23 décembre 2016

Rémy Tremblay et l’Europe

Par Philippe Randa

Rémy Tremblay défend la cause de l’Amérique française. Rédacteur en chef du Harfang, porte-parole de la Fédération des Québécois de souche depuis 2013, collaborateur de plusieurs médias (Présent, Livr’Arbitres, Council of Euro-Canadians et Alternative Right) ; il a publié aux éditions Dualpha Les Acadiens : du Grand Dérangement au Grand Remplacement (2015) et avec Jean-Claude Rolinat, Le Canada français, de Jacques Cartier au génocide tranquille (2016).

Quelle est votre position sur l´Europe ? Êtes-vous anti ou pro Européen ? Dans ce dernier cas de figure, êtes-vous pour une Europe fédérale ou une Europe de la coopération de nations souveraines, ou encore en avez-vous une autre conception ?

Il serait malséant pour moi de donner ma vision de l’Europe, n’étant pas européen moi-même, mais nord-américain. Je combats au Québec depuis des années pour que l’on cesse de nous dire comment vivre et nous gouverner, alors mes commentaires ne sont que ceux d’un observateur extérieur et non pas un donneur de leçon ou un moralisateur. J’ai visité l’Europe par le passé et j’ai récemment lu plusieurs livres sur le sujet comme L’Europe de Gabriele Adinolfi, L’Europe aux cents drapeaux de Yann Fouéré et L’Europe des nations de Markus Willinger que j’ai récemment traduit pour Arktos, mais je ne vis pas la réalité européenne au quotidien.

Il me semble, par mes lectures, et cela n’engage que moi et non l’organisation pour laquelle je suis porte-parole, qu’une Europe fédérale ou du moins unie géopolitiquement parlant serait le meilleur contrepoids à Moscou et Washington.

Le modèle actuel qui prévaut à Bruxelles semble gouverné selon des choix idéologiques qui ne représentent pas la volonté populaire et encore moins – et ça c’est beaucoup plus grave – le bien être des peuples européens, ce qui devrait être la priorité de tout bon gouvernement.

Cette rupture entre Bruxelles et les peuples, on la constate surtout avec la crise migratoire actuelle aggravée par l’espace Schengen. Dans la gestion actuelle de la crise, ce sont les principes d’une idéologie mortifère qui priment sur le bien-être des peuples européens et dans leurs beaux discours les chantres de l’Europe bruxelloise n’ont même pas la prétention d’agir pour le bien des peuples qu’ils sont censés représenter.

Faut-il jeter le bébé avec l’eau du bain parce que la gestion actuelle et les orientations sont destructrices ? Je ne le crois pas. Je crois à l’Europe, mais certainement pas à celle de Bruxelles. Maintenant, c’est aux Européens de décider s’ils veulent une Europe fédérale, une Europe des nations charnelles, ou une association des nations actuelles.

2) Quelle que soit votre conviction, considérez-vous que rien n´arrêtera désormais la construction européenne sous sa forme actuelle ou sous une autre – que vous le déploriez ou l´espériez – ou, au contraire, que son échec est prévisible, voire même inéluctable ?

Je crois que la construction de l’Europe continuera de plus en plus rapidement, mais de façon de moins en moins concrète. En théorie, elle grossira, mais en pratique, elle ne peut que continuer de reculer. D’un côté l’élite européenne ne cesse de légiférer et de s’arroger des pouvoirs (quotas de réfugiés à accepter, etc.), mais sur le terrain le pouvoir de Bruxelles ne cesse de reculer. À l’Est où le marxisme culturel n’a pas fait les mêmes ravages qu’à l’Ouest, on voit que les pays refusent de plus en plus les diktats de Bruxelles. La fermeture de frontières dans plusieurs pays, les affronts de plus en plus fréquents de la Hongrie, montrent que le pouvoir réel de Bruxelles n’est que du vent. Les bureaucrates, bien à l’abri dans leur tour d’ivoire, continueront à émettre des décrets, à rédiger des rapports, à faire une Europe d’encre et de papier, mais seuls ceux qui acceptent de jouer le jeu respecteront leurs volontés.
3) Que pensez-vous du Grand marché transatlantique (GMT), cette zone de libre-échange entre l´Europe et les États-Unis, actuellement en négociation ?

Bon, on oublie sans cesse le Canada dans ces nouveaux traités ! Je ne connais pas assez les réalités américaines et européennes pour en faire une critique, mais je peux parler du Traité transatlantique qui unit désormais le Canada à l’Union européenne. Pour nous, c’est un désastre, comme l’est d’ailleurs le Traité transpacifique qui vise la création d’un espace similaire à l’Ouest.

