoff de l’Université de Colorado, parue dans The Telegraph révèle des scènes de funérailles chez les pies. On a observé ces oiseaux entourant le corps de l’un d’entre eux en donnant des coups de bec et qui jacassent une sorte de complainte mortuaire.
Dans son ouvrage intitulé L’émotion des animaux, le chercheur explique qu’il a assisté à ce genre de scène et à ces jacassements particuliers. Il ajoute qu’il a pu constater également que les pies vivantes déposaient des brins d’herbe sur le corps de la défunte. Rien d’étonnant ! Les animaux sont des êtres sensibles alors pourquoi ne pourraient-ils pas ressentir de la peine quand ils perdent l’un des leurs. Ces funérailles durent 10 à 15 minutes avant que tous les participants ne s’envolent, généralement en silence.
Encore plus surprenante l’histoire de Koko (1971-2018) la gorille qui maîtrisait 1000 signes différents issus de la langue des signes américaine , éduquée par l’éthologue Penny Patterson.
Koko a souhaité adopter un chaton. Malheureusement son petit protégé a été percuté par une voiture et est mort. En communiquant sa prise de conscience de la mort du chaton, ce primate démontre une intelligence émotionnelle. Elle utilise les signes “malheureuse”, “triste” et fronce les sourcils et pleure avant de s’isoler pour imiter les sons d’un humain en pleurs.
Les animaux peuvent également ressentir de la tristesse lorsqu’ils perdent un humain, comme ce fut le cas du chat Toldo qui se rend chaque jour sur la tombe de son maître Monsieur Lozelli dans une bourgade proche de Florence.
L’Histoire nous révèle également le fait que l’épagneul appelé Geddon de Marie Stuart (1542-1587) a accompagné la reine jusqu’à l’échafaud. Blotti sous la robe de Marie durant l’événement de l’exécution, il montre ses crocs au bourreau et se précipite vers la tête de Marie en aboyant. Deux jours plus tard, après l’exécution de Marie Stuart, Geddon refuse de se nourrir et se laisse mourir.
Nous avons autant à apprendre des animaux, qu’eux ont à apprendre de nous.
Bien longtemps, nous avons cru que nous étions les seuls à éprouver de la peine lors de la perte d’un proche, nous constatons désormais que les animaux même sauvages manifestent de l’affliction lorsque l’un de leurs, meurt et qu’ils puissent avoir des comportements étonnants.
Jill-Manon Bordellay dédicacera ses livres
le 1er décembre au Marché de Noël à Yerres (91330)
(https://www.yerres.fr/l-agenda/marche-de-noel) :
Les livres de Jill-Manon Bordellay aux éditions Dualpha :
Souffrance animale & responsabilité humaine, préface de Christian d’Andlau-Hombourg
Animaux : halte à l’hécatombe !, préface de Christian d’Andlau-Hombourg
L’enrôlement des animaux durant les guerres, préface de Michel Quinton, postface de Jocelyne Donsanti
Mort et création chez Gérard de Nerval et Edgar Allan Poe
Le symbolisme de l’amour et de la mort durant la renaissance italienne, préface de Pierre Moussy, postface de Bastien Loukia
Bestiaire philosophique de Friedrich Nietzsche, préface Micheline Cameron
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