De un, au niveau théorique, toute perte de souveraineté nationale est à dénoncer et dans ces traités, l’État abandonne une partie de sa souveraineté, ce qui revient à déposséder le peuple de son pouvoir. Les décisions futures seront soumises à des arbitrages extérieurs, ce qui signifie que l’intérêt économique de certains primerait officiellement sur la volonté populaire. Je ne suis pas dupe et je sais pertinemment qu’avec les lobbys, c’est déjà le cas, mais de faire de ces magouilles un système politique est tout simplement révoltant.

Maintenant dans le concret, ce traité est extrêmement dommageable pour l’économie canadienne et surtout québécoise. Prenons l’exemple du lait et des produits laitiers en général. Au Québec, les fermes laitières ne sont pas subventionnées, car elles sont régies par « la gestion de l’offre ». Cela signifie que les fermes doivent acquérir un quota de production et s’engagent à ne produire que ce quota. En contrepartie, toute la production sera achetée et vendue à un prix régi par la loi. Ainsi, dans les épiceries québécoises le litre de lait a un prix minimum et un prix maximum, ce qui permet un niveau de vie décent aux fermiers et un prix abordable pour le consommateur, tout en limitant la cote des transformateurs et des intermédiaires.

Une telle gestion permet de ne pas subventionner les producteurs et de faire payer un prix juste aux consommateurs, mais ce système ne fonctionne que dans un marché fermé. Au Québec, il est donc impossible de trouver un lait provenant d’une autre province ou des États-Unis. Dans les traités de libre-échange précédents, comme avec les États-Unis, la gestion de l’offre et la fermeture de certains marchés n’étaient jamais remises en cause. Seulement, ici avec le traité canado-européen, il y a une brèche dans la gestion de l’offre. Les fromages français, subventionnés et donc moins chers à produire et souvent produits en masse, arriveront donc sur les marchés québécois. Les fromages locaux survivront-ils à cette concurrence déloyale (subventions) ? Probablement, mais l’industrie laitière y laissera des plumes. Pour continuer avec cet exemple, pourquoi un citoyen français, par ses taxes, paierait-il pour un fromage qui sera consommé par un Canadien ?

L’exemple laitier en est un parmi d’autres, mais ici les agriculteurs sont sur les dents. Malheureusement, représentant un bloc d’électeurs négligeable et difficilement mobilisable à cause des contraintes et exigences liées à leur mode de vie, leur opinion ne compte pas dans les capitales.

4) L´avenir de l´Europe consiste-t-il à s´amarrer aux USA ou plutôt à resserrer les liens avec la Russie ? Ou aucun des deux.

Aucune des options, bien évidemment ! L’Europe a tout pour voler de ses propres ailes. Avant les conflits mondiaux qui l’ont déchirée et mise à terre, l’Europe ne se serait jamais posé une telle question. Un tel questionnement aurait été absurde. En ce moment, il ne manque qu’une chose pour que l’Europe se lève et devienne un acteur du monde : la confiance en soi. L’Europe semble être incapable d’agir sans demander à Washington ou Moscou la permission et semble incapable de cerner ce que sont ses propres intérêts. Elle parle toujours des grands principes universels qu’elle professe, mais ces beaux discours qui, à l’origine, pouvaient être un simple outil rhétorique de marketing en sont venus à remplacer les intérêts européens dans l’esprit des décideurs. Il faut donc que l’Europe regagne confiance en elle et en la légitimité de défendre ses propres intérêts et ensuite, elle pourra redevenir la puissance indépendante qu’elle aurait dû rester.

5) Qu´est-ce que l´Europe signifie pour vous ? Un rêve ? Un cauchemar ? Une nécessité géopolitique ? L´inévitable accomplissement d´un processus historique ? La garantie d´une paix durable pour le Vieux continent ? Ou rien du tout…

Pour moi, et pour nombre de Québécois, l’Europe est notre berceau. Nos yeux sont rivés sur ce continent qui nous a vu naître, grandir et partir pour l’aventure américaine. Même sans l’avoir jamais visité, nombreux sont les Québécois qui sont attachés au Vieux Continent et qui ont l’impression de bien le connaître. Ce qui s’y passe nous affecte donc, quoique nos élites semblent incapables de tirer des leçons des évènements s’y produisant.

Maintenant, pour répondre à la question qui touchait plutôt l’Europe en tant qu’entité politique et non en tant que sujet historique, elle peut représenter la montée d’un monde multipolaire, un monde où le Kremlin et la Maison Blanche ne peuvent dicter la marche à suivre, où l’équilibre permet une paix réellement juste. Mais cela, ce n’est pas à nous d’en décider et pour réutiliser une formule que les présidents français ont utilisée pour expliquer leur position sur l’avenir du Québec, la position de notre organisation pourrait se résumer par une « non ingérence, non indifférence. »

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Philippe Randa,
Directeur d’EuroLibertés.

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